AHMAD IBN HANBAL

Par le Dr  HASSAN AMDOUNI

AHMAD IBN HANBAL

 

L’IMÂM DES GENS DE LA SOUNNA (164H/241H)

 

SA NAISSANCE  ET SA GENEALOGIE

Ses origines

Son nom est ‘Abd Allâh Ahmad, Ibn Mouhammad, Ibn Hanbal, Ibn Hilâl, Ibn Asad, Ibn Idrîs, Ibn ‘Abd Allâh, Ibn Hayyân, Ibn ‘Abd Allâh, Ibn Anas, Ibn ‘Awf, Ibn Qâsit, Ibn Mâzin, Ibn Chaybân, Ibn Dhouhal, Ibn Tha‘laba, Ibn ‘Oukâba, Ibn Sa‘b, Ibn ‘Alî, Ibn Bakr, Ibn Wâ’il, Ibn Qâsit, Ibn Hanab, Ibn Afsâ, Ibn Da‘mî, Ibn Joudayla, Ibn Asad, Ibn Rabî‘a, Ibn Nizâr, Ibn Ma‘ad, Ibn ‘Adnân ; Al Marwadhî puis al Baghdâdî. (Ibn Khallikân : Wafayât al a‘yân)

Il apparaît d’une manière nette, de ce lignage, que l’imâm Ahmad est d’origine arabe de la tribu de Chaybân, qui est issue de Rabî‘a, dont le lignage rejoint celui du Messager de Dieu (Paix et Salut de Dieu sur lui) dans son ancêtre Nizâr Ibn Ma‘ad Ibn ‘Adnân.

Son père, Mouhammad Ibn Hanbal, faisait partie de la soldatesque de Khourâsân. Il était un officier.

Quant à son grand père, Hanbal Ibn Hilâl, il était gouverneur de Sarkhas, à l’époque des Omeyyades. Ensuite, il rejoignit les Abbassides et devint très tôt parmi leur soutien.

Sa mère était de Chaybân, et son nom était : Safiyya fille de Maymoûna, fille de ‘Abd Al Malik Ach-Chaybânî des Banoû ‘Âmir.

L’imâm Ahmad était originaire de Baghdâd de par sa naissance et il y a grandi et y est mort.

Quand il atteint l’âge de trois ans, son père décéda et c’est sa mère qui s’occupa de son éducation.

 

Son enfance et son éducation

L’imâm Ahmad grandit à Baghdad, et c’est là qu’il reçut son éducation fondamentale. A ses débuts, il fréquentait al kouttâb. Son maître, le nomma dans le copiage des textes. Sa belle écriture lui apporta les faveurs des gens. Les mères demandaient au maître de le leur envoyer, pour rédiger leurs missives. Quand il se présentait, il se tenait la tête baissée par décence, et quand on lui demandait d’écrire un quelconque message non conforme aux règles morales, il s’y refusait.

Nous constatons que très tôt, l’Imâm se comportait avec pudeur et chasteté. Ces qualités morales vont l’accompagner toute sa vie. Cette lui valut, dès son jeune âge, le respect des autres.

Sirâj Ibn Khouzayma a dit : « Je dépense une fortune pour que mon fils acquiert les bonnes manières, alors qu’Ahmad Hanbal, lui, l’orphelin, regardez comment il a grandi ! »

Sa Piété filiale envers sa maman

L’imâm était redevable à sa mère de tout ! Il était très affectueux et d’une piété filiale exemplaire envers elle Sa mère a refusé de se remarier et refusé tous les prétendants, malgré son jeune âge et sa beauté, afin de ne pas mettre son fils dans un risque éventuel de maltraitance par un beau père. Elle s’est sacrifiée pour lui et était très attentive à ses besoins. Ainsi, l’imâm Ahmad par sa noble fitra, mais aussi par obéissance à la Sounna et aux recommandations du Messager de Dieu (Paix et Salut de Dieu sur lui), qui a répondu à l’homme, qui lui demandait conseil : « Ta mère, Ta mère, puis ton père ! » 

Sa mère était sa première école. Elle lui apprit les siyar, les hadîth et les Récits des premières générations et lui a inculqué, depuis son enfance, les vertus de l’Islam, les chamâ’il du Prophète (Paix sur lui) et les mérites de ses Compagnons (Que Dieu soit satisfait d’eux).

Pour que son enfant soit fière et digne, car elle était de la fameuse tribu  et digne, elle lui a transmis les exploits de sa tribu et les récits des gloires des Arabes. Elle influença sa conduite morale, qualité par laquelle l’imâm Ahmad se distingua toute sa vie, et dès sa tendre enfance.

C’est elle, qui lui a choisi l’école coranique où il a appris le sont Coran, ainsi que ses premiers maîtres de fiqh et de hadîth.

Sa description physique et ses habits

L’imâm était un homme de grande taille, brun. Très modeste et humble dans son habillement et sa manière d’être. Quand il a vieilli, il se teignait avec du henné. Il n’utilisait pas de la teinture foncée. Il avait dans sa barbe, quelques poils noirs.

Il portait des vêtements épais et de couleurs blancs. Ils ne coûtaient pas plus qu’un dînâr.

En hiver, l’Imâm mettait le turban par-dessus une toque (bonnet : qalansouwwa), et parfois il se limitait à la toque qu’il avait lui même confectionnée. D’après son fils Sâlih, l’Imâm la mettait régulièrement lorsqu’il se réveillait pour la prière de la nuit.

Al Marwadhî a dit : « L’imâm m’a donné des chaussons à lui à coudre, il les mettait depuis dix-sept ans. Il y avait déjà cinq ou six endroits rapiécés.»

Hamîd Ibn Zanjawayh a rapporté, avoir vu l’Imâm portant une joubba verte raccommodée avec une pièce de tissu blanche.

 

Son hygiène de vie 

L’imâm Ahmad était très attaché à la propreté de son corps et de ses vêtements. ‘Abd Al Malik Al Maymoûnî a dit : «  Je n’ai jamais vu une personne qui faisait attention à la propreté des ses habits et à son apparence : à son visage, à sa moustache, à ses cheveux et à l’hygiène de son corps, comme l’était Ahmad Ibn Hanbal. Ses vêtements étaient d’une blancheur exquise !»

L’imâm (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) nous donne une vraie leçon de vie et une compréhension pratique de la Sounna du Prophète (Que les Bénédictions et les Salutations de Dieu soient sur lui), c’est que l’ascétisme n’est pas synonyme de saleté et du mépris de soi. L’Islam est la religion de l’hygiène et de la propreté par excellence.

 

Sa nourriture et sa subsistance 

Sa nourriture était celle de l’homme qui regardait l’Au-delà avec certitude et rien ne pouvait l’en détacher. Il mangeait pour vivre et ne vivait pas pour manger. Son fils Sâlih rapporte que, son père n’a jamais mangé des grenades ou du coing ou tout autre fruit, à l’exception, il lui arrivait d’acheter un melon qu’il consommait avec du pain ou du raisin ou des dattes. Il arrivait qu’on lui préparait du pain, alors l’Imâm le trompait dans une petite jarre en terre cuite, avec de la graisse, des lentilles et quelques dattes, qu’il consommait durant des mois. Il utilisait le vinaigre comme sauce et dans sa marmite, il n’y avait pas d’épices, ni du poivron, ni de l’ail.

Parfois, il trompait un pain dans de l’eau pour l’humidifier et il le mangeait avec du sel.

On rapporte que l’émir Ishâq Ibn Ibrâhîm a demandé que lorsqu’on apporte la repas de la rupture du jeûne de l’imâm Ahmad, qu’on la lui présente ; lorsqu’il a vu qu’il se composait de deux morceaux de pain et d’un concombre, il dit : «  Si cela lui suffit, il ne répondra pas à notre invitation ! »

 

Son habitation et sa famille

Il avait un petit logis, étroit, sans confort, qu’il avait hérité de son père.et par pété, il mesurait chaque année les dimensions de sa petite maison et payait l’impôt foncier que le calife  ‘Oumar avait institué sur la région de l’Irak.

L’Imâm vivait de la location d’un petit atelier de tissage que son père lui avait légué.

Vu que ces moyens étaient insuffisants pour subvenir aux besoins de sa famille, l’Imâm travaillait de ses mains et refusait toute aide, même venant de gens chastes ou proches. Il  ramassait les épis de blé qui restaient après la moisson, et que les propriétaires permettaient aux gens besogneux de récupérer. De même, il faisait le porteur.

L’imâm Adh-Dhahabî a raconté que l’Imâm a copié des livres contre de l’argent pour ne pas s’endetter et se suffire.

Ishâq Ibn Râhawayh a rapporté que l’imâm Ahmad tissait des lacets pour les pantalons et les vendait.

La première épouse de l’Imâm était ‘Â’icha fille d’Al Fadl. C’était la mère de son fils Sâlih. Il n’a pas eu d’autres enfants avec elle. L’Imâm dit : «  J’ai vécu avec Oumm Sâlih trente année, nous n’avions jamais eu, ne serait-ce un mot de différend. »

Plus tard, il a épousé Rayhâna, elle lui adonné son fils ‘Abd-Allâh. A sa mort, il a pris pour concubine Housn, surnommée Oumm ‘Alî. Selon certaines informations, il l’a prise du vivant de sa femme Rayhâna après lui avoir demandé la permission. Housn lui a donné ses enfants : Zaynab et deux jumeaux : Al Hassan et Al Houssayn, décédés après leur naissance, puis elle lui a donné Al Hassan et Mouhammad. Ils vécurent jusqu’à la quarantaine. Les informations sont rares les concernant. Puis elle lui a donné Sa‘îd.

 

 

SA QUÊTE DE LA SCIENCE ET SES ETUDES

Très tôt, l’imâm Ahmad s’est orienté vers l’étude, encouragé par sa famille.

L’imâm Ahmad était habitué à fréquenter toutes sortes de gens issus de différents milieux, et tous les types de milieux et de sciences. Il y avait des lecteurs du Qour’ân, des savants du hadîth, des Soûfis, des linguistes, des philosophes et des médecins. Baghdad était la capitale du monde musulman et comptait ce que toute capitale comporte : de nombreuses institutions d’enseignement, des activités intellectuelles, des ressources pédagogiques et des formes variées de la connaissance. La famille d’Ahmad avait choisi dès sa jeunesse qu’il serait un homme de Dîn, et il s’y consacrait, étudiant tous les sujets qui faisaient partie de cette préparation : la langue arabe, le Qour’ân, le hadîth, les traditions des Compagnons et des Tâbi‘oûn, la vie du Prophète, que la paix et le salut soient sur lui, et le fiqh du dîn. Cette éducation, associée à ses capacités innées, porta ses fruits. Il mémorisa le Qour’ân très tôt et montra dès sa plus tendre enfance qu’il était digne de confiance et pieux ; des qualités qui allaient l’accompagner tout au long de sa vie.

Lorsqu’il termina ses premières études du Qour’ân et de la langue arabe, il alla dans les bureaux de la Chancellerie pour y étudier la rédaction. Il a dit de cette période, « Quand j’étais un jeune garçon, j’ai fréquenté les scribes, puis j’ai été dans les bureaux de l’administration à l’âge de quatorze ans.»

 

Son éducation et son excellente conduite sont toutes deux admirées. Sa loyauté cherchait à plaire à Allâh, et nous avons vu cela, dans son refus, quand il a refusé de transmettre les lettres de son oncle adressées au gouverneur. Al-Haytham Ibn Jamîl a noté à son sujet, « Si ce garçon vit, il sera une preuve contre les gens de son temps.»

Les connaissances ne manquaient pas à Baghdad : les sciences religieuses, du langage, des mathématiques, de la philosophie, du soufisme. Tous les domaines de la connaissance étaient présents. Il opta pour les sciences de la Charî‘a, à partir desquelles il pouvait choisir ensuite entre la voie des fouqahâ’ et celle des transmetteurs du hadîth. Les deux sciences avaient commencé à se différencier à cette époque, l’une étant consacrée au fiqh et à la déduction de fatâwâs, l’autre à toutes les branches de la transmission et à produire les sources à partir desquelles les déductions des fouqahâ’ étaient basées. Il se trouvait à Baghdad où le fiqh d’Iraq avait été consigné par Aboû Yoûsouf, Ach-Chaybânî, Al-Hasan Ibn Ziyâd Al-Lou’lou’î et d’autres ; mais où il y avait aussi de nombreux savants du hadîth.

Ahmad choisit les hommes du hadîth et leur méthode au début de sa vie, et s’y consacra. Il apparut qu’il avait accepté la voie des savants du hadîth, et non celle des fouqahâ’ qui associait le fiqh et le hadîth. On rapporte que le premier enseignant avec qui il étudia était le Qâdî Aboû Yoûsouf, le compagnon d’Aboû Hanîfa, puis qu’il se tourna vers les savants du hadîth. Il dit, « La première chose que j’écrivis, ce furent les hadîths d’Aboû Yoûsouf.»  Il continua à étudier avec lui tout en fréquentant les savants du hadîth.

Nous pouvons dire qu’il s’est consacré aux hadîths, mais pas au point de rompre avec l’examen des conclusions des fouqahâ’ iraquiens en matière de fatâwâs, de questions et d’extrapolation. Il était versé dans ce domaine, mais ce n’était pas son intérêt premier. Sa préoccupation à ce niveau était dérivée de la science des hadîths. Al-Khallâl a dit, « Ahmad écrivait des livres d’opinion et les mémorisait, puis n’y faisait plus attention.»  On peut accepter cela, car il aurait été étrange de sa part de ne pas posséder ces informations ou de les avoir rejetées sans les avoir examinées au préalable.

Ainsi, la position d’Ahmad concernant le fiqh d’opinion fut qu’il rejeta cette voie au début de sa vie. Nous pouvons le déduire du fait qu’il apprit d’abord les hadîths d’Aboû Yoûsouf qui était l’un des principaux fouqahâ de l’opinion, mais qui soutenait néanmoins son opinion légale avec des hadîths. Lorsqu’il termina son éducation scolastique de base, il revint vers les hadîths. Il étudia donc en profondeur le fiqh de l’opinion, opposant toute la science des hadîths qui lui étaient parvenus aux décisions légales auxquelles étaient arrivés les fouqahâ’ de l’opinion, puis choisit la voie des Compagnons, des Tâbi‘oûn et de leurs successeurs. C’est pourquoi il mémorisa les livres des gens de l’opinion.

 

SES MAÎTRES 

Dans le hadîth

L’imâm Ahmad reçut en premier la transmission du hadith  d’Aboû Yoûsouf  le compagnon d’Aboû Hanîfa. Il entendit peu de hadîth auprès de lui. A 16 ans, il le quitta pour rejoindre Houchaym Ibn Bachîr, et ce en l’an 179 Hégire. Il resta auprès de Houcahym jusqu’à la mort de ce dernier en l’an 183 de l’Hégire. Ce maître est celui qui marque le plus l’imâm Ahmad. Houchaym était un homme pieux, et évoquait Allah (Exalté) en fréquence. L’imâm Ahmad, et c’est celui, parmi ses machâyikh du hadîth, qui l’avait le plus marqué. L’imâm lui vouait un grand respect. Il dit : «   J’ai côtoyé  Houchaym durant quatre ou cinq ans, je ne l’ai questionné qu’à deux reprises… »  Houchaym a transmis le hadîth à Mâlik Ibn Anas, Chou‘ba et Soufyân Ath-Thawrî.

Sa présence aux côtés de son maître Houchaym n’empêcha pas l’imâm Ahmad de fréquenter d’autre savants de hadîth tels que ‘Oumayr Ibn ‘Abd Allâh Ibn Khâlid, il assista à ses cercles en l’an 182 Hégire, de même il entendit le hadîth auprès de ‘Abd Ar-Rahmân Ibn Mahdî et Aboû Bakr Ibn ‘Ayyâch.

Après la mort de son cheykh Houchaym, il commença sa quête dans la recherche du hadîth et des ses transmetteurs là où il le trouvait. Ibn ‘Asâkir a dit à ce sujet : «   Ahmad entendit le hadîth sur un nombre incalculable de personnes de Koûfa, Basra, les Lieux saints (Mecca et Médine), Yémén, Al Jazîra… »

L’imâm Ahmad a raconté ceci : «   Je suis arrivé à al Basra, la première fois en l’an 186Hégire, j’y ai entendu le hadîth  d’après Bichr Ibn Al Moufaddal, Marhoûm, Ziyâd Ibn Ar-Rabî‘ et d’autres machâyikh. La deuxième fois, en l’an 190 de l’Hégire, j’ai entendu le hadîth d’après Ibn ‘Adiy et lors de mon troisième voyage, j’ai reçu le hadîth d’après Yahyâ Ibn Sa‘îd durant six mois. La quatrième fois, c’était en l’an 200 de l’Hégire, j’ai entendu les transmissions de ‘Abd AsSamad et Aboû Dâwoûd Al Barsânî. »

On rapporte que sa quête du hadîth l’emmena dans de nombreuses régions et contées. Il entendit durant ses voyages : Bichr Ibn Al Moufaddal, Ismâ‘îl Ibn ‘Oulayya, Soufyân Ibn ‘Ouyayna, Jarîr Ibn ‘Abd Al Hamîd, Yahyâ Ibn Sa‘îd Al Qattân, Aboû Dâwoûd AtTayâlousî, ‘Abd Allâh Ibn Namîr, ‘Abd Ar-Razzâq, ‘Alî Ibn ‘Ayyâch Al Himsî, Ach-Châfi‘î, Ghoundar, Mou‘tamar Ibn Soulaymân, Aboû Moushir Al Ghassânî, Aboû ‘Oubayda ‘Abd Al Wâhid Ibn Wâsil Al Haddâd, Ibrâhîm Ibn Sa‘d Az-Zouhrî, Wakî‘ Ibn Al Jarrâh, Aboû Mou‘âwiya AdDarîr, Aboû Ousâma Hammâd Ibn Ousâma, Aboû Qarra Moûsâ Ibn Târiq Az-Zoubaydî al yamânî, Yahyâ Ibn Soulayn AtTâ’ifî, Mouhammad Ibn Yazîd, Yazîd Ibn Hâroûn et d’autres, dont la liste est trop longue (Qu’Allâh leur accorde à tous miséricorde et bénédiction).

