LE MALEKISME AME DE LA SOCIETE IFRIQIYENNE.

LE MALEKISME AME DE LA SOCIETE IFRIQIYENNE.

Dr. Hassan Amdouni

 

Au début, l’école malékite était imprégnée de hanafisme. Asad Ibn al Furât (m : 213H/828JC), par exemple, avait suivi les deux enseignements, et sa “asadiyya” contenait les deux tendances.

Puis le malékisme se détacha du hanafisme avec Ali Ibn Ziyâd (Mort 183H/799JC), le premier à introduire le “Muwatta’ de l’imâm Mâlik Ibn Anas (93H/179H) en Ifriqiya.

C’est avec l’imâm Suhnûn (160H/240H), que naquit une haute réputation dans le pays du malékisme : il forma la génération qui donna à l’école malékite son essor. En ce temps-là, les Hanafites perdaient de leur autorité dans la population, surtout à cause de leur alliance avec le pouvoir aghlabide, qui devenait de plus en plus impopulaire.

La particularité du malékisme est son attachement à la Sunna du Prophète (Paix sur lui). On l’appelait l’école du “hadith” ; elle fut aussi marquée par le caractère de son fondateur éponyme, l’imâm Mâlik Ibn Anas, qui avait une forte impression sur ses étudiants : il s’était toujours tenu à l’écart du pouvoir auquel il avait refusé de faire des concessions ; par contre, il s’était attaché à défendre le peuple contre les excès du pouvoir. Sur le plan moral l’imâm Mâlik, puis ses disciples, recherchait la piété, voire la dévotion ; la simplicité, l’ascétisme ; la dignité, voire le courage. Tous ces traits sont à l’origine de l’attachement au malékisme.

Saïd Ibn Al Haddâd (Mort 302H/914JC) disait : “L’imâm Mâlik était parmi les plus affermis dans l’Islam : il était plus affermi que les montagnes ancrées dans le sol !”(1)

Ainsi les savants malékites suivirent les pas de leur maître : Hafs, à la tête d’une délégation, alla trouver l’émir aghlabide Ibrâhîm (dont le règne débuta en 184H/801JC) pour lui demander d’alléger un impôt que les paysans trouvaient excessif.(2)

Suhnûn écrivit une lettre d’exhortation à un prince aghlabide, comparant cette lettre à un remède désagréable mais nécessaire. (3)

En ce qui concerne la simplicité, nous lisons que Jabala (Mort 297H), malgré ses origines fortunées, avait un niveau de vie qui, de point de vue économique, était semblable à celui du bas peuple ; mais pour sa piété, les Malékites le plaçaient très haut.(4)

Ces savants alliaient science et piété, pensée et action.

L’école malékite devait aussi sa force à la manière dont était organisé l’enseignement que transmettaient les machâ’ikh (maîtres) de l’école.

Le maître formait ses étudiants, sur les plans à la fois juridique et moral. Des chaînes de transmission se formaient ainsi, de génération en génération (at-tabaqât) ; cette organisation était liée aux deux aspects de l’école : transmission de la Sunna d’une part (les hadith), formation morale et pieuse d’après le maître, d’autre part.

On rapporte qu’Al Buhlûl Ibn Râchid (128H-743JC/183H-799JC) allait chercher à domicile certains de ses étudiants, et se renseignait sur les raisons de leurs absences des cours: nous y voyons là le caractère moral et personnel de la relation maître-élève.(5)
Les groupes d’étudiants, avides de science, entourant leur cheykh, semblent avoir été une image typique du malékisme à une époque où cette école était en pleine expansion.

Pour évaluer la masse d’étudiants qui se sont tenus dans la ligne de l’imâm Mâlik, il suffit de voir la liste étonnante des churûh (explications), ta’âlîq (commentaires) et hawâchî (notes) dont fit l’objet le Muwatta’ de l’imâm Mâlik et plus tard la Mudawwana de l’imâm Suhnûn. (6)

Il semble que ce soit la quatrième tabaqa (génération) des Malékites ifriqiyens qui ait le plus contribué à l’ampleur de la renommée de cette école juridique. Il s’agit donc de la génération d’élèves qui puisa son enseignement auprès de cheykhs qui avaient puisé le leur auprès des élèves de l’imâm Mâlik de la deuxième tabaqa (appelée : at-tabaqa al wustâ) (7)

C’est ainsi que le malékisme put résister au chi’isme isma’ilien, qui était la doctrine officielle de la Dynastie Fatimide (296H-909JC/362H-973Jc) durant son règne sur l’Afrique du Nord, et se trouva être la seule force qui représentât l’Orthodoxie sunnite.(8)

H Monés a dit :” La force de l’Orthodoxie sunnite en Ifriqiya (…) est le résultat du travail d’une longue lignée de dévôts et de fuqahâ’ (malékites), presque sans pareil dans les annales musulmanes. (…) L’histoire du fiqh et des fuqahâ’ ifriqiyens est la meilleure histoire de l’Islam de toute l’aile gauche du monde musulman.” (9)

 

NOTES ET REFERENCES

 

(1) Qâdî ‘Iyâd : Tartîb al madârik li ma’rifat a ‘lâm madhhab Mâlik, t. I, pp. 77.

(2) Hady Roger Idris : Contribution à l’histoire de l’Ifriqiya d’après le Riyâd an-nufûs d’Abû Bakr al Mâlikî, p. 67.

(3) Idem, p. 68.

(4) H. R. Idris, Contributions, pp. 125, 133, 142 et 284.

(5) Monés Husayn : le malékisme et l’échec des Fatimides en Ifriqiya, pp. 205-206.

(6) Carl Brockelman, Geschichte des arabischen literatur, t. III, pp. 282-284, pour la liste complète des explications et commentaires dont fit l’objet la Mudawwana. Voir aussi, pour une période postérieure, la Risâla d’Ibn Abî Zaïd (m : 386H/996-7 JC), dont le nombre de shurûh atteignit, selon Kâfî, 28. Cité par C.Brockelman, p. 287.

(7) Qâdî ‘Iyâd, Madârik, t.I, pp. 2 et suivantes et pp. 28 et suivantes.

(8) Voir Hasan Husnî. Abdul-Wahâb, Waraqât (Feuillet sur certains aspects de la civilisation arabe en Ifriqiya), t.III, p.47.

(9) H. Monés, le malékisme…, p.203.

 

 

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Author: admin-amdouni