Introduction à l’étude de la Loi Islamique

Introduction à l’étude de la Loi Islamique

 

Auteur | cheykh Al Qaradâwî

Traduction | Dr.Hassan Amdouni

 

Le changement de la Fatwa dans le temps et l’espace et selon les circonstances

 

Ce dernier facteur complète les autres facteurs. La Charî‘a est venue pour réaliser les intérêts des hommes et c’est ce qu’il faut avoir à l’esprit lors de l’interprétation des Textes et de l’application des ahkâm (les sentences légales). Les juristes ne doivent, en aucune manière, se limiter en permanence à un seul avis.

Ce que dit Ibn Al Qayyim à propos du changement de la Fatwa : ” La Fatwa change dans le temps et l’espace et selon les circonstances, les habitudes et les intentions”. Il a réservé à ce sujet un chapitre dans son livre : “I‘lâm Al Mouwaqqi‘în”.

Il a dit dans l’introduction de ce chapitre : ” Ce chapitre est d’un grand intérêt. En raison de son ignorance, on s’est énormément trompé sur la Charî‘a, ce qui a engendré des problèmes et des difficultés inutiles dont la Charî‘a est innocente. La base de la Charî‘a est l’intérêt des gens. Elle est une justice totale, une miséricorde totale ; elle est un intérêt total et une sagesse totale. Toute question qui sort du cadre de la justice pour basculer vers l’injustice, de la miséricorde vers son contraire, de l’intérêt vers le dommage et de la sagesse vers le l’absurde. Elle ne fait pas partie de la Charî‘a, même si elle y était intégrée par l’interprétation.

La Charî‘a est l’expression de la justice de Dieu entre Ses serviteurs, une miséricorde entre Ses créations, Son Ombre sur Sa terre et Sa Sagesse qui prouve Son Existence et la Véracité du message de l’Envoyé de Dieu (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui). Elle est Sa Lumière par laquelle les gens voient la guidée des hommes, Sa Guérison pour tout malade et Son Droit chemin qui mène vers la Vérité”.

Les jugements constants et les jugements variables :

 

La Charî‘a est en partie variable et en partie constante (immuable). Dans ce sens, Ibn Al Qayyim dit dans son livre ” Ighâthatou Al-lahfân” : ” Les jugements sont de deux types : ceux qui sont constants dans le temps et dans l’espace…et ceux qui varient dans le temps et dans l’espace, selon l’intérêt (al maslaha)…”

Ceci a été confirmé par des commentateurs des autres écoles, tels que Al Qarâfî al mâlikî, dans ses livres“Al Ahkam” et ” Al Fouroûq‘”, et Ibn ‘Âbidîn Al hanafî, dans son livre ” Nachr al a‘raf fî binâ’i ba‘d al ahkâm ‘alâ al a‘râf“.

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Y a t-il une preuve coranique au changement de la Fatwa ?

Y’a t-il une preuve pour cette règle, dans le Coran et la Sunna ?

 

En ce qui concerne la Sounna, Ibn Al Qayyim cite plusieurs exemples, sur lesquels nous reviendrons plus tard. Quant au saint Coran, ni Ibn Al Qayyim, ni personne, n’a avancé le Coran comme preuve.

Cependant, celui qui étudie le Coran de près, constate que la base de cette règle s’y trouve et ce, dans les versets dits abrogeants et abrogés. En réalité, ils ne sont ni abrogés, ni abrogeants, mais chacun a son propre domaine. Prenons un exemple dans la sourate Al Anfâl : ” Prophète ! Incite les croyants à combattre. S’il se trouve parmi vous vingt [combattants] fermes [dans la lutte] ils vaincront deux cents [infidèles]. S’il s’en trouve cent, ils vaincront mille, car leurs [adversaires] sont des gens qui ne comprennent pas” ; puis Dieu (Exalté) dit :” Maintenant Dieu vous soulage, sachant qu’il y a de la faiblesse en vous. S’il se trouve donc cent [combattants] fermes [dans la lutte], ils vaincront deux cent. S’il s’en trouve mille, ils en vaincront deux mille, selon la Volonté de Dieu, car Dieu est avec ceux qui sont persévérants”.