Dans son ouvrage, sur les mérites et les qualités de l’imâm Ahmad, Ibn Al Jawzî lui a recensé 414 maîtres et une seule cheykha, d’après laquelle il a rapporté des hadîth : Oumm ‘Oumar fille de Khâlid fille de Hassân Ath-Thaqafî (Qu’Allah lui accorde miséricorde).

 

Dans le fiqh

On ne connaît pas d’autres maître à l’imâm Ahmad, excepté l’imâm Ach-Châfi ‘î, qu’il entendit pour la première fois à Mecca ; alors depuis lors il a préféré ses cours à ceux de Ibn ‘Ouyayna, qui était son maître et le maître d’Ach-Châfi‘î.

Ibn Hibbân a dit : «   Ahmad Ibn Hanbal et Aboû Thawr assistaient à l’enseignement de l’imâm Ach-Châfi‘î. »

Ibn Khallikân, dans son ouvrage, Wafayât al a‘yân, a rapporté, que l’imâm Ahmad faisait partie des compagnons très proches et très intimes de Ach-Châfi‘î, il ne l’a pas quitté jusqu’à son départ pour l’Egypte. »

Ahmad aimait et respectait Ach-Châfi‘î, et avait confiance dans son savoir,  et il considérait ses avis comme l’une de ses sources. Il disait : «   Lorsqu’on me pose une question, dont je n’ai pas d’informations (du Coran ou de la Sounna ou des Transmissions des Compagnons), j’adopte l’avis de Ach-Châfi‘î, car il est le savant de Qouraych, en citant le hadîth du Prophète (Paix et Salut d’Allâh sur lui) dont lequel il recommande aux Musulmans, Qouraych et son savoir… »

Il disait : (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) à propos de l’imâm Ach-Châfi’î : « Ach-Châfi’î fait partie des biens aimés à mon cœur. Il a divergé avec moi et j’ai divergé avec lui, cependant je n’ai vu de lui que du bien et il était très attaché aux sounan.»

 

SON RESPECT DE SES MAÎTRES

L’imâm Ahmad avait un respect et un estime exceptionnels à l‘égard de ses maîtres. Ainsi lorsqu’il se présentait devant l’un de ses maîtres soit il s’asseyait entre ses mains ou se tenait debout. Ishâq Ach-Chahîd a rapporté, je voyais Yahyâ Al Qattân priait Al ‘Asr, puis il s’adossait à une colonne dans la mosquée, et je voyais se présenter devant lui ‘Alî Ibn Al Madînî (sheykh d’Al Boukhârî), ‘Oumar Ibn ‘Alî, Ahmad Ibn Hanbal, Yahyâ Ibn Ma‘în et autres. Ils écoutaient sa transmission du hadîth debout jusqu’à ce que s’annonce la prière du Maghrib, et lui il ne leur disait pas de s’asseoir, quant à eux ils ne prenaient pas l’initiative de s’asseoir par respect et estime.

Quant à sa relation privilégiée avec Ach-Châfi’î, elle est unique. Ainsi, Ahmad Ibn Al-Layth a rapporté : avoir entendu Ahmad Ibn Hanbal dire : «  Depuis quarante ans, j’invoque Allâh dans mes prières pour Ach-Châfi‘î, je dis : « Seigneur ! Pardonne moi, à mes parents et à Mouhammad Ibn Idrîs  Ach-Châfi‘î» ; car il n’y a aucun individu plus attachés aux hadîth du Prophète (Paix et Salut sur lui), que lui.»

Khalaf a dit : « Ahmad se présenta auprès de moi pour la transmission du hadîth d’Aboû ‘Ouwâna, j’ai tout usé pour le faire asseoir à mon niveau. Il s’y refusa et dit : «  Je ne m’assiérai que devant toi et entre tes mains, comme tout étudiant.  On nous a ordonné d’être humbles devant ceux qui nous enseignent. »

 

SES ELEVES

Dans la mesure où Ahmad était assez renommé avant même d’enseigner et de rendre des fatâwâs, ses leçons étaient très fréquentées. Certains transmetteurs indiquent que le nombre de personnes qui y assistaient s’élevait à 5000 parmi lesquels 500 notaient ce qu’il rapportait. L’endroit devait être très vaste pour pouvoir accueillir un tel nombre de gens, et comme la Grande Mosquée de Baghdad était la seule à être suffisamment grande, c’est probablement là qu’il enseignait. Cela montre aussi que le statut d’Ahmad parmi les gens de Baghdad devait être très élevé. Le grand nombre de personnes assistant à ses leçons signifie également que nombreux étaient ceux qui transmettaient son fiqh et ses hadîths.

Ahmad avait de nombreux compagnons, parmi lesquels certains ne transmettaient que les hadîths d’après lui, certains transmettaient les hadîths et le fiqh, et certains autres étaient tout particulièrement connus pour la transmission du fiqh.

Nous citons ci-dessous les plus éminents d’entre ses compagnons qui ont transmis son fiqh :

Les auteurs d’al-Minhâj al-Ahmad en ont mentionné plusieurs qu’ils ont classés : « Certains d’entre eux transmettaient beaucoup et certains autres transmettaient peu. Ils se distinguaient aussi par leur position avec l’imâm Ahmad, la quantité de ce qu’ils avaient entendu de sa bouche, leur précision et leur mémoire. Parmi ceux qui ont transmis beaucoup figuraient Ibrâhîm Al-Harbî, Ibrâhîm Ibn Hâni’ et son fils Ishâq, Aboû Tâlib Al-Michkâtî, Aboû Bakr Al-Marwazî, Aboû Bakr Al-Athram, Aboû Al-Hârith Ahmad, Ishâq Ibn Mansoûr Al-Kawsaj, Ismâ‘îl Ach-Châlîkhî, Ahmad Ibn Mouhammad Al- Kahhâlî, Aboû Al-Mouzaffar Ismâ‘îl, Bichr Ibn Moûsâ, Bakr Ibn Mouhammad, Harb Al-Karmânî, Al-Hasan Ibn Thawâb, Al-Hasan Ibn Ziyâd, Aboû Dawoûd As-Sijistânî, ‘Abd Allâh et Salîh (ses fils), et de nombreux autres.‌»

 

Les transmetteurs du fiqh d’Ahmad

Ahmad avait de nombreux compagnons, parmi lesquels certains ne transmettaient que les hadîths d’après lui, certains transmettaient les hadîths et le fiqh, et certains autres étaient tout particulièrement connus pour la transmission du fiqh. Les auteurs d’al-Minhâj al-Ahmad en ont mentionné plusieurs qu’ils ont classés par rapport à l’intensité de leur transmission. Ils se distinguaient aussi par leur position auprès de l’Imâm, la quantité de ce qu’ils avaient entendu de sa bouche, leur précision et leur mémorisation. Parmi ceux qui ont transmis beaucoup figuraient Ibrâhîm Al-Harbî, Ibrâhîm Ibn Hâni’ et son fils Ishâq, Aboû Tâlib Al-Michkâtî, Aboû Bakr Al-Marwazî, Aboû Bakr Al-Athram, Aboû Al-Hârith Ahmad, Ishâq Ibn Mansoûr Al-Kawsaj, Ismâ‘îl Ach-Châlîkhî, Ahmad Ibn Mouhammad Al-Kahhâlî, Aboû Al-Mouzaffar Ismâ‘îl, Bichr Ibn Moûsâ, Bakr Ibn Mouhammad, Harb Al-Karmânî, Al-Hasan Ibn Thawâb, Al-Hasan Ibn Ziyâd, Aboû Dawoûd As-Sijistânî, ‘Abd Allâh et Salîh (ses fils) et de nombreux autres.‌

L’imâm Ahmad a mentionné ceux-ci dans son livre, et il ne s’agit là que de ceux qui transmettaient une bonne partie de son fiqh ou, d’après la définition des historiens du fiqh hanbalite, qui transmettaient les questions juridiques plutôt que les seuls hadîths. Il apparaît que la personne ayant recueilli tous ces éléments était l’un des savants de la seconde génération, Aboû Bakr Al-Khallâl. Dans le fiqh hanbalite, il occupe une position équivalente à celle de Mouhammad Ach-Chaybânî dans le fiqh hanafite, Sahnoûn dans le fiqh malikite, et Ar-Rabî‘ Ibn Soulaymân dans le fiqh chafi‘îte, bien qu’Ach-Chaybânî côtoyait Aboû Hanîfa et transmettait d’après lui, et qu’Ar-Rabî‘ était un élève d’Ach-Châfi‘î.

Nous allons à présent nous pencher sur certains de ces hommes auprès desquels Al-Khallâl apprit le fiqh d’Ahmad.

Certains des transmetteurs parmi les compagnons d’Ahmad

Comme nous l’avons vu, beaucoup de gens venaient écouter Ahmad, et les Hanbalites devinrent très nombreux. Nous avons donc répertorié certains de ceux qui jouèrent un rôle prédominant dans la diffusion de son enseignement.

 

Sâlih Ibn Ahmad Ibn Hanbal

Sâlih, surnommé Aboû Al Fadl était le fils aîné de l’imâm Ahmad. Né en l’an 203H Ahmad veilla sur son éducation, et fut heureux qu’il devînt un ascète comme lui. Il l’éleva d’une manière exemplaire, et ce dernier devint un homme droit et scrupuleux. Sâlih eut beaucoup d’enfants et il était très généreux. En raison de sa charge de famille, il dut accepter à contre cœur la fonction de dî de Tartoûs, jusqu’à sa mort en l’an 266H. Il apprit le fiqh et les hadîths auprès de son père et d’autres de ses contemporains. Il transmit de nombreuses décisions relevant du fiqh prises par son père. Aboû Bakr Al-Khallâl a dit, « Il écoutait de nombreuses questions et les gens lui écrivaient du Khourâsân pour interroger son père sur certaines questions pour lesquelles il leur renvoyait la réponse.»  Il fut donc un moyen de diffusion du fiqh de son père. Il mourut en 266 AH. Son fils Zouhayr est classé parmi les rapporteurs honorables, d’après Ad-Dâraqoutnî. De même, Sâlih a eu d’autres enfants, on cite, parmi eux,  Ahmad classé parmi les mouhaddith.

 

 ‘Abd Allâh Ibn Ahmad Ibn Hanbal

‘Abd-Allâh, cet autre fils de l’imâm Ahmad, naquit au mois de Joumâdâ al oûlâ en l’an 213 AH. Ahmad prit soin de son éducation tout comme pour son frère Sâlih. Il s’intéressait davantage aux hadîths, tandis que son frère s’intéressait plus particulièrement au fiqh. Il mourut en 290 AH. Il était le principal rapporteur du Mousnad, il le compléta et se chargea de transmettre le patrimoine du hadîth de son père.

‘Abd Allâh a hérité le savoir de son père dans le domaine de la Sounna. Il a vécu comme son père soixante-dix sept ans. Son père disait de lui : «  Mon fils ‘Abd Allâh a reçu une part de la science du Hadîth. »

 

Ahmad Ibn Mouhammad Ibn Hâni’ Aboû Bakr Al-Athram

Al-Athram fut l’un des compagnons d’Ahmad Ibn Hanbal qui étudia à ses côtés dans son âge mûr. Il s’intéressait au fiqh, à la déduction et aux désaccords juridiques. Après avoir rencontré Ahmad, il s’en tint à la Tradition. Il se dévoua à Ahmad en raison de sa piété et de sa droiture, influencé par les vertus morales de l’imâm Ahmad, il était devenu aussi ascète et chaste que son cheykh. Il rapporta des questions de fiqh d’après Ahmad, ainsi que de nombreux hadîths.

Il recommandait aux compagnons de l’imâm Ahmad, de se tenir à sa conduite pour faire honneur à leur cheykh, et ne pas permettre aux mauvaises langues de porter atteinte à l’imâm à travers eux.

C’était un homme silencieux, et il avait l’habitude de dire : « Le fait de trop parler est une fitna ; il est préférable à l’homme (sage), quand il prend la parole de se limiter au strict nécessaire dans le discours ‌»

Al-Athram est mort en 260 H ou en 261 H.

 

‘Abd Al-Malik Ibn ‘Abd Al-Hamîd Mahrân Al-Maymoûnî

‘Abd Al-Malik écouta Ahmad et d’autres savants de ses contemporains. Al-Khallâl admirait sa transmission d’après Ahmad et s’en remettait souvent à lui à ce niveau. Il consigna par écrit les décisions d’Ahmad ; du fait de son savoir, Ahmad n’osait pas lui interdire de le faire. Il avait recommandé de consigner par écrit les décisions d’Ahmad car celles-ci étaient dérivées de la Sounna, à laquelle elles ne s’opposaient pas, ni n’ajoutaient rien. Il resta en sa compagnie pendant plus de vingt ans, jusqu’en 227 AH. Il mourut en 274.

Aboû Bakr Al-Khallâl a dit de lui : « Il fut l’Imâm le plus estimé parmi les compagnons d’Ahmad, et ce dernier l’honorait. Il se comportait avec lui comme avec personne d’autre. Il me dit, ‘J’accompagnai fidèlement Aboû ‘Abd Allâh de 205 à 277 AH, après quoi, je venais de temps à autre. Aboû ‘Abd Allâh me comparait souvent à Ibn Jourayh Ibn ‘Atâ’ à cause de tout ce que je lui demandais. Il me disait, « Je ne me comporte avec personne comme je le fais avec toi.» ’ Il réunit de nombreuses décisions d’Ahmad dans une collection comptant environ vingt parties dont deux de 100 pages chacune. Je n’ai jamais rien entendu d’équivalent pour personne d’autre.»

 

Ahmad Ibn Mouhammad Ibn Al-Hajjâj Aboû Bakr Al-Marwadhî

Al-Marwadhî fut le plus proche compagnon d’Ahmad et ce fut lui qui le lava lorsqu’il mourut. Il était estimé par l’Imâm et transmit le Livre de la Piété d’après lui. Il était digne de confiance et Ahmad se fiait totalement à lui. Il rapporta de nombreuses décisions d’Ahmad qu’Al-Khallâl transmit ensuite. Il mourut en 275 AH.

 

Harb Ibn Ismâ‘îl Al-Hanzalî Al-Kirmânî

  Harb débuta son parcours en tant que soûfî, comme il était courant de le faire à cette époque. Ce n’est que tard dans sa vie qu’il rencontra Ahmad. On rapporte qu’Al-Khallâl lui demanda pourquoi il l’avait rencontré si tardivement, et il répondit, « J’étais un Sufi auparavant, et je n’étudiais pas.»  C’était un ami d’Al-Marwazî et il séjournait chez lui lorsque celui-ci se rendit auprès d’Ahmad. C’est Al-Marwazî qui encouragea Al-Khallâl, son élève, à voyager vers Harb pour l’écouter et transmettre d’après lui, et qui l’assista dans cette tâche. Harb transmit beaucoup d’après Ahmad, mais n’entendit pas directement de sa bouche tout ce qu’il diffusa d’après lui. Il mentionna qu’Ahmad disait, « Les gens ont besoin de savoir autant qu’ils ont besoin de pain et d’eau.»  Il mourut probablement en 280 AH.

 

Ibrâhîm Ibn Ishâq Al-Harbî

Aboû Ya‘lâ décrit Al-Harbî de la façon suivante : « Il était un imâm de par son savoir, un guide de par son ascétisme, avec une connaissance du fiqh, une compréhension des décisions juridiques et une mémoire des hadîths. Il écrivit de nombreux livres.»  Ibrâhîm, qui transmit le fiqh et les hadîths d’Ahmad, mais il était aussi parmi les compagnons de l’imâm Ahmad, celui qui lui ressemblait le plus dans sa dévotion et piété.

On rapporta qu’Al Mou‘tadid lui envoya la somme de dix mille dirhams, il les refusa, alors le calife lui envoya pour qu’il les distribue entre ses voisins, il rétorqua à l’émissaire : »  Que Dieu vous préserve ! Nous n’avons pas occupé notre temps à l’amasser (l’argent), pourquoi doit-on s’occuper de le distribuer ! Dites au Calife qu’il me laisse à mes besognes, sinon je quitterais son voisinage ! «

Al Harbî rendit cette offrande alors qu’il était, lui et sa famille, dans un grand besoin.

Il était in éminent linguiste. Il mourut en 285 AH.

 

Ahmad Ibn Mouhammad Aboû Bakr Al-Khallâl

Nous venons de mentionner certains des élèves les plus remarquables d’Ahmad ayant transmis son fiqh. Ils furent ses plus proches compagnons et certains parmi eux consignèrent son fiqh avec sa permission. Certains mémorisèrent ses décisions, parfois avant même de l’avoir rencontré. Mais comme nous l’avons mentionné précédemment, un faqîh en particulier se chargea de rassembler tous ces éléments, voyageant parfois sur de grandes distances pour y parvenir : Aboû Bakr Al-Khallâl. Il est considéré comme celui qui a le plus rassemblé et transmis le fiqh hanbalite et nous devons donc lui accorder une attention toute particulière.

Al-Khallâl resta auprès d’Al-Marwadhî jusqu’à sa mort. Il semble qu’il préféra transmettre le fiqh d’Ahmad et qu’il y consacra toute son énergie. Il voyagea beaucoup à la recherche de ce fiqh, dérivant beaucoup des fils et de l’oncle de l’imâm Ahmad, de Harb Al-Kirmânî, d’Al-Maymoûnî et d’autres. Al-‘Alîmî a dit, « Il recueillit d’après de si nombreuses sources, qu’il est impossible de les nommer toutes. Il entendit les décisions d’Ahmad de leurs bouches et voyagea en des endroits reculés du monde pour les entendre et les recueillir.»

Après avoir recueilli les transmissions d’Ahmad, Al-Khallâl les enseigna à ses élèves à la Mosquée Al Mahdî de Baghdad, qui devint le cercle à partir duquel l’école hanbalite se répandit. Il le transmit en tant que collection juridique comptant environ vingt volumes.

Les fouqahâ’ s’accordent sur le fait qu’il ait recueilli l’ensemble des diverses décisions juridiques attribuées à Ahmad et il n’y a aucun doute à ce sujet. Cependant, la transmission est-elle à ce point juste qu’elle ne puisse donner lieu à l’incertitude ? De notre point de vue, dans la mesure où beaucoup ont accepté sa transmission des hadîths, la transmission de son fiqh devrait également être acceptée. Les savants de la génération d’Al Khallâl ont accepté sa transmission. Il existe de nombreux témoignages quant à la fiabilité de sa transmission, notamment ceux des figures majeures de cette école.

Quels sont les livres qu’Al-Khallâl a écrits pour consigner l’école d’Ahmad Ibn Hanbal ? Ibn Al-Jawzî a dit, « Il écrivit plusieurs livres parmi lesquels La Grande Collection qui compte environ 200 parties.»  Il est évident que cette collection constitue la base du fiqh hanbalite. Il a aussi écrit des ouvrages sur d’autres sujets. C’est la raison pour laquelle Ibn Al-Qayyim a dit, « Al-Khallâl a rassemblé ses textes dans La Grande Collection, qui comprend 20 volumes ou plus.»  Cela indique que La Grande Collection est le compendium du fiqh d’Ahmad dans toutes ses voies et transmissions. Quant aux chiffres donnés par Ibn Al-Jawzî et Ibn Al-Qayyim, Ibn Al-Qayyim fait référence à des volumes, qui sont en principe conséquents, tandis qu’Ibn Al-Jawzî parle de fascicules, qui sont plus petits. Al-Khallâl mourut en 311 AH.

 

 

 LA SCIENCE  DE L’IMÂM AHMAD

LA SCIENCE DU HADÎTH

Lorsqu’Ahmad résolut de rechercher des hadîths, il dut se rendre auprès des savants du hadîth en Iraq, en Syrie, et dans le Hijâz. Il fut peut-être le premier mouhaddith à rassembler les hadîths de toutes les régions du monde musulman et à les consigner. Son Mousnad est la preuve du fait qu’il ait recueilli des hadîths de nombreux endroits différents.

La logique veut qu’il ait dû apprendre et mémoriser tout d’abord les hadîths de Baghdad. Il commença son étude des hadîths en l’an 179H et demeura ensuite à Baghdad, apprenant au côté des cheykhs du hadîth et notant tout ce qu’il y entendait, jusqu’en 186H. Cette année là, il partit pour Basra, et l’année suivante, pour le Hijâz. Il continua ensuite de voyager, visitant Basra, le Hijâz, le Yémen et d’autres lieux, à la recherche de hadiths. Dans la mesure où il débuta sa recherche de hadîths en 179 AH, et ne voyagea pas avant 186 AH, il a dû recueillir les hadîths de Baghdad pendant au moins sept ans, au cours desquels il ne voyagea que sur de courtes distances. Ainsi, pendant ces sept années, il se consacra à l’étude des hadîths des savants de Baghdad et de leur transmission des fatâwâs ainsi que des décisions des Compagnons et de leurs successeurs dans tous les domaines du fiqh.

Il se consacra à un Imâm du hadîth et de la science des Traditions à Baghdad, et demeura de façon permanente à ses côtés jusqu’à ses 20 ans. Il s’agissait de l’imâm Houchaym Ibn Bachîr Ibn Abî Khâzim Al-Wâsitî (M : 182H). Selon l’imâm Ahmad : « Nous commençâmes à transcrire les propos de Houchaym en 179H, et restâmes auprès de lui jusqu’à sa mort, en 182H. Nous avons transcrit environ un millier de hadîths au sujet du hajj, quelque tafsîr, ainsi que le chapitre sur la magistrature (al qadâ’), et certains autres chapitres plus courts.» Son fils Sâlih le questionna sur le nombre de hadîth reçus  de son cheykh Houchaym : « est-ce trois mille hadîth ? il répondit : plus ! «

Il étudia aussi avec d’autres à certains moments, et participa aux assemblées d’autres cheykhs. On rapporte qu’en 182H, avant le décès de Houchaym, il allait écouter ‘Oumayr Ibn ‘Abd Allâh. Il allait également écouter ‘Abd Allâh Ibn Mahdî, et l’on rapporte qu’il aurait dit, « ‘Abd Ar-Rahmân Ibn Mahdî nous rejoignit en 180 AH, en pleine force de l’âge, et j’avais l’habitude d’aller le voir à la Mosquée générale.»  Il écoutait également Aboû Bakr Ibn ‘Abbâs auquel il se référait.

Il étudia aussi avec d’autres à certains moments, et participa aux assemblées d’autres cheykhs. On rapporte qu’en 182H, avant le décès de Houchaym, il allait écouter ‘Oumayr Ibn ‘Abd Allâh. Il allait également écouter ‘Abd Allâh Ibn Mahdî, et l’on rapporte qu’il aurait dit, ‘Abd Ar-Rahmân Ibn Mahdî nous rejoignit en 180H, en pleine force de l’âge, et j’avais l’habitude d’aller le voir à la Mosquée générale.»  Il écoutait également Aboû Bakr Ibn ‘Abbâs auquel il se référait.

Après la mort de Houchaym, Ahmad commença à prendre des hadîths partout où il les trouvait. Il demeura encore trois années à Baghdad, apprenant diligemment auprès de ses cheykhs sans pour autant en privilégier un plutôt qu’un autre, comme cela avait été le cas pour Houchaym. Il avait environ 20 ans à la mort de Houchaym. Il se consacra ensuite très sérieusement à la recherche des hadîths, et sa mère l’encouragea dans ce sens.

En 186H, il commença à effectuer des voyages pour aller apprendre de nouveaux hadîths auprès d’hommes d’autres pays. Il se rendit à Basra, dans le Hijâz, au Yémen et à Koûfa. Il voulut aller à Ar-Rayy pour y écouter Jarîr Ibn ‘Abd Al-Hamîd, qu’il n’avait pas vu auparavant à Baghdad, mais n’en eut pas la possibilité, en raison des frais occasionnés par ce voyage ; il apprit donc les hadîths rapportés par ce dernier de la bouche de ceux qui les connaissaient.

Ahmad partit cinq fois pour Baghdad, y séjournant parfois pendant six mois. Il se rendit également cinq fois dans le Hijâz, dont la première en 187H, lorsqu’il rencontra Ach-Châfi‘î. En plus d’apprendre les hadîths rapportés par Ibn ‘Ouyayna auquel il rendit visite, il étudia également le fiqh d’Ach-Châfi‘î, ses principes et son explication des versets abrogeants et abrogés du Qour’ân. Il rencontra à nouveau Ach-Châfi‘î à Baghdad, à un moment où il affinait son fiqh et ses preuves, même s’ils ne devaient atteindre leur pleine maturité que plus tard, en Egypte. Ach-Châfi‘î s’en remettait à Ahmad pour authentifier certains hadîths. Il avait l’habitude de lui dire, « Si tu estimes qu’un hadîth est fiable, dis-le-moi et je l’adopterai, qu’il soit hijâzî, syrien, iraquien ou yéménite.»

Ibn Kathîr nous donne les détails de ces voyages dans le Hijâz : il accomplit le hajj pour la première fois en 187, puis en 191H, puis de nouveau en 196H. Il s’y rendit encore en 197H, puis en 198H pour le hajj, et y resta jusqu’en 199H. L’imâm Ahmad a dit lui-même, « J’ai accompli cinq hajjs, dont trois à pieds. J’ai dépensé 30 dirhams pour l’un d’entre eux. Je me suis perdu en route pour l’un d’entre un que j’accomplissais à pieds. J’ai alors dit, ‘O esclaves d’Allâh, montrez-moi la voie’, jusqu’à ce que je la trouve.»  C’est afin d’être récompensé qu’il faisait ses hajjs à pieds, car plus on endure de difficultés, plus la récompense est grande. C’est également en raison du manque d’argent. Il restait auprès de la Ka‘ba pour y chercher les hadîths du Messager d’Allâh, et y découvrir les fatwas de ses Compagnons et de leurs successeurs.

Ahmad se rendit à Koûfa et éprouva de grandes difficultés au cours de ce voyage, même si ce n’était pas très loin de Baghdad. Il dormit dans une maison avec une brique sous la tête pour seul oreiller. Il a dit, « Si j’avais eu 70 dirhams, je me serai rendu chez Jarîr Ibn ‘Abd Al- Hamîd à Rayy. Certains de mes compagnons y sont allés, mais je n’ai pas pu le faire, parce que je n’en avais pas les moyens.»  Il est évident qu’il se réjouissait d’avoir à endurer des difficultés dans sa recherche de hadîths, car ce qui vient aisément est vite oublié.

Après avoir accompli son hajj en 198H, après avoir accompli son pèlerinage, il voulut rendre visite à ‘Abd Ar-Razzâq Ibn Himâm à San‘â’. Il parla de son intention à son compagnon durant ce hajj, Yahyâ Ibn Ma‘în. Alors qu’ils faisaient le tawâf, ils observèrent ‘Abd Ar-Razzâq, qui vint lui aussi pour effectuer le tawâf ; Ibn Ma‘în le vit et le reconnut. Il l’aborda et lui dit, « Voici ton frère Ahmad Ibn Hanbal.»  ‘Abd Ar–Razzâq dit, « Qu’Allâh lui donne longévité et prospérité. J’ai entendu dire de bonnes choses sur lui.»  Yahyâ lui dit, « Demain, si Allâh le veut, nous viendrons t’écouter et consigner tes hadîths.»  Lorsqu’il partit, Ahmad lui demanda, « Pourquoi as-tu fixé un rendez-vous avec le cheykh ?»  « Pour que nous puissions l’écouter,»  répondit-il, « Allâh t’a épargné le trajet et les dépenses qu’aurait impliqué un mois de voyage.»  Ahmad lui dit, « Allâh ne me verra pas après avoir formulé une intention, la changer à cause de ce que tu as dit ! Nous irons l’écouter.»  Mais il se rendit aussi à San‘â’ pour l’y écouter, après son hajj.

Ce voyage vers San‘â’ s’avéra très difficile. Il se trouva à cours d’argent sur la route, et dut proposer ses services comme porteur jusqu’à ce qu’il arrive à San‘â’. Ses compagnons voulurent l’aider mais il refusa, priant Allâh de lui donner la force de gagner lui-même sa subsistance. Lorsqu’il atteignit San‘â’, ‘Abd Ar-Razzâq essaya de l’aider, lui disant, Aboû ‘Abd Allâh ! Prends ceci et utilise-le. Nous ne sommes pas dans un pays où le commerce est facile,»  et il lui offrit quelques dinars. Ahmad lui répondit, « Je vais bien.»  Il resta dans ce dénuement pendant deux ans, écoutant des hadîths transmis d’après Az-Zouhrî et Ibn Al-Mousayyab et qu’il ne connaissait pas d’avant.

Il regrettait de ne pas avoir rencontré les grands savants qui l’avaient précédé, mais Allâh a compensé ce manque. Il disait, « J’ai manqué Mâlik, mais Allâh m’a donné Soufyân Ibn ‘Ouyayna à la place. J’ai manqué Hammâd Ibn Yazîd, mais Allâh m’a donné Ismâ‘îl Ibn ‘Oulayya à la place.»  Il recherchait les hadîths de toutes les sources possibles et apprenait les divers domaines de connaissance liés au dîn.

 

L’imâm Ahmad le grand Hâfiz 

Il n’y avait pas à l’époque de l’imâm un érudit qui ait atteint son degré dans la mémorisation des hadîths, de leurs voies et versions. L’Imâm a passé sa vie dans la recherche, la compilation et l’étude de la Sounna du Prophète (Paix et Salut d’Allâh sur lui), sa compréhension et son assemblage. Aboû Zar‘a Ar-Râzî a dit : «  L’imâm Ahmad mémorisait un million de hadîths.. »

Ibn Al Madînî a dit : « Il n’y a pas d’entre nos compagnons quelqu’un qui possédait une mémoire plus que la sienne… »

Aboû ‘Oubayd a dit : «Je ne connais pas dans l’Islam plus savant (dans le hadîth) que lui. »

Qu’Allâh bénisse et accorde Sa Miséricorde à  l’imâm Ahmad, qui a passé toute sa vie au service du hadîth de l’Envoyé d’Allâh (Paix et Salut d’Allâh sur lui), à l’assembler, à l’analyser et à authentifier ses voies, à comparer ses versions. Malgré sa pauvreté et ses moyens très limités, il ambitionnait à entendre et à assembler de la Sounna du Messager de Dieu (Paix et Salut d’Allâh sur lui) ce que personne n’a pu accomplir avant lui.

Il répondit un jour à un homme qui l’interpella au sujet de sa quête incessante du hadîth : « Je ne me séparerais pas de l’encrier jusqu’à la tombe. »

Ibn Abî Hâtim a rapporté, d’après Sa‘îd Ibn ‘Amr Al Bardha‘î, qui a demandé au hâfiz Aboû Zar‘a : « Qui mémorise le plus de hadîth ? Toi ou Ahmad ? »  Aboû Zar‘a lui répondit : «  Ahmad Ibn Hanbal… »

L’Imâm était compté parmi les transmetteurs honorables et véridiques. Ibn Sa‘d a dit de Ahmad : «  Honnête, précis, véridique et grand rapporteur de hadîth. »

 

AL MOUSNAD

Le Mousnad est un ouvrage de hadîth répertorié par rapport aux hadîth endossés à chaque Compagnon (Sahâbî) rapporteur de hadîth du Prophète (Paix et Salut d’Allâh soient sur lui). Ainsi tous les hadîth rapportés par le même Compagnon sont classés dans le même chapitre. Il y a plusieurs savants de hadîth qui ont ainsi rassemblés les hadîth suivant cette méthodologie, tels que le Mousnad de ‘Abd Ibn Houmayd, le Mousnad de Ad-Dârimî, le Mousnad d’Aboû Ya‘lâ, Celui d’Al Bazzâr, d’Al Hassan Ibn Soufyân, d’Ishâq Ibn Râhawayh, d’Aboû Dâwoûd, de ‘Oubayd Ibn Moûsâ et celui de l’imâm Ahmad.

Le Mousnad de l’imâm est la somme des hadîths qu’Ahmad a transmis et qu’il est parfois parti chercher très loin de chez lui. Le Mousnad contient les hadîths qu’Ahmad a appris et consignés ainsi que leurs isnâds (chaînes de transmission, les ijtihâd des Compagnons (Que Dieu soit satisfait d’eux), leurs paroles et les avis de certains Tâbi‘în Il commença à le composer lorsqu’il se mit à étudier les hadîths à l’âge de seize ans. Les savants de la Sounna s’accordent pour dire qu’il a commencé à le composer en 180 AH, au début de sa quête de savoir, et il continua cette tâche tout le long de sa vie.

Si Ahmad n’aimait pas écrire d’une façon générale, il aimait écrire les hadîths et commença très tôt à consigner son Mousnad. La raison en ressort clairement dans sa réponse à une question que lui posa son fils ‘Abd Allâh. Celui-ci a dit, « J’ai demandé à mon père, ‘Comment peut-il te déplaire d’écrire des livres alors que tu a consigné le Mousnad ?’ Il répondit, ‘J’ai rédigé ce livre comme un modèle que les gens puissent consulter lorsqu’ils sont en désaccord à propos d’une sunna du Messager d’Allâh, (Qu’Allâh le bénisse et lui accorde la paix).’