Certains commentateurs du Coran ont dit que le premier verset de la résolution, a été abrogé par le deuxième verset de la permission et pour preuve, la Parole de Dieu (Exalté) : ” Maintenant Dieu vous soulage”. Mais la résolution ne contredit pas la permission, en particulier si elle est justifiée ici, par la faiblesse.

L’abrogation d’une chose ne peut se faire avant le début d’application. Il apparaît que les deux versets ont été révélés en même temps.

Un autre exemple, est représenté par les versets de la patience, du pardon etc. Les commentateurs disent qu’ils ont été abrogés par le verset du sabre. En vérité, chacun de ces versets a son temps et son domaine. Pour cette raison, As-Souyoûtî les classifie dans le chapitre des versets “ajournés” et non dans le chapitre des versets “abrogés”.

 

L’origine du changement de la Fatwa dans la Sounna

 

La preuve du changement de la Fatwa dans la Sounna est multiple. Par exemple le hadîth rapporté par Aboû Dawoûd, selon Aboû Hourayra (Que Dieu soit satisfait de lui) et cité par Al Hâfiz Ibn Hajar dans [son livre] Talkhîs Al habîr : ” Un homme questionna le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) sur les relations sexuelles préliminaires pendant le jeûne ; [Ce dernier] l’autorisa. Un autre homme lui posa la même question, et il lui répondit par la négative. Il est apparu que le premier était un vieux et l’autre, un jeune”. La chaîne de ce hadîth est faible, si bien qu’on ne le peut prendre en compte pour confirmer cette importante règle, mais cette dernière est confirmé par un autre hadîth rapporté par Ahmad et qui raconte la même histoire. Il y a d’autres hadîths justes confirmant cette règle, tels que le hadîth Salama Ibn Al Akwa‘, selon Al Boukhârî et autres. Le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) a dit: “Celui qui égorge [le mouton] de la fête du sacrifice, il faut qu’à la fin du troisième jour, il ne lui reste rien [de la viande]. L’année suivante, ils [les croyants] ont dit : ” Ô Prophète, faisons-nous ce que nous avons fait l’année précédente ? Il a répondu : ” Mangez, donnez à manger et épargnez ; car l’année passée il y a eu une crise, j’ai voulu que vous vous entraidiez”.

Cela montre que le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) a interdit l’épargne des viandes des sacrifices après trois jours dans des circonstances particulières (la crise), mais il l’a autorisé, dans des circonstances ordinaires.

Une grande majorité des juristes considère que cette permission a abrogé l’interdiction, et cite le hadîth suivant comme un exemple d’abrogation :” Je vous ai interdit la visite des tombes, maintenant vous pouvez les visiter”.

En réalité, ce n’est pas une abrogation, mais une disparition du jugement en raison de la disparition de sa cause, comme la montré Ach-Châfi‘î dans son livre “Ar-Risâla”, et l’imâm Al Qourtoubî dans son commentaire. Les Compagnons [du Prophète], ont compris ce sens [des Hadîths cités].

Ce qui est célèbre aussi, c’est que le Prophète répondait à la même question différemment, selon les circonstances relatives aux des personnes intéressées par la réponse. A titre d’exemple, le hadîth rapporté par Al Boukhârî, selon Aboû Hourayra (Que Dieu soit satisfait de lui) : Le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) a été questionné sur la meilleure œuvre. Il a répondu : “Croire en Dieu et en Son Prophète.” On lui demanda : “Et après? ” Il a répondu : “Le combat dans la Voie de Dieu.” On lui a dit: “Et après ? ” Il a répondu : “Un pèlerinage pie” Al- Boukhârî a rapporté, d’après‘Â’icha -mère des croyants- (Que Dieu soit satisfait d’elle) les propos suivants : ” Ô Prophète de Dieu, on voit que le jihâd est la meilleure œuvre ! ” Il a répondu : “Mais le meilleur jihâd est un pèlerinage pie”.On constate que la réponse [le meilleur jihâd est un pèlerinage pie] du Prophète a changé par rapport à la première réponse [ le jihâd est la meilleure œuvre], et ce, parce que le questionneur, dans le premier cas, était un homme et dans le deuxième cas, était une femme.