Ahmad se chargea lui-même de la tâche de recueillir les hadîths auprès d’hommes dignes de foi, les rencontrant et rapportant d’après eux, et il s’y employait quelles que soient les difficultés que cela impliquât. Il continua à le faire pendant toute sa vie. Il ne se préoccupa pas de l’organiser ni de le répartir en chapitres, mais seulement de rassembler et de consigner les hadîths par écrit. Il ressort qu’il continua à recueillir et à écrire sur des pages séparées jusqu’à ce qu’il sente sa fin proche. Il rassembla alors ses fils et ses meilleurs élèves, et leur dicta ce qu’il avait écrit et recueilli. Ibn Al-Jawzî affirme : « L’imâm Ahmad commença à composer le Mousnad, l’écrivit sur des feuilles séparées, et le divisa en plusieurs parties dans une version provisoire. Mais il mourut avant d’avoir pu le terminer comme il le voulait. Il l’avait donné oralement à ses fils et aux personnes de sa maison, mais mourut avant de l’avoir révisé et corrigé. Il resta tel quel jusqu’à ce son fils ‘Abd Allâh le complète en lui ajoutant ce qu’il avait entendu.»

Cela semble indiquer que l’imâm Ahmad ne lut le Mousnad qu’à ses fils et aux personnes de sa maison, et semble contredire le fait très répandu qu’il ait dicté les hadîths qu’il avait recueillis à tous ceux qui le lui demandaient. En réalité, il n’y a aucune contradiction car dans ses leçons, il ne lisait ses livres à ses élèves que pour des choses qu’ils lui avaient spécifiquement demandées. Ce n’est pas la même chose que de leur faire entendre la collection complète de tous les Cheykhs des différentes régions. Il transmettait ce dont, à son avis, le demandeur avait besoin. Ce à quoi se réfère Ibn Al-Jazarî est la transmission actuelle du Mousnad lui-même.

Ya‘qoûb Ibn Yoûsouf Al Moutawwi‘î  raconte avoir entendu l’Imâm dire : «  J’ai composé cet ouvrage d’entre sept cent cinquante mille hadîth… »

Les savants ont divergé quant au nombre de hadîth du Mousnad. Il y a ceux les situent entre vingt huit et vingt-neuf mille hadîth. Aboû Bakr Ibn Mâlik dit qu’ils sont au nombre de quarante mille hadîths. Cette divergence est due aux répétitions de certains hadîths, de leurs voies avec parfois de légères variations.

Le Mousnad est composé de hadîth d’Aboû Bakr, ‘Oumar, ‘Outhmân, ‘Alî, Ibn Mas‘oûd  et les grands imâms d’entre les Compagnons, (Qu’Allâh soit satisfait d’eux), et il se termine par les Masânîd des Ansârs, des Mecquois, des Médinois, des gens de Koûfa, de Bassora et des gens du Châm.

Sept cent Compagnons (hommes), cent et quelques Compagnons (femmes) dont les hadîth, les avis  et les paroles sont répertoriés dans le Mousnad. Quant à ses Maîtres cités dans le Mousnad, ils sont au nombre de deux cents quatre vingt trois cheykhs.

Bien qu’il ait personnellement accordé une grande importance à cet ouvrage, ce fut son fils ‘Abd Allâh qui recueillit et classa l’énorme quantité de  transmissions et de versions de hadîths assemblées par son père, tout en y ajoutant un bon nombre d’injonctions et de transmissions personnelles. Son disciple Aboû Bakr Al Qâtî‘î (m : 368H/978JC) transmit cette recension en y faisant quelques nouvelles augmentations.

Le Mousnad de l’imâm Ahmad Ibn Hanbal contient des hadîths communément considérés comme recevables (machhoûr) de son temps. Ce n’est que beaucoup plus tard, quand la critique des hadîths atteignit le paroxysme de son rigorisme que l’on reprochera à Ibn Hanbal d’avoir donné droit de cité à quelques hadîths forgés (mawdoû‘a) dans son Mousnad. l’érudit Al ‘Irâqî a dit,  Par contre, l’existence d’une somme de hadîth faibles y est assurée, voire on y trouve même des hadîth inventés, que j’ai réuni dans une épître. En vérité, une grande quantité de hadîth y font défaut, et presque 200 compagnons figurant dans les deux Sahîh n’y sont pas mentionnés. »

Ibn al Jawzî a cité dans ses «  mawdoû‘ât »  (hadîth inventés) 38 hadîth rapportés dans le Mousnad, auxquels l’érudit Al ‘Irâqî adjoignit 9 autres. Néanmoins, de nombreux savants de hadîths s’élevèrent contre cette accusation comme Ibn Taymiyya et Ibn Hajar, qui  réfuta ces critiques dans son ouvrage «  Al qawlou al mousaddad fî adh-dhabbi ‘ani-l Mousnad », et analysa chacun des hadîth critiqués en concluant qu’il « n’existait aucun hadîth dans le Mousnad qui n’ait une source à l’exception de trois ou quatre ». Cette étude a été complétée par Mouhammad al Midrâsî (M : 1864JC) dans le « Dhayoul al Qawlou al mousaddad ».

On cite aussi : Khasâ’isou al Mousnad, de l’érudit Aboû Moûsâ Al Madînî (M : 581H) ;  Al Mas‘ad al ahmad fî khatmi Mousnadi al imâmi Ahmad, par l’érudit Chams Ad-Dîn Ibn Al Jazarî, l’éminent imâm des lectures (M : 833H) et Dhayl Al Qawlou al mousaddad, par Mouhammad Sibghat Allâh Al Madrâsî, dont la rédaction a été achevée en l’an 1781H.

On trouvera réunie cette question par Mouhammad Ahmad Châkir dans une captivante documentation. Dans l’introduction de son édition du Mousnad, le Caire 1948.

En vérité, Al Mousnad contient des hadîths authentiques et d’autres qui sont bons en eux-mêmes ou bons, grâce à d’autres. Quant à ceux qui sont faibles, ils sont étayés par un grand nombre de chaînes de transmetteurs, qui leur attribuent le degré de hadîths bons. Tous les hadîths du Mousnad sont par conséquent acceptables, et que les hadîths jugés faibles ou forgés sont des rajouts et des transmissions de son fils ‘Abd-Allâh que l’on ne peut attribuer à l’imâm Ahmad.

    L’ordre du Mousnad témoigne d’un effort évident de probité intellectuelle, mais il rendait l’utilisation du répertoire difficile pour ceux qui ne le connaissaient pas par cœur.

    L’imâm Ahmad Ibn Hanbal était d’une grande sévérité sur la qualité des chaînes de garants (isnâd) quand il s’agissait d’un hadîth concernant la détermination du «  licite et de l’illicite »  (al halâlou wal-harâm), mais il estimait devoir faire preuve d’une large tolérance en matière de morale ou de règles de bienséance.

En effet, beaucoup de savants jugeaient moins sévèrement les hadîths qui n’avaient point de caractère juridique, mais offraient seulement des sentences édifiantes et des enseignements moraux. L’auteur de Chadharât Adh-dhahab, a rapporté que l’imâm Ahmad a dit : « Idhâ jâ’a al hadîthou fî fadâ’ili al a‘mâli, wa thawâbihâ, wa targhîbihâ, tasâhalnâ fî isnâdihi, wa idhâ jâ’a al hadîthou fil-houdoûdi wal-kaffârâti wal-farâ’idi tachaddadnâ fîhi. : Lorsque nous rapportons le hadîth traitant des œuvres louables, leur récompense et l’incitation à s’y adonner, nous faisons preuve de beaucoup de souplesse, mais quand il s’agit de hadîth traitant des peines légales, des actes d’expiations ou des successions, nous sommes sévères dans l’analyse et l’acceptation de sa chaîne de transmission. »

Al Khatîb Al Baghdadî a  rapporté, d’après Ahmad Ibn Hanbal la parole suivante : «  Idhâ rawaynâ ‘an Rasoûli Allâh fîl-halâli wal-harâmi wa as-sounnani wal-ahkâmi tachaddadnâ fil-asânîdi wa idhâ rawaynâ ‘an Rasoûli Allâh fî fadâ’ili al a‘mâli tasâhalnâ fil-asânid : Lorsque nous rapportons, d’après le Prophète (Paix et Salut d’Allâh sur lui), dans le domaine du licite et de l’illicite et des prescriptions, nous faisons preuve de beaucoup de sévérité. Mais lorsque nous rapportons, d’après le Prophète (Paix et Salut d’Allâh sur lui), dans le domaine des vertus et des règles de bienséance, nous faisons preuve de tolérance dans les chaînes de transmission.»

Le Mousnad a été commenté et été sujets de classification et de codification tout le long de l’histoire, nous citons ci-joint, quelques ouvrages en la matière :

Tartîb Mousnad Ahmad Ibn Hanbal, par Ahmad Ibn Mouhammad Ibn AsSiddîq (1380H),

Charh al Mousnad », composé par Aboû Al Hassan Ibn ‘Abd al Hâdî as-Sindî. Ce commentaire fut abrégé par Zayn Ad-Dîn ‘Oumar Ibn Ahmad ach-Chammâ‘ al Halabî, sous l’intitulé «  Radd al mountaqad min Mousnadi Ahmad » , et par Sirâj Ad Dîn ‘Oumar Ibn ‘Alî, connu par Ibn Al Moulaqqin le chafi‘îte (805 H).

A la fin de ce passage, nous rappelons certains noms des hâfiz de hadîth qui ont recueillis des hadîth auprès de l’imâm Ahmad, parmi lesquels nous comptons certains de ses chouyoûkh, entre autres :

‘Alî Ibn Al Madînî (maître d’Al Boukhârî), Yahyâ Ibn Ma‘în, Aboû Zar‘a, ‘Abd Ar-Razzâq, Ach-Châfi‘î, ‘Abd Ar-Rahmân Qoutayba, Ibn Mahdî, Khalaf Ibn Hichâm al Bazzâr, Aboû Dâwoûd, At-Tirmidhî, An-Nasâ’î, Ibn Mâjah, Al Boukhârî, Mouslim, Aboû Bakr Ibn Abî Ad-Dounyâ, Ad-Dârimî, Aboû Bakr Ibn Chayba, Ses deux fils ‘ Abd Allâh et Sâlih, son cousin Hanbal Ibn Ishâq Ibn Hanbal, Wakî‘, Yahyâ Ibn Âdam…

 

AL FIQH (LE DROIT)

LA METHODOLOGIE JURIDIQUE DE L’IMÂM

L’imâm menait une vie conforme à celle des Prédécesseurs pieux (As-Salaf assâlih), se tenant à l’écart des polémiques intellectuelles de son temps ainsi que des querelles politiques, sociales et militaires. Il a choisi de se limiter à l’esprit des Compagnons, à celui de l’élite que formaient les Tâbi‘oûn et leurs successeurs, et de suivre leur voie. Sa connaissance et son fiqh seront influencés par cette voie. C’est-à-dire, l’Imâm tenait fermement à la Sounna du Prophète (Paix et Salut de Dieu sur lui) et de ses prédécesseurs pieux. Son fiqh est à l’image de cette règle. Ainsi, l’imâm Ahmad n’approfondissait aucun sujet sans consulter les avis des Compagnons, il suivait leur opinion et rejetait celle des autres et il refusait de se prononcer de son propre chef.. S’il ne lui parvenait aucun avis de leur part, il s’exprimait toujours avec précaution.

Cette méthodologie suivie par l’imâm Ahmad a poussé certains à mettre en cause l’existence du fiqh hanbalite dans sa première phase. En outre, certains des premiers spécialistes, comme AtTabarî et Ibn Qoutayba, considéraient Ahmad comme un savant du hadîth plutôt que comme un faqîh. Cependant, les décisions juridiques transmises et attribuées à l’imâma Ahmad, ne laissent aucun doute qu’Ahmad été un faqîh et un érudit réfléchi.

Si ces savants ne considéraient pas Ahmad comme un faqîh, c’est parce que sa préoccupation première allait aux hadîths, et que ses fatâwâs et les questions auxquelles il répondait relevaient davantage de la transmission que de la déduction juridique. Il n’était pas comme Mâlik, qui possédait une méthode particulière à la lumière de laquelle il étudiait les hadîths, ni comme Aboû Hanîfa qui voyait la transmission à travers ses yeux de faqîh, comme une source de laquelle déduire une décision en l’absence de précédent, ni comme Ach-Châfi‘î qui développa les principes du fiqh et en facilita l’étude des techniques, même s’il basait son travail sur les textes transmis.

Ahmad était un savant du hadîth avant d’être un faqîh, et il n’étudiait pas les hadîths afin de les extrapoler. Pour lui, l’étude des hadîths était un but en soi et non un moyen pour parvenir à autre chose. Son fiqh apparut alors qu’il devint un imâm pour les gens, qui lui posaient leurs questions et lui adressaient des fatâwâs, qu’il se vit contraint de leur fournir. Mais, avant de se prononcer, l’imâm tenait à consulter les avis des Prédécesseurs, s’il existait, sur la question, même émanant d’un Compagnon ou d’un grand Tâbi‘î, il le mentionnait. Si aucun d’entre eux n’avait émis de fatwâ, il dérivait de qu’il possédait sans recourir à l’analogie sauf lorsque c’était absolument nécessaire. Son fiqh était donc basé les Textes et les Transmissions.

L’analyse prouve qu’Ahmad Ibn Hanbal était un imam dans le fiqh. Il a adopté la méthodologie des Compagnons et leurs suivants, le fait de mettre en cause l’aptitude de l’imâm Ahmad, revient à mettre en cause les Compagnons eux-mêmes.

Le fiqh pour eux  consistait à comprendre le Livre de Dieu (Exalté) et les Explications du Prophète (Paix et Salut de Dieu sur lui), en se basant sur la langue arabe et ses indications, sans forcer le Texte par des interprétations erronées.

Ainsi les savants, à l’époque de Sa‘îd Ibn Al Mousayyib, d’Ibrâhim An-Nakha‘î, d’Az-Zouhrî, et de même à l’époque de Mâlik et de Soufyân Ath-Thawrî, n’aimaient pas se prononcer en se basant sur leur propre opinion en faisant abstraction des Textes légaux. Leur préoccupation majeure était la transmission des Hadîth du Prophète (Paix et Salut de Dieu sur lui). Ibn ‘Oumar (Que Dieu soit satisfait d’eux) a dit à Jâbir Ibn Zayd : «  Tu fais partie  des fouqahâ’ de Bassora, ne donne jamais un avis juridique sans un appui explicite du Coran ou une Sounna confirmée, car si tu agis autrement tu iras vers ta perdition et tu feras perdre les autres. »

Cette voie était celle de l’imâm Ahmad. Il était un faqîh par excellence, même s’il n’a pas laissé un livre de fiqh. Il a répondu à 60.000 questions juridiques en disant : « Allâh (Exalté) dit ; le Prophète (Paix et Salut de Dieu sur lui) a dit ou en se référant aux fatâwâs des Compagnons (Que Dieu soit satisfait d’eux ou selon les dires des Prédécesseurs pieux. Parfois il recourait à l’Analogie (al Qiyâs) en cas de nécessité extrême.

Ishâq Ibn Râhawayh a dit : «  J’avais l’habitude de me réunir avec Ahmad Ibn Hanbal, Yahyâ Ibn Ma‘în et d’autres compagnons. Nous analysions les hadîths  et leurs différentes voies de transmission. Il m’arrivait de poser la question concernant le hadîth traité, était-il sujet de consensus ? On me répondait par l’affirmative. Mais quand je posais des questions sur sa signification et qu’est ce qu’on pouvait en déduire juridiquement, tout le monde se tournait vers Ahmad Ibn Hanbal. »

L’imâm ‘Abd Ar-Razzâq AsSan‘ânî (l’auteur du Mousannaf), le cheykh e l’imâm Ahmad Ibn Hanbal a dit : « Je n’ai pas rencontré quelqu’un de plus érudit dans le fiqh et de plus chaste qu’Ahmad ! »

Aboû Thawr a dit : « Ahmad est plus érudit (afqaha) que Ath-Thawrî. »

Le meilleur témoignage est celui de l’imâm Ach-Châfi‘î qui, lorsqu’il l’a entendu était resté perplexe par sa compréhension solide et prouvé du Livre de Dieu (Exalté) et sa compréhension approfondie de la Sounna de Son Messager (Paix et Salut de Dieu sur lui).

Le fiqh d’Ahmad était transmis oralement, les différences sont très probables : Ahmad a très bien pu émettre une opinion sur une question particulière puis la rétracter, alors que ceux qui avaient entendu la première n’ont pas su qu’elle avait été rétractée, et les deux positions ont donc été transmises.

 

La Méthodologie juridique de l’Imâm

Son Droit se base essentiellement sur les Textes (Coran et Sounna). Ainsi il a répondu à soixante mille questions juridiques par : « Dieu (Exalté) a dit…», « le Prophète (Paix sur lui) a dit…», « les Compagnons ou nos pieux prédécesseurs ont dit… »

Par respect envers le hadîth, pour lequel il a voué sa vie, Ahmad n’a jamais rédigé d’ouvrages juridiques. Ce sont ses étudiants qui ont rassemblé ses avis et ont codifié sa méthodologie juridique.

Dans ses avis, il évitait de citer les sentences par l’usage des termes : halâl, harâm. Il préférait dire : « Je n’aime pas cela ou cela me plaît…»

L’imâm Ahmad était très attaché à l’imâm Ach-Châfi’î. Il s’alignait souvent sur les avis de ce dernier, quand il n’avait pas d’avis propre. Les fondements de sa méthodologie juridique étaient presque identiques à ceux adoptés par Ach-Châfi‘î, exception faite de l’avis du Compagnon, qu’il prenait en considération, à l’inverse de Ach-Châfi‘î.

Parmi ses paroles de sagesse, il a dit : « Si le savant cache la vérité par peur, tandis que l’ignorant plonge dans son ignorance, la vérité sera perdue 

*Il consulte le Coran et la Sounna et rien d’autres lorsqu’ils satisfont sa quête.

*S’il ne trouve pas de texte, il se tourne vers les jugements des Compagnons. Et dans le cas où il découvre un commentaire d’un compagnon, il l’adopte et ne donne la priorité à aucune pratique, opinion ou analogie sur cet avis.

L’imâm Ahmad intègre le Consensus des Compagnons  dans la Sounna, car selon lui, L’accord des Compagnons se base, certainement, sur une information sûre, dont ils disposent, d’après le Prophète (Paix sur lui) ou sur la base d’un ijtihâd de leur part, qui a été approuvé par le Prophète (Paix sur lui).

Dans le cas où les compagnons n’expriment pas des opinions similaires, il choisit l’opinion qui se rapproche le plus du Coran et de la Sounna sans aller chercher plus loin. S’il n’arrive pas à discerner quelle opinion est la plus proche du Coran et de la Sounna, il rend compte de la controverse en toute objectivité et s’abstient de prendre une décision.

*La Sounna. Il se réfère ensuite à tout hadîth, qu’il soit moursal ou faible [Da‘îf] dont l’authenticité – soit dans sa chaîne de rapporteurs, soit dans son contenu – n’est pas absolument irréprochable, pourvu qu’il soit en contradiction flagrante avec aucune pratique établie, aucune citation de compagnon ou consensus d’opinion. Il donne la priorité à un tel hadîth sur l’analogie.

Dans une narration, il est rapporté que l’imâm Ahmad a dit : « Je préfère le hadîth faible à l’opinion des gens.»

Ahmad fut questionné au sujet de quelqu’un se trouvant dans un pays avec, en main un possesseur de hadiths qui ne sait pas la différence entre du solide et du non-solide, et, dans l’autre, avec un possesseur d’opinion : Qui devrait-il consulter?
Il répondit ; «  Qu’il consulte le détenteur de hadîth et non le détenteur d’opinions.»

Aboû ‘Abd ‘Allâh Ibn Mandah rapporta d’Aboû Dâwoûd, avait l’habitude de citer la chaîne de transmission d’un hadîth faible s’il ne pouvait pas trouver mieux que cela sous ce titre particulier (bab), et qu’il le considérait comme une évidence par rapport à l’opinion. L’opinion personnelle et le jugement préférentiel occupent peu de place dans son école.

*Al Ijmâ‘  (le Consensus) :

L’imâm Ahmad disait : « Al Ijmâ‘ est celui des Compagnons, et toute autre forme de Consensus en est dépendant.  Ahmad accordait la préférence au Consensus des Gens de Médine (Ijmâ‘ de Médine) avant tout autre Consensus.

Il disait aussi : «  Si un autre Consensus, après celui des Compagnons, est confirmé, très certainement, je le prendrai en considération. »

*L’Analogie est une source de jugement auquel on ne peut avoir recours que lorsqu’aucune des sources précitées n’est disponible.

Il disait au sujet de l’Analogie : « J’ai questionné Ach-Châfi‘î au sujet de l’Analogie, il me répondit : « De n’y recourir qu’en cas de nécessité.»

Cette conduite fût celle l’imâm Ahmad. Il n’adoptait al Qiyâs que lorsqu’il ne trouvait pas réponse dans les Textes (Coran ou Sounna), ou lorsqu’il ne trouvait pas d’avis de Prédécesseurs (as-Salaf : Les Sahaba et les Tâbi‘oûn). Et s’il trouvait des avis divergents entre les Compagnons sur la question, il choisissait l’avis le plus proche (dans le temps).

*L’Appréciation de l’érudit ou le Rationnel spontané, est basé sur le principe de l’équité et la recherche de l’intérêt pour les gens (al maslaha).

Ainsi, l’imâm Ahmad a dit : «  Par principe la purification pulvérale se substitue à l’eau, dès lors, une fois accomplie, la personne peut accomplir des prières obligatoires et surérogatoires, tant qu’elle n’a pas invalidée son tayammoum par un hadath. Mais, par appréciation, la personne, qui recourt au tayammoum, le refait pour chaque prière.»

*Al Maslaha al moursala : l’Intérêt relâché.

L’imâm Ahmad, n’a pas cité la maslaha. Cependant, l’école en a fait l’un des bases de son argumentation juridique, et en fait usage régulièrement. (Voir Aboû Zahra : la vie de l’imâm Ahmad, page 303)

Nous trouvons illustration de cette forme d’ijtihâd maslahî, dans la méthodologie juridique de l’imâm Ahmad et de son école.

* Le principe de précaution (Sadd adh-dharâ’i‘).

L’imâm Ahmad prenait en considération le principe de la fermeture des voies menant à l’interdit.

Il convient de noter à ce titre que l’école juridique hanbalite est l’école la plus souple en ce qui concerne les contrats et les critères que doivent remplir les contractants. Car aux yeux de l’Imâm Ahmad les transactions sont licites originellement aussi longtemps qu’aucune preuve légale ne les interdit. D’où l’adéquation du rite hanbalite et sa souplesse dans le domaine des transactions.

*Al istishâb

Ibn Al Qayyim affirme que l’imâm Ahmad prend en considération le principe de la continuité de la règle uniquement dans le domaine des mou‘âmalât et non pas pour al ‘ibâdat.

 

 

Al QIRÂ’ÂT

LES LECTURES CORANIQUES

A l’époque, le savant ne pouvait prétendre avoir parfait sa formation, s’il ne maîtrisait pas, tel un maître,  l’une des lectures  moutawâtira du noble Coran, par une transmission continue et directe. Ainsi, l’imâm Ahmad s’était intéressé très tôt à la lecture de l’imâm Nâfi‘, qâri’ al Madina.

‘Abd Allâh Ibn Ahmad Ibn Hanbal a raconté, «  J’ai demandé à mon père : « Quelle est la lecture que tu aimes le plus ? »  Il me répondit : «  La lecture des Gens de Médine ! »  Je lui demandais : « Et si cela n’était  pas possible ? »  Il me dit : «  Alors la lecture de ‘Âsim. »

L’imâm Nâfi‘, le lecteur de Médine  était l’un des sept lecteurs. Il a reçu sa lecture par transmission directe et par enseignement d’après un grand nombre de Tâbi‘în de Médine. Moûsâ Ibn Târiq a dit : «   Je l’ai entendu dire : J’ai étudié auprès de soixante-dix Tâbi‘î. »

Parmi les élèves de l’imâm Nâfi‘, nous comptons : Mâlik Ibn Anas, ‘Outhmân Ibn Sa‘îd (surnommé Warch), ‘Îsâ Ibn Mînâ (surnommé Qâloûn), Al-Layth Ibn Sa‘d….

Nâfi‘ a enseigné la lecture coranique durant soixante-dix ans et a guidé la prière à la mosquée bénie du Prophète (Paix et Salutation d’Allâh sur lui) durant soixante ans. Il était d’une piété exemplaire, ascète et d’une humilité et générosité reconnues.

L’imâm Ahmad a reçu aussi l’enseignement de la lecture de ‘Âsim auprès de Yahyâ Ibn Âdam ; d’après Bakr Ibn ‘Ayyâch le transmetteur de la lecture de ‘Âsim. De même auprès de ‘Oubayd Ibn ‘Aqîl, d’après Aboû ‘Amr Ibn al ‘Alâ’. Il a reçu la lecture, d’après Ismâ‘îl Ibn Ja‘far, d’après Chayba Ibn Nasâh, puis d’après Nâfi‘ al Koûfî et aussi auprès de ‘Abd Ar-Rahmân Ibn Qaloûqâ, d’après Hamza.

Ainsi, L’imâm Ahmad maîtrisait et a récité pas la lecture de ‘Âsim, la lecture de ‘Amr Ibn Al ‘Alâ’ et la lecture de Nâfi‘, qui était la lecture qu’il aimait le plus.

On a rapportait que l’imâm Ahmad n’appréciait pas la lecture de Hamza et la jugeait non conforme à l’esprit même de la révélation par l’exagération dans les allongements (al madd) et les inclusions (al idghâm) ; qui la rende difficile d’accès à la Oumma. L’imâm Ahmad fait partie des savants qui juge la prière invalide de celui qui récite durant sa prière selon la lecture de Hamza. Il enjoint au prieur de refaire sa prière.

 

Cet avis n’est pas celui de l’imâm Al Al Kisâ’i qui était parmi ses élèves, Aboû Hanîfa, Soufyân Ath-Thawrî, Mouhammad Ibn Foudayl et Ibn Al Jazarî et d’autres. Sa lecture est sujet d’unanimité auprès des savants de l’Islam et est comptait parmi  les lectures moutawâtira.

Hamza (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) était connu par sa moralité exemplaire. Un ascète, honorable, houjja précis dans ses transmissions et il était l’imâm des lectures à son époque. Il lisait d’après la lecture d’Ibn Mas’oûd (Que Dieu soit satisfait de lui) et n’a jamais divergé dans sa lecture du Moushaf de ‘Outhmân (Que Dieu soit satisfait de lui). Il était aussi, savant dans le hadîth, la langue, les successions (al farâ’id).

L’imâm Ibn Al Jazarî a expliqué que la position de l’imâm Ahmad est due aux exagérations constatées dans les récitations de ses successeurs.

Nous pouvons dire que cette position de l’imâm Ahmad prouve bien sa maîtrise des lectures et de leurs règles, mais aussi sa fermeté quant au respect des règles des lectures coraniques.

 

LA LANGUE ARABE

La langue arabe est un outil nécessaire et obligatoire à maîtriser par tout savant, qu’il soit mouhaddith (savant de hadîth), faqîh (juriste) ou moujtahid (érudit). La connaissance de la langue arabe et de ses sciences, ses styles et ses procédés linguistiques est une condition pour la compréhension des Textes révélés. La maîtrise de la langue arabe exige une connaissance et la mémorisation du Dîwân al ‘Arab : (ach-chi‘r et an-nathr : la poésie et la prose).

Cette qualité était celle de l’imâm Ach-Châfi‘î et de son élève intime l’imâm Ahmad., qui, comme nous l’avions mentionné, dans sa généalogie, était arabe de souche, de Chaybân, éloquent et maîtrisant le verbe arabe en maître.

Ach-Chafi‘î en donna un témoignage évident, lorsqu’il dit : « Ahmad était un maître dans le hadîth, le fiqh, la langue, le Coran, l’ascétisme, dans la pauvreté, dans la piété et dans la Sounna. »

On constate cette maîtrise dans les commentaires de l’Imâm sur les Textes et à travers ses déductions.

 

 

 

LES ŒUVRES DE L’IMÂM AHMAD

Parmi les écrits de l’imâm Ahmad, on cite :

-Az-Zouhd : l’Ascétisme ;

-As-Sounna : La Sounna ;

AsSalât wa mâ yalzamou fîhâ : La Prière et ses obligations ;

-Al Wara‘ wal-Imân : La Crainte et la Foi ;

-Al Achribah : Les Boissons ;

-Al Masâ’il : les Questions ;

-Fadâ’il AsSahâba : Les Mérites des Compagnons ;

-An-Nâsikh wal-mansoûkh : L’abrogeant et l’abrogé ;

-‘Ilal Al hadîth : les Défauts des hadîth ;

-Kitâb At-Târîkh : Livre de l’Histoire ;

-Kitâb Hadîth Chou‘ba : Le livre du Hadîth de Chou‘ba ;

-Kitâb Al mouqaddam wal mou’akhkhar fil Qour’ân ;

-Kitâb al Manâsik al Kabîr wal-Saghîr : le grand et le petit livre des Rites.

-Radd ‘alâ al Jahmiyya  wal Zanâdiqa : Réfutation des doctrines des Jahmites et des Zindiq

-Kitâb Tâ‘at Ar-Rasoûl : L’Obéissance au Prophète (Paix sur lui) ;

-Al Mousnad min masâ’il Ahmad : le Mousnad dans les questions juridiques de Ahmad

-Kitâb Al Amr : Le livre de l’Ordre.

Ibn Al Jawzî a rapporté que l’imâm Ahmad avait un Tafsîr de plusieurs volumes.

 

LES FONDEMENTS DU DOGME DE L’IMÂM AHMAD

L’UNICITE DE DIEU (Exalté) ET SES ATTRIBUTS

L’imâm Ahmad suivait en cela le madh-hab du Salaf, avec le fait de déclarer l’Exemption d’Allâh [de toute ressemblance] et avec le reniement de tout anthropomorphisme.  Il est même arrivé qu’il interprète dans certaines situations.

Hanbal (le fils de l’oncle paternel de l’imâm) a dit : J’ai entendu le fils de mon oncle (Ahmad) dire : « Voilà ce que [les Mou‘tazilites] ont utilisé comme preuve contre moi, le jour de la grande controverse (mounâzara). Ils ont dit : « Au jour du jugement, la Sourate al-Baqarah et la Sourate Tabârak viendront intercéder en faveur du serviteur ! »

Explication: les Mou‘tazilites se sont basés sur ce hadîth pour dire que le Qour’ân est créé, ce que l’imâm Ahmad refusait. Ils prétendaient, puisque telle et telle sourate vont VENIR, cela prouverait, que les sourates sont créées, puisqu’elles vont se déplacer !

Ahmad dit : « Je leur ai dit : « C’est la récompense qui viendra ! En effet, Dieu (Exalté) ne dit-Il pas : « Wa jâ’a Rabbouka wal-malakou saffan saffan» ; il s’agit, certes, de la manifestation de Sa Puissance qui viendra [qoudratouhou]. Le Qour’ân est plein de métaphores, et d’exhortations, d’ordres et d’autres procédés linguistiques de  ce genre !»

Explication: l’imâm Ahmad a rétorqué à ses adversaires, que dans le Qour’ân Dieu (Exalté) dit de Lui-même : « Wa jâ’a Rabbouka… », allez-vous, donc dire, que cela veut dire que Dieu (Exalté) se déplace ? Nous savons bien que ce n’est pas le sens ici. Lorsque les hadîth indiquent que  la Sourate al Baqara et la sourate Tabâraka vont venir,  c’est simplement pour dire que les récompenses de leur récitation et de leur mise en pratique vont venir soutenir le serviteur !»

Ibn Kathîr rapporte l’interprétation de l’imâm Ahmad Ibn Hanbal. Il dit : « Al-Bayhaqî rapporte d’Al-Hâkim, qui le tient de ‘Amr Ibn as-Sammâk qui le tient de Hanbal, que Ahmad Ibn Hanbal a interprété la Parole de Allâh (Exalté) : « Wa jâ’a Rabbouka…» : en disant : c’est-à-dire : Sa récompense viendra. »

Al-Bayhaqî a dit : « Cette chaîne est incontestable. »

(Réf : Ibn Kathîr : al-Bidâya wan-Nihâyah, Vol 10 p.327)

 

LA DEFINITION DE LA FOI (al îmân)

Ahmad a affirmé à de nombreuses reprises que la foi est à la fois déclaration et action, et qu’elle augmente ou diminue. Ibn Al-Jawzî rapporte qu’Ahmad disait, « La foi est parole et action. Elle croît et décroît. Toute la piété provient de la foi et les actes de désobéissance diminuent la foi.»  Il disait, « Le croyant parmi les gens de la Sounna et la Communauté est quelqu’un qui atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allâh unique et sans associé et que Mouhammad est Son serviteur et Messager, et qui affirme tout ce que les Prophètes et Messagers ont apporté, et qui lie son cœur à ce que prononce sa langue et ne doute pas de sa foi.»

(Al-Manâqib, p. 165)

Une autre fois, il dit, « La foi est parole et fait. Elle croît et décroît. Elle croît quand on s’adonne au bien et décroît quand on commet les interdits et on s’adonne au mal. Un homme peut quitter la foi, mais rester au sein de l’Islam. S’il se repent, il revient à la foi. Il ne sort de l’Islam qu’en associant à Allâh (Exalté) ou en rejetant l’une des obligations prescrites par Allâh (Exalté). S’il les abandonne par négligence et paresse, il est sujet à Sa Volonté et Il peut le punir ou lui pardonner.»

(Ibn Al-Jawzi, p. 168)

L’imâm Ahmad disait aussi dans sa définition de la foi : « Nous ne déclarons aucun des tenants du tawhîd mécréant, même s’ils commettent des péchés majeurs.»