 

Les Compagnons (Qu’Allâh soit satisfait d’eux) et le changement de la Fatwa :

Les Compagnons [du Prophète] ont souvent utilisé cette règle ( changement de la Fatwa). On peut citer quelque cas à titre d’exemple.

 

Le buveur du vin : Dans son livre, “Al Mousannaf“, ‘Abd Allâh a rapporté de Ibn Mou‘ammar et Ibn Al Jarîh : ” Ibn Chihâb a été questionné : combien de coups, le Prophète donna au buveur de vin ? Il a dit : le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) n’avait pas encore fixé la sanction. Il demanda aux gens en sa présence de le frapper avec les mains et les chaussures jusqu’à ce que le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) dit : “Arrêtez”. Il apparaît que le prophète était, au début, indulgent, jusqu’au moment où il a fixé la sanction des coups. Mais le prophète n’a pas fixé le nombre de coups. Il a frappé, des fois, quarante coups, des fois moins, des fois plus. A l’arrivée d’Aboû Bakr (Que Dieu soit satisfait de lui), il a fixé la sanction à quarante coups. Quant à Omar, et sur le conseil d’Ali, il l’a fixé à quatre vingt, par analogie à la sanction de l’accusation injuste d’adultère d’une femme innocente. Puis il l’a diminué à quarante, puis, l’a ramené à quatre vingt. ‘Outhmân (Que Dieu soit satisfait de lui) et ‘Alî (Que Dieu soit satisfait de lui) ont frappé respectivement quarante et quatre vingt, et Mou‘âwiya (Que Dieu soit satisfait de lui) a confirmé quatre vingt. Ce qui nous concerne ici est de savoir que le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) n’a pas fixé la sanction, donc il n y a pas de texte en la matière, ce qui a poussé ses compagnons à proposer différentes sanctions sur la base de leur interprétation. At-Tabarî et Ibn Moundhir et autres racontent qu’il n’ y a pas eu de sanction fixée, pour les buveurs de vin, elle est laissée à l’appréciation de l’autorité et ce, sur la base, d’une part, des hadîths qui ont passé sous silence le nombre de coups et d’autre part, ce que Ibn Abbâs (Que Dieu soit satisfait de lui) et Ibn Chihâb ont raconté, à savoir que le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) a frappé les buveurs de vin, selon les circonstances.

 

Zakât Al Fitr : Le Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui) a fixé la Zakât Al fitr un “Sâ‘” (environ 4 kg) de dattes, de blé, d’orge ou autres. Mais les Compagnons ont estimé qu’une moitié d’un Sâ ‘ de blé équivaut à un Sâ‘ de datte ou d’orge et par conséquent, ils ont payé un demi Sâ‘ de blé. Les sympathisants (al mou’allafatou qouloûbouhoum) qui avaient droit à la Zakât à l’époque du Prophète (Paix et Bénédiction de Dieu sur lui), conformément au Coran, en ont été rayés de la liste des bénéficiaires à l’époque de ‘Oumar (Que Dieu soit satisfait de lui), au motif que : Dieu a fortifié l’Islam et Il peut se passer d’eux [les sympathisants].Ceci n’est pas considéré comme une abrogation du Coran et de la Sounna, mais ‘Oumar (Que Dieu soit satisfait de lui) n’a pas vu la nécessité d’attirer les non-musulmans durant son Califat. On peut citer plusieurs exemples de changement des Fatwas, tels que la Fatwa de ‘Oumar (Que Dieu soit satisfait de lui) sur le triple divorce séance tenante (talâq ath-thalâth), sur le partage des terres conquises, lors de l’année de la disette, ainsi que la Fatwa sur la question de l’assemblage du Coran et sa codification. Tout au long de l’histoire musulmane, les savants et les jurisconsultes ont connu et pratiqué la changement des jugements selon les circonstances et dans le temps et l’espace. Ceci montre, sans aucun doute, l’étendue et la souplesse de la Charî‘a et sa validité dans tous les temps et les espaces.

 

 

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Author: admin-amdouni