 

LA PREDESTINEE

Nous pouvons lire dans al-Manâqib, que Ahmad a dit : « Soixante-dix hommes parmi les Tâbi‘în, les Imâms de l’Islam et les fouqahâ’ des différentes cités s’accordent pour dire que la Sounna, à laquelle a tenu le Messager d’Allâh (Paix sur lui) jusqu’à sa mort, était avant tout l’acceptation du Décret d’Allâh, la soumission à Son commandement, la constance sous Son décret, le fait de prendre ce qu’Allâh commande et de s’éloigner de ce qu’Il interdit, la sincérité dans le fait d’agir pour Allâh, la croyance en la prédestination du bien et du mal, et l’abandon des polémiques, des débats et des querelles à propos du dîn

(Al-Manâqib, p. 186)

Son fils Sâlih la interrogé sur la validité de la prière derrière un qadarite, il lui répondit : « Le qadarite prétend qu’Allâh ne sait pas ce que les serviteurs feront, jusqu’à ce que l’un d’entre eux agisse, alors Il en est informé ! Ne prie jamais derrière le qadarite.»

Cependant Ahmad refusait de débattre de cette question. Il a écrit à l’un de ses amis, « Je ne suis pas de ceux qui s’adonnent au kalâm et je ne pense pas qu’il devrait y avoir de discussion à propos de tout cela en dehors de ce qui se trouve dans le Livre ou des hadîths du Messager d’Allâh, qu’Allâh le bénisse et lui accorde la paix, ou de ce que disaient les Compagnons. Le reste ne vaut pas la peine que l’on s’y attarde.»

(Al-Manâqib, p. 156)

 

 

LA CREATION DU CORAN ET LA GRANDE EPREUVE

L’imâm Ahmad a dit, « Quiconque prétend que le Qour’ân est créé est un Jahmite. Les Jahmites sont des mécréants.»

L’imâm Ahmad vit passer quatre dynastes abbassides successifs : Al Ma’môun, Al Wâthiq, Al Mou‘tasim et Moutawakkil. En cette période, les Mou‘tazilites avaient pris beaucoup d’envergure et jouissaient d’une grande influence dans les sphères du pouvoir, surtout durant le règne d’Al Ma’moûn.

 

L’Epreuve :

A l’origine de cette Inquisition, qui allait marquer l’imâm Ahmad, fut la volonté d’Al-Ma‘moûn de voir les fouqahâ’ et les savants du hâdîth adopter la position des Mou‘tazilites et déclarer que le Qour’ân était créé (khalq al Qour’ân). Ils étaient supposés affirmer, à l’instar des Mou‘tazilites, que le Qour’ân avait été créé et possédait une origine dans le temps.

En effet, Al-Ma‘moûn avait adhéré à la doctrine des Mou‘tazilites, et il soutenait ses adhérents.

Il existe un désaccord quant à la position d’Ahmad à ce sujet, et nous le traiterons en détail lorsque nous examinerons ses opinions ; mais les savants confirment qu’Ahmad désapprouvait l’opinion d’Al-Ma‘moûn et refusait de faire cette affirmation, endurant pour cela de graves persécutions. Cette Inquisition commença à l’époque d’Al-Ma‘moûn mais se poursuivit sous le règne d’Al-Mou‘tasim et d’Al-Wâthiq selon les instructions d’Al-Ma‘moûn.

Al-Ma‘moûn voulait contraindre Ahmad à affirmer que le Qour’ân était créé. Le premier à avoir fait cette affirmation était Al-Ja‘d Ibn Dirham, à l’époque Oumayyade. Khâlid Ibn ‘Abd Allâh Al-Qasrî l’exécuta le jour de al-‘Id al-Ad, à Koûfa. Il avait été amené devant lui enchaîné et Khâlid avait dit aux gens, « Allez faire vos sacrifices. Ils seront acceptés, par la Volonté d’Allâh. Je veux tuer Al-Ja‘d Ibn Dirham. Il prétend qu’Allâh n’a pas parlé directement à Moûsâ et qu’Il n’a pas pris Ibrâhîm pour Ami. Allâh (Exalté) est au-dessus de ce qu’il dit !»

On rapporte des faits semblables en ce qui concerne Al-Jahm Ibn Safwân, qui avait nié l’existence de la Parole d’Allâh et a déclaré que le Qour’ân était créé et non pas éternel.

Puis les Mou‘tazilites entrèrent en scène et réfutèrent la réalité des Attributs d’Allâh. Ils réfutèrent le fait qu’Allâh Tout-Puissant parle, disant que ce qui fait référence au fait qu’Allâh parle dans le Qour’ân ne désignait pas Sa Parole directe, mais plutôt des mots qu’Il aurait créés dans le Buisson avant que Mousâ ne les entende. Ils n’acceptent pas que l’on dise d’Allâh, qu’Il parle, mais soutiennent qu’Il crée la parole, comme Il crée tout le reste. De la même manière, ils croient que le Qour’ân est créé. Les Mou‘tazilites poussèrent très loin ce concept de la création du Qour’ân à l’époque abbasside. Quelques fouqahâ’ les suivirent dans cette voie, comme Bichr Al-Marîsî, qu’Aboû Yoûsouf expulsa de son assemblée lorsqu’il refusa de se rétracter.

Leurs efforts commencèrent à s’intensifier sous le règne d’Ar-Rachîd, au cours duquel ils appelaient les gens à adopter leur position. Ar-Rachîd n’était pas audacieux au point d’approfondir les détails théologiques et de débattre avec eux en termes philosophiques, et ne les soutenait donc pas ; on raconte même qu’il emprisonna un groupe d’entre eux. Cependant, lorsqu’Al-Ma‘moûn arriva au pouvoir, son entourage et ses hommes de main étaient Mou‘tazilites ; il les honorait à tel point qu’on rapporte que lorsque Aboû Hichâm Al-Qawtî, l’une des têtes de file des Mou‘tazilites, vint à lui, il se leva pour l’honorer – une chose qu’il ne faisait pour personne d’autre. La raison de ce penchant pour eux était qu’Al-Ma‘moûn avait été l’élève d’Aboû Al-Houdhayl Al-‘Allâf, l’un des maîtres d’al i‘tizâl (la pensée mou ‘tazilite).

Lorsqu’Al-Ma‘moûn organisa des assemblées dans le but d’y débattre sur des questions religieuses, les Mou‘tazilites s’avérèrent être plus compétents dans ce domaine que leurs opposants, étant donné leur connaissance étendue de la philosophie et de la théologie scolastique (alkalâm). Cet aspect eut une telle influence sur Al-Ma‘moûn qu’il choisit certains d’entre eux comme compagnons et représentants officiels, en particulier Ahmad Ibn Abî Dou’âd.

Les Mou‘tazilites se rendirent compte de cette préférence et commencèrent à propager ouvertement leur point de vue selon lequel le Qour’ân était créé. Al-Ma‘moûn approuva cette position qu’il proclama comme la sienne en 212 AH, après avoir examiné les preuves qu’on lui avait présentées. Cependant, il laissait les gens libres de leurs convictions et n’imposait pas la sienne à ceux qui n’y croyaient pas ou qui ne s’étaient même pas posés la question.

Mais en 218 AH, l’année au cours de laquelle il mourut, Al-Ma‘moûn décida d’utiliser la force pour contraindre les gens à embrasser la théorie de la création du Qour’ân.

Alors qu’il se trouvait à Raqqa, il envoya des lettres à Ishâq Ibn Ibrâhîm, son adjoint à Baghdad, lui ordonnant d’interroger les fouqahâ’ et les savants du hadîth sur la queqtion et de les obliger à  attester que le Qour’ân était créé.

Il apparaît qu’il commença, en premier, par contraindre ceux qui occupaient des fonctions d’autorité, ainsi que tous ceux qui étaient connectés au gouvernement, à accepter la doctrine des Mou‘tazilites par tous les moyens, même par des témoignages devant la court. La première lettre qu’il envoya à Baghdad se termine comme suit :

« Rassemble les dîs et lis-leur la lettre d’Amîr al-Mou’minîn. Commence par observer ce qu’ils disent et cherche à savoir quelles sont leurs convictions quant à la création et à l’origine du Qour’ân. Informe-les qu’en ce qui concerne les postes dans le gouvernement, l’Amîr al-Mou’minîn ne cherchera l’aide, ni n’accordera sa confiance, ni ne confiera son troupeau à quiconque ne possèdant pas un dîn sûr, et dont le tawhîd et les convictions ne sont pas purs. S’ils affirment cela et sont d’accord avec Amîr al-Mou’minîn, et suivent la voie de la guidance et du salut, alors commande-leur de te fournir une liste de témoins et de leur demander leur point de vue concernant le Qour’ân. Refuse les témoignages de ceux qui n’affirment pas qu’il est créé et interdit leur inscription. Renvois à Amîr al-Mou’minîn la liste des dîs de ton district qui sont venus vers toi à propos de cette question. Ordonne-leur de faire la même chose et garde un œil sur eux de façon à ce que les jugements d’Allâh ne soient rendus que par le témoignage de ceux qui sont clairvoyants dans le dîn et sincères dans le tawhîd.»  (AtTabarî)

Nous voyons qu’au début, le seul châtiment infligé était le renvoi des fonctions gouvernementales et le refus des témoignages. Le gouverneur du calife, Ishâq Ibn Ibrâhîm, appliqua ces instructions vis-à-vis des dîs ; il convoqua ensuite les savants du hadîth et tous ceux qui émettaient des fatâwâs, les questionna et envoya leurs réponses à Al-Ma‘moûn. Plus tard, Al-Ma‘moûn envoya à son gouverneur une seconde lettre, plus sévère, dans laquelle il lui donna son opinion quant à la bêtise des réponses, stipulant les punitions à donner à ceux qui n’acceptaient pas sa position, et lui ordonnant de lui envoyer, enchaînés, ceux qui refusaient. Il lui dit, « Mentionne parmi ceux que tu as cités ceux qui ont réfuté l’idolâtrie (chirk) ou refusé de répondre et d’affirmer que le Qour’ân était créé. Envoie-les tous, sous bonne garde et enchaînés, à l’armée de Amîr al-Mou’minîn. S’ils ne se rétractent pas et ne se repentent pas, il les contraindra tous à la pointe de son épée, par la Volonté d’Allâh !»

Ishâq se hâta d’exécuter ses instructions et convoqua les savants du hadîth, les fouqahâ’ et les mouftîs, parmi lesquels Ahmad Ibn Hanbal, les menaçant d’un grave châtiment s’ils n’affirmaient pas ce qu’on leur demandait et n’adoptaient pas la position qu’Al-Ma‘moûn exigeait d’eux. Tous s’exécutèrent, sauf quatre, dont le cœur resta ferme, satisfait du décret d’Allâh, préférant l’éternité à l’éphémère. Il s’agissait d’Ahmad Ibn Hanbal, de Mouhammad Ibn Noûh, d’Al-Qawârîrî et de Sajjâda. Ils furent enchaînés et entravés, et passèrent la nuit aux fers. Au matin, Sajjâda se soumit, et ils le laissèrent partir tandis que les trois autres restèrent.

Le jour suivant, ils furent à nouveau questionnés, et ce fut au tour d’Al-Qawârîrî de céder, et de leur dire ce qu’ils voulaient entendre ; ils le laissèrent partir tandis que les deux autres restaient là. Ils furent emmenés enchaînés vers Al-Ma‘moûn, à Tartoûs. En chemin, Ibn Noûh fut martyrisé. Ceux qui avaient fait ce qu’on leur demandait se rendaient devant al-Ma‘moûn libres de leurs chaînes, et étaient bien traités. En chemin, la nouvelle de la mort d’Al-Ma‘moûn arriva, mais ce dernier avait ordonné à son frère, Al-Mou‘tasim, de se conformer à sa position quant au Qour’ân, et de contraindre tout le monde à l’adopter. Celui-ci se sentit obligé de le faire. L’Inquisition parvint à son point culminant sous le règne d’Al-Mou‘tasim et celui d’Al-Wâthiq. Examinons brièvement les lettres envoyées par Al-Ma‘moûn.

 

La première lettre d’Al-Ma‘moûn

« Le devoir des imâms et des Califes des Musulmans envers Allâh est de s’efforcer d’établir le dîn d’Allâh qu’ils doivent préserver, et de sauvegarder l’héritage qu’ils ont reçu du Prophète (Paix sur lui). Ils doivent favoriser la science qu’il leur a confiée, agir par la Vérité vis-à-vis de leurs sujets, et obéir à Allâh en ce qui les concerne. Allâh (Exalté) exige de Amîr Al-Mou’minin, qu’il tranche selon la guidance et qu’il soit juste par rapport à ce qu’Allâh lui a confié par Sa Miséricorde et Sa Grâce.

Amîr al-Mou’minîn sait que les gens ordinaires ne cherchent pas à savoir ni à déduire en fonction des preuves et de la guidance d’Allâh, ni ne cherchent à s’éclairer par la lumière d’Allâh et par Ses preuves dans tous les domaines. Ils sont ignorants et ne voient pas la réalité de Son dîn et de Son tawhîd… Ils sont incapables d’apprécier la Grandeur d’Allâh comme elle devrait être appréciée ; de Le reconnaître comme Il devrait être reconnu ou de distinguer entre Lui et Sa création, en raison de leur intelligence déficiente et de leur incapacité à penser de façon logique. C’est pourquoi ils établissent une équivalence entre Allâh et le Qour’ân qu’Il a révélé, soutenant qu’il est hors du temps, incréé et provenant d’Allâh.

Allâh (Tout-Puissant) dit dans Son Livre, dont Il a fait un remède pour les cœurs, une grâce et une guidance pour les croyants : « Nous en avons fait un Qour’ân arabe.» (Ste 43/V.3) ‘Fait’ signifie créé. Il dit : « Louange à Allâh qui a créé les cieux et la terre, et établi les ténèbres et la lumière.» (Ste 6/V.1) Il dit, « C’est ainsi que Nous te racontons les récits de ce qui s’est passé(Ste 20/V.99)

Par conséquent, Il rapporte les récits d’évènements après qu’ils se soient passés. Il dit, « Alif, Lâm, Râ. C’est un Livre dont les versets sont parfaitement construits, puis détaillés par un Sage, Parfaitement Connaisseur.» (Ste 11/V.1) Toute chose ‘construite’ et ‘détaillée’ ne peut qu’être créée et avoir une origine.

Voilà ce que Dieu (Exalté) dit, mais les gens présentèrent de faux arguments, appelèrent les autres à adopter leur position et prétendirent être les détenteurs de la Sounna alors que partout dans le Livre d’Allâh figurent des récits dont les mots mêmes invalident leur position et réfutent leur affirmation, leur position et leur credo…»

Le reste de la lettre, comme nous l’avons déjà mentionné, ordonne d’examiner la position des dîs et les témoignages, et d’informer le Calife de leurs positions. La lettre est datée de Rabî ‘ al-Awwal 218 AH.

 

La seconde lettre

Dans sa lettre précédente, Al-Ma‘moûn écrivait à Ishâq Ibn Ibrâhîm à propos de sept individus en particulier, parmi lesquels Mouhammad Ibn Sa‘d Al-Wâqidî et d’autres, lui ordonnant de les observer et de les interroger quant à la création du Qour’ân. Ils admirent tous que le Qour’ân était créé et il les envoya donc vers Madînat as-Salâm (c’est-à-dire Baghdad) où Ishâq Ibn Ibrâhîm les reçut chez lui. Ils étaient renommés parmi les fouqahâ’ et les cheykhs du hadîth. Ils confirmèrent leur première réponse et furent relâchés par Ishâq, selon l’ordre d’Al-Ma‘moûn. Celui-ci écrivit une nouvelle fois à Ishâq Ibn Ibrâhîm :

« L’un des devoirs terrestres qu’ont envers Allâh (Exalté) les califes, et ceux qui détiennent l’autorité sur Ses serviteurs, et qu’Il a désigné pour établir Son dîn, est de préserver Sa création, porter Ses Jugements et Ses Sounans, de diriger de façon juste et qu’ils doivent, eux-mêmes, lutter pour l’amour d’Allâh afin d’être loyaux envers Lui dans ce qu’ils préservent et guident vers Lui par les connaissances qu’Il leur a accordées et la reconnaissance qu’Il a placée en eux…»

(Puis, après avoir cité les points de vue des gens sur la création du Qour’ân, et mentionné les raisons de sa propre position, il poursuit 🙂

« Lis à Ja‘far Ibn ‘Isâ et à ‘Abd Ar-Rahmân Ibn Ishâq, le Qâdî, la lettre d’Amîr al-Mou’minîn que je t’ai écrite et examine leurs connaissances concernant le Qour’ân. Informe-les du fait que Amîr al-Mou’minîn ne cherchera d’aide pour les affaires des Musulmans qu’auprès de ceux dont il est convaincu de la sincérité et du tawhîd, et que personne ne possède le vrai tawhîd si ce n’est ceux qui affirment que le Qour’ân est créé. S’ils adoptent la position d’Amîr al-Mou’minîn, fais leur tester ceux qui assistent à leurs assemblées de façon à prouver et à certifier leur position à propos du Qour’ân. Quiconque ne dit pas qu’il est créé, verra son témoignage invalidé et aucun jugement ne pourra être rendu sur cette base. Fais la même chose pour tous ceux que tu désignes comme qâdîs. Sonde-les de façon à ce qu’Allâh accroisse ta compréhension. Ecris à Amîr al-Mou’minîn au sujet de ce que tu as appris.»

Ce sont là les deux lettres officielles qui ont déclenché l’Inquisition. Ishâq commença à observer les gens après avoir reçu la première missive, et termina cet examen après avoir reçu la seconde. Il transcrivait les réponses qu’il recevait, puis en informait Al-Ma‘moûn ou plus précisément, Ahmad Ibn Abî Dou’âd. Il convoqua un groupe de fouqahâ’, de juges et de savants du hadîth, parmi lesquels Bichr Ibn Al-Walîd, Sajjâda, Al-Qawârîrî, Ahmad Ibn Hanbal, Qoutayba, Sa‘dawayh Al-Wâsitî, ‘Alî Ibn Abî Mouqâtil et d’autres. Il commença par leur lire deux fois la lettre d’Al-Ma‘moûn de façon à ce qu’ils comprennent bien, puis se mit à leur poser des questions.

Il dit à Bichr Ibn Al-Walîd :

– « Que dis-tu à propos du Qour’ân ?»

-Bichr répondit : «Tu sais ce que j’ai déjà dit à Amîr al-Mou’minîn !»

-« Réitère ta déclaration pour Amîr al-Mou’minîn

-« Je dis que le Qour’an est la Parole d’Allâh.»

-« Ce n’est pas ce que je te demande. Est-il créé ?»

-« Allâh crée toute chose,»  répondit Bichr.

-« Le Qour’ân est-il une chose ?»  demanda Ishâq.

« C’est une chose,»  répondit-il.

-« Donc il est créé !»

-« Il n’est pas un créateur,»  répondit Bichr.

-« Ce n’est pas ce que je te demande. Est-il créé ?»

-« Rien de bon ne peut être dit à ce sujet au-delà de ce que je t’ai déjà dis. J’ai passé un contrat avec Amîr al-Mou’minîn selon lequel je ne parlerais pas de cela. Je n’ai rien d’autre à ajouter que ce que je t’ai déjà dis !»

Ishâq prit le papier devant lui et le lui lut.

-Bichr dit, « Je témoigne qu’il n’y a pas d’autre dieu qu’Allâh, le Seul, l’Unique. Il n’y avait rien avant Lui et il n’y a rien après Lui. Il ne ressemble en aucune manière à Sa création.»

Le gouverneur dit au scribe, « Note ce qu’il a dit !»

Puis il dit à ‘Alî Ibn Abî Mouqâtil, « Qu’est-ce que tu dis, ‘Alî ?»

-« Tu as entendu plus d’une fois la réponse que j’ai donnée à Amîr al-Mou’minîn. Je n’ai rien à ajouter à ce que je lui ai déjà dis.»

Il lut ce qui figurait dans le document puis Ishâq lui demanda : « Le Qour’ân est-il créé ?»

-« Le Qour’an est la Parole d’Allâh,»  répondit ‘Alî.

-« Ce n’est pas ce que je te demande,»  répliqua Ishâq.

-« Il est la Parole d’Allâh et Amîr al-Mou’minîn nous a ordonné quelque chose et nous obéissons.»

Il dit au scribe, « Note ce qu’il a dit.»

Il eut un dialogue similaire avec Adh-Dhayyâl, puis demanda à Aboû Hasan Az-Ziyâdî, « Qu’est-ce que tu dis ?»

-« Demande ce que tu veux,»  dit Aboû Hasan.

Ishâq lui lut le document. Aboû Hasan approuva son contenu et dit, « Quiconque ne dit pas cela est un mécréant,»  ajoutant, « Le Qour’ân est la Parole d’Allâh et Allâh a créé toute chose, et tout ce qui n’est pas Allâh est créé. Nous obéissons à l’ordre d’Amîr al-Mou’minîn

Ishâq se tourna ensuite vers Ahmad Ibn Hanbal et lui demanda, « Que dis-tu à propos du Qour’ân ?»

-« Il est la Parole d’Allâh !»

-« Est-il créé ?»

-« Il est la Parole d’Allâh. Je n’ajoute rien à cela.»

Il lui lut ce que contenait la lettre, et lorsqu’il arriva aux mots « Il ne ressemble en aucune manière à Sa création,»  Ahmad dit, « Je dis, Il n’y a rien qui Lui ressemble, et Il est l’Audient, le Voyant.’»

Ibn Al-Bakkâ’ se tourna vers lui et dit, « Qu’Allâh te ramène dans le droit chemin. Cela signifie entendre avec une oreille, voir avec un œi ?»

Alors Ishâq demamnda à Ahmad «Que signifient ‘Audient, Voyant’ ?»

-« Il est tel qu’Il se décrit Lui-même,»  répondit Ahmad.

-« Que signifient ces mots ?»  Répéta-t-il.

-« Je ne sais pas. Il est tel qu’Il se décrit Lui-même.»

Il les convoqua ensuite un par un pour noter leurs réponses qu’il envoya à Al-Ma’moûn. Cela a eu lieu neuf jours plus tard, après avoir reçu la réponse d’Al-Ma’moûn,

 

La troisième lettre

Amîr Al-Mou’minîn, dans sa réponse à la lettre d’Ishâq, dit qu’il avait réfléchi sur les réponses de ceux cités dans la lettre. Il déclara que Bichr Ibn Al-Walîd, qui avait réfuté la ressemblance de toute chose avec Allâh et prétendu que c’était un contrat passé avec lui, qui l’empêchait de dire que le Qour’ân était créé, était un menteur et un mécréant. Il n’avait eu aucune conversation avec lui sur le sujet, et aucun accord : Bichr devait affirmer que le Qour’ân était créé.

Quant à Ibn Hanbal, Al-Ma’moûn dit à son propos : « …informe-le qu’Amîr al-Mou’minîn connaît la portée de ces mots et sa méthode, et qu’ils sont une preuve de son ignorance.»

Voilà ce qu’il en est des lettres.

Avant de passer aux persécutions et aux humiliations subies à cause de cette Inquisition, et à l’avilissement des savants, enchaînés et entravés à tel point que l’un d’eux, très affaiblit, mourut en martyr sur la route, il convient peut-être de se pencher sur les raisons qui ont poussé al-Ma’moûn à entreprendre ces actions, et qui ont haussé Ahmad Ibn Hanbal au rang de héros, à tel point qu’on a dit de lui, « S’il avait été de l’une des tribus d’Israël, il aurait été un Prophète.»

La raison qui a déterminé l’action d’Al-Ma’moûn nous semble assez évidente ; l’histoire l’a consignée et le style même de ces lettres indique très clairement le caractère de leur auteur.

Al-Ma’moûn avait désigné Ahmad Ibn Abî Dou’âd Al-Mou‘tazilî comme ministre, et fait de lui son scribe et son assistant dans son gouvernement. Il avait une bonne opinion de lui et ordonna donc à son frère, qui devait lui succéder, de le maintenir dans ses fonctions. Les lettres écrites sont très clairement rédigées dans le style et la méthode d’Ibn Abî Dou’âd. Aucun calife n’aurait écrit une missive aussi longue et de manière aussi détaillée. De plus, le texte est presque toujours à la troisième personne, ne passant que de rares fois à la première personne. Il s’abaisse à attaquer les fatâwâs de quelqu’un et accuse un autre de permettre l’usure. Al-M’’moûn ne serait jamais tombé à ce niveau. Nous ne pouvons donc que supposer que ces lettres aient été écrites alors qu’Al-Ma‘moûn était alité et malade. S’il avait été fort et en bonne santé, il n’aurait pas permis qu’une lettre contenant des attaques contre des individus en particulier et s’abaissant à des futilités soit envoyée en son nom.

Nous savons qu’Al-Ma’moûn croyait à la création du Qour’ân à l’époque où il arriva au pouvoir, et même avant cela. Il discutait souvent à ce sujet et invitait les gens à en débattre avec lui sans jamais sonder leurs cœurs, examiner leurs intellects, ni imposer aucun châtiment. Pourquoi aurait-il subitement changé à la fin de sa vie ? Pourquoi faire subitement de ce sujet une cause de violentes persécutions ? Il ne fait aucun doute qu’Ahmad Ibn Abî Dou’âd a écrit ces lettres et a été l’instigateur  de cette inquisition, profitant de la faiblesse d’Al-Ma‘moûn.

Si tel n’est pas le cas, pourquoi Al-Ma’moûn n’a-t-il pas convoqué ces savants pour les tester quand il était encore à Baghdad, alors qu’ils étaient tous autour de lui ? Pourquoi attendre d’avoir quitté la ville pour envoyer ces lettres, alors qu’il était alité et sur le point de mourir ? Il ne fait aucun doute que c’est Ahmad Ibn Abî Dou’âd qui a utilisé l’autorité d’Al-Ma’moûn et en est le responsable.

Mais laissons de côté les tenants et les aboutissants d’une telle action ; Al-Ma’moûn mourut alors qu’on lui amenait Ahmad enchaîné, mais sa mort ne mit pas un terme à l’Inquisition. En effet, celle-ci entra à ce moment-là dans une phase plus dure et plus large, car on prétendait qu’Al-Ma’moûn avait laissé à ce sujet deux instructions à son frère Al-Mou‘tasim : l’une était de poursuivre les interrogatoires quant à la création du Qour’ân, et la seconde était de maintenir Ahmad Ibn Abî Dou’âd au pouvoir. Il semble, que la décision de contraindre les gens, en utilisant le pouvoir de l’Etat, à adopter la position des Mou‘tazilites et recourir pour cela au châtiment et à l’emprisonnement, Ahmad Ibn Abî Dou’âd en est le responsable !

Al-Mou‘tasim n’était pas un homme de savoir. C’était plutôt un guerrier, ce qu’il ne cessa jamais d’être. Il laissa le soin à Ibn Abî Dou’âd de poursuivre l’affaire de la création du Qour’ân. Ainsi, lorsqu’Al-Ma‘moûn mourut, Ibn Hanbal fut ramené en prison à Baghdad jusqu’à ce que son cas soit jugé. Il dut ensuite comparaître devant Al-Mou‘tasim qui lui fit tour à tour des menaces et des promesses. Voyant que ni la séduction ni les menaces ne marchaient, il mit ces dernières à exécution et ordonna qu’il soit fouétté de façon répétée.

L’imâm Ahmad a été flagellé à maintes reprises jusqu’à ce qu’il perde conscience et soit insensible à la piqûre de la pointe d’une épée. Cette torture fut répétée tout au long de son emprisonnement, pendant environ vingt-huit mois.

Ils finirent par désespérer et par montrer de la compassion à son égard ; ils le relâchèrent, le renvoyant chez lui épuisé par les blessures, les flagellations répétées, et l’enfermement dans de sombres cachots.

Après son retour, Ahmad resta à la maison, trop faible pour se déplacer. Soutenu par sa crainte d’Allâh, il avait eu le dessus sur les autres malgré leur force. Il fut tout d’abord incapable d’enseigner, peut-être en raison de la faiblesse que lui occasionnaient ses blessures, mais pouvait néanmoins aller à la mosquée. Une fois qu’Allâh ait rétabli sa santé, et que son corps ait récupéré, bien qu’il conserva des séquelles, il put continuer à rapporter des hadîths et à enseigner dans la mosquée, jusqu’à la mort d’Al-Mou‘tasim. Quand Al-Wâthiq arriva au pouvoir, il renouvela l’inquisition à l’égard d’Ahmad ; mais il ne le flagella pas comme Al-Mou‘tasim l’avait fait, pressentant que cela accroîtrait la renommée d’Ahmad auprès des gens et provoquerait la colère des foules. Il lui interdit donc de se mêler aux gens. Al-Wâthiq lui notifia l’injonction suivante : « Ne rencontre personne et ne vit pas dans une ville où je me trouve.»  L’imâm Ahmad demeura donc cloîtré chez lui, et ne se rendit plus à la prière, ni nulle part ailleurs jusqu’à la mort d’Al-Wâthiq. Ainsi, l’imâm Ahmad s’était interrompu durant cinq ans où il lui était interdit d’enseigner ou de transmettre des hadîths.

Ahmad n’était pas le seul touché par l’inquisition, même s’il était le plus connu pour sa ténacité face à elle. D’autres eurent aussi à la subir, puisque les fouqahâ’ étaient amenés de partout à Baghdad  pour que l’on y mette leur foi à l’épreuve ; parmi eux figurait Yoûsouf Al-Bouwaytî, l’élève d’Ach-Châfi‘î, qui est mort dans ses chaînes, et Nou‘aym Ibn Hammâd, mort en captivité aussi (Que Dieu leur accorde miséricorde).

‘Alî Ibn Ahmad a rapporté avoir entendu, à Mecca, Aboû Bakr Ibn As-Sahrawardî dire : «  J’ai vu Aboû Dharr à Sahraward en compagnie de son gouverneur, et il avait les membres rongés par la lèpre Il faisait partie de ceux qui ont fouetté Ahmad Ibn Hanbal devant Al Mou‘tasim. Il a dit : «   Nous avons été convoqué, cette nuit là, on était cent cinquante hommes. Nous passions à tour de rôle pour le frapper (Ahmad),  on se relayait et après chaque soixante hommes qui passaient, les autres revenaient à leur tour ! »

 

SA SPIRITUALITE, SA DEVOTION ET SON ASCETISME

SA CRAINTE DE DIEU (Exalté)

SON INIMITE AVEC DIEU (Exalté)

SA SINCERITE

Lorsqu’on évoquait la mort, Ahmad pleurait et il disait : « Le rappel de la mort m’empêche de manger et de boire. Lorsque j’évoque la mort, la vie toute entière n’a plus de valeur à mes yeux ! Ce n’est autre qu’une nourriture comparée à une autre, et des vêtements comparés à d’autres vêtements, et la vie n’est que des jours comptés. En vérité, je n’ai pas trouvé meilleur que la pauvreté ! Si je pouvais ressortir de cette vie sans que l’on se rappelle de moi, je l’aurais fait ! »

Fath Ibn Noûh a dit : « J’ai entendu Ahmad Ibn Hanbal dire : «  Je souhaite ce qui est impossible à réaliser ! J’aimerais être dans un endroit où il n’y aura aucun homme ! »

L’Imâm disait : « J’ai trouvé que la retraite est meilleure à mon cœur… »

An-Nasâ’î a dit : «  Ahmad a réuni la connaissance du Hadith (al hadîth) et du Fiqh avec  la chasteté (al wara‘), l’ascétisme (az-zouhd) et la patience (assabr) !

Aboû Dâwoûd a dit : « L’assemblée (majlis) d’Ahmad était une assemblée d’al Âkhira ! On n’y évoquait jamais la vie terrestre. Je ne l’ai jamais entendu, ne serait-ce qu’une fois parler de la vie d’ici-bas et de ses attraits ! »

Aboû ‘Oumayr An-Nahhâs a dit : « Qu’Allâh bénisse Ahmad ! Il était persévérant face à la vie d’ici-bas, il ressemblait aux Prédécesseurs et il a rejoint les vertueux. La vie lui a été offerte et il l’a refusé. Il a été confronté aux innovations et il s’y était fermement opposé ! »

L’imâm Ahmad aimait la retraite loin des gens. Il visitait les malades et n’aimait pas traîner dans les marchés et préférait la solitude. » 

 

SES PRIERES, SON JEÛNE,  SES PELERINAGES.  SA LECTURE DU NOBLE CORAN.

-Son cheykh ‘Abd Ar-Razzâq AsSan‘ânî disait de la prière de Ahmad : Lorsque je voyais Ahmad Ibn Hanbal priait, sa prière me rappelait les qualités de Prédécesseurs. »

L’Imâm suivait l’exemple du Prophète (Paix et Salut sur lui), il cherchait refuge dans la prière à tout moment et toute circonstance. Son fils ‘Abd Allâh a dit : «  Mon père avait l’habitude de prier trois cent rak’ates par jour, lorsqu’il tomba malade et affaibli après les persécutions,  il priait durant la nuit et le jour cent cinquante rak’ates, alors qu’il  avait presque quatre vingt ans. »

Ibrâhîm Ibn Chammâs, a dit : «  Je connaissais Ahmad depuis qu’il était jeune, et déjà à cet âge là, il avait coutume de veiller la nuit en prière.»

-‘Abd Allâh Ibn Ahmad Ibn Hanbal a dit : « Mon père avait l’habitude de jeûner durant des jours et des jours tant que Dieu le voudrait, puis il arrêtait de jeûne aussi longtemps ; mais il ne délaissait jamais le jeûne du lundi, du jeudi et des nuits blanches (al ayyâm al bîd) de chaque mois lunaire. Quant il revint du campement (où il a été emprisonné), il ne s’est plus arrêté de jeûner jusqu’à sa mort. »

La récitation du Coran était l’évocation la plus louable et la plus recherchée par nos Prédécesseurs. Ahmad (Paix à son âme) a suivi leur exemple. Ainsi, il terminait la lecture du saint Coran chaque semaine. , et ceci en dehors de ses lectures dans les prières journalières. Sa récitation était parfois à voix basse et en d’autres circonstances à voix haute.

Hilâl Ibn al ‘Alâ’ a dit : « J’ai entendu l’imâm Ahmad dire : « J’ai lu le Coran en entier en un jour et j’ai recensé le nombre de fois où est récité la patience, je l’ai dénombrée en quatre vingt et dix et quelques endroits.»

‘Abd Allâh, fils de l’Imâm a dit : «  Lorsqu’on mon père se retirait, la chose à laquelle, il s’adonnait le plus, c’était la lecture du Coran !»

-L’Imâm a accompli cinq fois le pèlerinage aux Lieux saints durant sa vie. Trois en marchant à pied et les deux autres sur le dos de montures

La première était en l’an 187 Hégire. Puis en l’an 191 Hégire, puis en l’an 196 Hégire où il resta  jusqu’à l’an 197 Hégire dans le Lieu saint ;  et a accompli le pèlerinage en l’an 198 Hégire et il y resté jusqu’à l’an 199 Hégire,  puis il est parti Yémen à la rencontre du fameux mouhaddith ‘Abd Ar-Razzaq, l’auteur du Mousannaf.

L’imâm Ahmad dit : « Lors de l’un de mes pèlerinages accompli à pied, je me suis perdu, alors j’ai fait appel à la directive du Prophète (Paix et Salut sur lui), et j’ai appelé : « Yâ ‘ibâda Allâhi aghîthoûnî ! Yâ ‘ibâda Allâhi aghîthoûnî : Ô serviteurs de Dieu ! Venez à mon aide … », je n’ai pas cessé de le répéter, jusqu’à ce que je me suis trouvé  de nouveau sur ma route…»

 

SON ASCETISME ET SA GENEROSITE

Ahmad était pauvre et ses moyens de subsistance étaient limités. Il préférait la pauvreté à l’aisance à moins d’être sûr que ce soit complètement licite et que cela ne lui cause pas d’obligation. Il était souvent contraint, lorsqu’il n’avait pas d’argent, de travailler de ses mains pour gagner sa vie ou de proposer ses services. En dépit des difficultés, il préférait cela plutôt que d’accepter les dons. Il vivait des revenus d’une propriété qu’il avait héritée de son père. D’après Ibn Al-Jawzî, « Ahmad avait hérité d’un atelier de tissage, et tirait ses revenus de ce local qu’il louait à des gens.»  Il apparaît également qu’il a possédé d’autres magasins dont il s’est défait par la suite.

Nous lisons dans Hilyat al-Awliyâ’ : « Ahmad Ibn Mouhammad Ibn Hanbal laissa tomber des ciseaux dans un puits ; l’habitant vint et les lui récupéra. Aboû ‘Abd Allâh lui donna alors un demi dirham. L’homme dit, « Les ciseaux valent un qîrât, je ne prendrai rien.»  Et il partit. Quelques jours plus tard, Ahmad lui demanda, « Combien dois-tu pour la location de ton magasin ?»  Il répondit, « L’équivalent de trois mois de loyer,»  et son loyer s’élevait à trois dirhams par mois. Il prit alors cela à son compte et lui dit, ‘Tu ne dois plus rien.’»

Cela montre qu’Ahmad n’était pas rancunier et qu’il rétribuait largement les actes de bonté. Il possédait des magasins et en tirait des revenus, mais ceux-ci n’étaient pas suffisants compte tenu de ses besoins. Les témoignages quant à leur montant sont contradictoires. Ibn Kathîr a dit, « Le revenu qu’il tirait de sa propriété était de dix-sept dirhams par mois, qu’il dépensait pour sa famille, restant ferme et patient.»  Il s’agissait en effet d’une petite propriété qui n’aurait pas pu suffire à subvenir à ses besoins. Si quelqu’un lui demandait quoi que ce soit, il le donnait. Ibn Al-Jawzî a dit, « Un homme vint interroger Ahmad Ibn Hanbal à propos de la propriété dont il tirait ses moyens de subsistance et de la maison dans laquelle il vivait. Il lui répondit, ‘C’est un héritage que j’ai reçu de mon père. Si quelqu’un venait me prouver qu’il était à lui, je le lui laisserais.»

Ahmad n’acceptait aucun don ni aucune aide de personne. Il se retrouvait parfois dans la gêne parce que ses revenus n’étaient pas suffisants pour répondre aux besoins de sa famille, et subissait de grandes difficultés. Mais il était patient et endurait cette situation comme il l’avait fait lors de ses voyages, quand ses provisions étaient épuisées. Il refusait les dons, estimant qu’être redevable envers quelqu’un était pire que la pauvreté. Il recourait à trois moyens pour compléter ses revenus et s’assurer que sa famille ne manque de rien.

Le premier de ces moyens était de ramasser les glanures dans les champs après la récolte, ce qui est permis. Ce grand savant portait ses outils sur son dos et allait ramasser les glanures laissées sur le sol. Il prenait grand soin de ne pas aller sur la propriété d’autrui sans lui en avoir demandé la permission au préalable, et de n’abîmer la récolte de personne. On rapporte qu’il a dit, « Je suis allé dans les champs éloignés pour y ramasser les glanures. J’ai vu des gens abîmer la récolte de quelqu’un. Personne ne devrait entrer dans le champ d’autrui sans sa permission.»  (Ibn Al-Jawzî, al-Manâqib, p. 224)

Le second moyen qu’il utilisait était de proposer ses services, par exemple comme porteur sur la route, quand il ne trouvait aucun autre moyen de subvenir à ses besoins que de se faire payer. Il proposait également ses services comme scribe quand il avait besoin d’argent. Adh-Dhahâbî dit dans son Histoire :  ‘Alî Ibn Al-Jahm a dit, « Nous avions un voisin qui nous a envoyé un livre. Il nous a demandé, ‘Reconnaissez-vous cette écriture ?’ Nous avons répondu, ‘C’est celle d’Ahmad Ibn Hanbal. Comment en est-il venu à écrire ceci pour vous ?’ Il répondit, ‘Nous étions à la Mecque avec Soufyân Ibn ‘Ouyayna et nous n’avions pas vu Ahmad depuis plusieurs jours. Nous allâmes donc nous enquérir à son sujet et nous trouvâmes sa porte close. « Que se passe-t-il ?»  Demandai-je. Il répondit, « On a volé mes vêtements.»  Je lui dis, « J’ai quelques dinars. Si tu le souhaites, ils sont un don. Si tu le souhaites, il sont un prêt.»  Il refusa d’accepter mon offre et je lui dis alors, « Dans ce cas, écris quelque chose pour moi en échange d’un salaire.»  Il accepta, et je lui payai alors un dinar. Il me dit, « Achète-moi du tissu et coupe-le en deux morceaux de façon à ce que je puisse m’entourer la taille avec l’un et porter l’autre comme un manteau, et apporte-moi du papier.»  Je fis ce qu’il m’avait demandé et lui apportai du papier, et il m’écrivit ceci.» ’»

Adh-Dhahabî a rapporté, qu’Ishâq Ibn Râhawayh a dit, « Ahmad et moi étions au Yémen avec ‘Abd Ar-Razzâq. J’occupais la pièce du haut et il était en bas. Un jour où je sortais pour faire un achat, je découvris que ses fonds étaient épuisés, et je lui offris de l’argent, qu’il refusa. Je lui dis, ‘Cela peut-être un prêt ou un don.’ Il refusa. Il se mit à tisser des ceintures pour les vendre.»

Le troisième moyen qu’il utilisait pour résoudre ce problème était de recourir à des prêts. Il est évident qu’il ne l’a pas fait de façon systématique. Il le faisait parfois, lorsque son propre revenu était dû et sur le point d’être payé, et qu’il était certain que le prêteur n’avait pas l’intention de faire de ce prêt un don. Il prenait parfois un prêt résolu à le rembourser même si le prêteur ne voulait pas qu’il le rembourse, car Ahmad insistait toujours pour rembourser l’argent qu’on lui avait prêté. Il emprunta un jour 200 ou 300 dirhams à un homme pieux, sachant que ses biens étaient purement licites. Lorsqu’il vint pour le rembourser, l’homme lui dit, « Aboû ‘Abd Allâh, je ne te l’ai pas donné dans l’intention de te le reprendre.»  Il lui répondit, « Mais moi, je l’ai pris dans la seule intention de te le rendre !»

On offrit un poste important à Ahmad, mais celui-ci refusa. L’offre lui fut répétée et Ahmad, alors son cheykh lui en a parlé, alors il dit, à Ach-Châfi‘î, son cheykh pour lequel il avait beaucoup d’estime : « Ô Aboû  ‘Abd Allâh, si j’entends encore cela de ta part, tu ne me verras plus à tes côtés.»

Il refusa cette offre généreuse parce qu’il voulait être indépendant et avoir de l’argent dépourvu du moindre doute. De plus, il pensait que les difficultés endurées pour la recherche de la science accroissaient la ténacité.

Ce qui apparaît très clairement, c’est que lorsqu’il n’avait plus d’argent, il refusait d’avoir le moindre recours à l’argent des califes. Les Imâms se répartissaient en trois catégories à ce sujet. Un groupe refusait catégoriquement l’argent des dirigeants. Comme Ahmad, Aboû Hanîfa et Ath-Thawrî. Aboû Hanîfa savait qu’il s’exposait à des châtiments par ce refus, car c’était une façon pour Al-Mansoûr de le tester, mais il continuait à refuser.

Ibn Al-Jawzî mentionne dans son al-Manâqib que l’un des ses contemporains a dit, « Je me suis rendu auprès d’Aboû ‘Abd Allâh Ahmâd Ibn Hanbal douze fois. Il lisait le Mousnad à ses fils. Je n’ai pas écrit un seul hadîth. J’étais juste intéressé par son caractère et son adab

Il apparaît que l’imâm Ahmad avait deux assemblées pour l’étude et les hadîths. L’une chez lui, où il enseignait à ses élèves et à ses enfants en privé ; l’autre dans la mosquée, à laquelle le public et un grand nombre d’étudiants pouvaient assister. Mais seules 500 personnes consignaient par écrit ce qu’il disait – soit environ un dixième des personnes présentes.

A la mosquée, il enseignait après la prière d’al-‘Asr, comme nous le précise Adh-Dhahabî.

 

SES INVOCATIONS

SES PAROLES ET SAGESSES

Parmi ses invocations : « Allahoumma innâ nas’alouka bil-qoudrati allatî qoulta lis-samâwâti wal ardi : « I’tiyâ tawa‘an aw karhan, qâlatâ ataynâ tâ’i‘în.» ; Allâhoumma waffiqnâ li-mardâtika, Allâhoumma innâ na‘oûdhou bika mina al faqri illâ ilayka, wa na‘oûdhou bika mina adh-dhoulli illâ laka, Allâhoumma lâ toukthir lanâ fa-natghâ, wa la touqilla ‘alaynâ fa-nansâ, wa hab lanâ min rahmatika wa sa‘ati rizqika mâ yakoûnou balâghan lanâ fî dounyânâ, wa ghinan min fadlika : Seigneur ! Nous Te demandons par Ta Volonté avec laquelle Tu as dit aux cieux et à la terre : « Venez de gré ou de force ! » ils répondirent : « Nous venons obéissants. »

 Ô Seigneur ! Dirige-nous vers Ta Satisfaction. Seigneur ! Nous cherchons protection auprès de Toi contre l’expression de notre pauvreté auprès d’autre que Toi. Nous cherchons protection auprès de Toi contre l’humilité à d’autre que Toi ! Seigneur ! Ne nous accorde pas trop de richesse, car on risque de devenir arrogant, ne nous laisse pas dans le besoin, car nous risquons de tomber dans l’oubli. Accorde-nous de Ta Miséricorde et des largesses de Ton Rizq ce qui nous permettra  d’avoir, de Ta part, suffisance et aisance dans cette vie d’ici-bas.»

‘Abd-Allâh Ibn Ahmad Ibn Hanbal a rapporté, qu’il entendait son père, après chaque prière, invoquer Allâh (Exalté) en ces termes : «  Allâhoumma kamâ sinta wajhî ‘ani as-soujoûdi li-ghayrika, fa-sin wajhî ‘ani al mas’alati li-ghayrika. : Seigneur comme tu as préservé mon visage de se prosterner à d’autres que Toi, préserve mon visage de demander de l’aide à d’autres que Toi !» ; alors je lui demandais :»  Je t’entends invoquer fréquemment Allâh par cette invocation, est-ce qu’il t’a été transmise d’après nos Prédécesseurs ?»

Il me répondit : «  Oui ! J’entendais Wakî‘ invoquer Dieu en ces termes dans ses prosternations, alors je lui ai posé la question à son sujet et il me dit : «  J’ai entendu Soufyân Ath-Thawrî le dire dans ses invocations, et quand je l’ai interrogé à son sujet, il me répondit : « Qu’il avait l’habitude d’entendre Mansoûr Ibn al Mou‘tamir l’utiliser dans ses invocations.»

-On demanda à l’imâm Ahmad : « Quelles sont les séquelles de la maladie du cœur due à l’amour de la vie d’ici-bas ? »

-Il répondit : « Ceux qui sont atteints, ne seront jamais à l’abri de l’orgueil et de la désillusion !»

-Ils demandèrent donc : « Que se passe-t-il quand quelqu’un est à l’abri de ces défauts ? »

-A cela, l’Imâm répondit : « Son souci permanent d’accomplir de bonnes actions le détourne du Rappel d’Allâh (Le Très Haut) ! »

Un homme se présenta devant l’imâm Ahmad et lui demanda de lui apprendre une invocation, avant de partir en voyage à Tartoûs, l’Imâm lui apprit à dire : « Yâ Dalîla al hayârâ doullan ‘alâ tarîqi as-sâdiqîna, waj‘alnî min ‘ibâdika as-sâlihîna.»

L’homme a rapporté, qu’il s’était perdu durant son voyage et a vécu des moments pénibles, alors il invoqua Allâh (Exalté) par l’invocation que l’imâm Ahmad lui apprit, et il a été secouru et a pu rejoindre ses compagnons. Quand il s’en retourna à Baghdad, il en informa l’Imâm, qui lui demanda de ne pas divulguer cela !

Al Marwadhî a raconté, que lors d’une réunion, on demanda à Ahmad d’invoquer Allâh (Exalté) ; alors il dit : «  Allâhoumma lâ toutâlibnâ bi-wafâ’i ach-choukri fîmâ an‘amta ‘alaynâ ! »

C’est comme s’il disait : «  Seigneur ! Si Tu exigeais de nous de Te remercier comme il se doit pour tous Tes Bienfaits, notre reconnaissance serait incapable de Te rendre grâce et nous risquons de tomber  dans  la gêne et le péché

Parmi ses invocations (Qu’Allâh lui accorde miséricorde) : « Allâhoumma lâ tachghil qouloûbanâ bimâ takaffalta lanâ bihi, wa lâ taj‘alnâ fî rizqika khawalan li-ghayrika, wa lâ tamna‘nâ khayra mâ ‘indika bi-charri mâ ‘indanâ, wa lâ taranâ haythou nahaytanâ, wa lâ tafqidnâ min haythou amartanâ; a‘izzanâ wa lâ toudhillanâ. A‘izzanâ bi- attâ‘ati wa lâ toudhillanâ bil-ma‘âsî.»  

Lors de sa visite à son étudiant Makhlad Al Andalousî (Aboû ‘Abd Ar-Rahmân le hâfiz mort 201H), qui était malade, l’imâm lui dit : « Abchir bi-thawâbi Allâhi. Ayyâmou assihhati lâ saqama fîhâ wa ayyâmou as-souqmi la sihhata fîhâ. A‘lâka Allâhou ilâ al ‘âfiyati wa masaha ‘anka bi-yamînihi ach-châfiyati. : Reçois la bonne nouvelle de la récompense de la part de Dieu. Les jours de la bonne santé sans maladie et les jours de la maladie sans bonne santé. Qu’Allah t’élève vers la guérison et de par Sa Main droite guérissante fasse disparaitre toute maladie ! »

 

Parmi ses paroles de sagesse :

« Si tu aimes que Dieu soit à tes côtés comme tu le désires, alors sois comme Il (Dieu) le désire ! »

« Le gagnant est celui qui sera gagnant demain (le Jour Dernier), et n’a pas de charge auprès de  quiconque. »

« L’ascétisme c’est de ne plus accorder de l’importance à l’éloge (des gens) ! »

« Pense au bien ! Car tu seras sans cesse dans le bien tant que tu ne penses qu’au bien ! »

L’Imâm a dit : « Soubhânaka ! Mâ aghfala al khalqa ‘ammâ amâmahoum ! Al khâ’ifou minhoum mouqassiroun, wa ar-râjî moutawânin : Pureté à Toi, Seigneur ! Les gens sont distraits de ce qui les attend ! Ceux d’entre eux qui ont peur sont négligents, et ceux qui espèrent sont paresseux ! »

« Je cherche le savoir jusqu’à ce que l’on me fasse entrer dans la tombe ! »

« La meilleure des choses, pour celui dont l’intention est sincère, est l’acquisition du savoir. Il le recherche avec modestie et le préserve de l’ignorance ! »

 

ELOGES DES SAVANTS A SON EGARD

Aboû Thawr a dit, d’Ahmad Ibn Hanbal : « Si quelqu’un disait d’Ahmad Ibn Hanbal, qu’il était l’un des habitants du Paradis, personne ne le lui reprocherait. Car si vous vous rendez au Khourâsân, vous entendrez les gens dire, Ahmad Ibn Hanbal est un homme pieux. De même si vous allez en Syrie : eux aussi vous diront de lui, Ahmad Ibn Hanbal est un homme pieux. Et c’est tout aussi vrai en Iraq : ils vous diront, Ahmad Ibn Hanbal est un homme pieux. C’est là le consensus en vigueur, alors s’il fallait lui reprocher son opinion, cela reviendrait à dire que le consensus n’est pas valable.»

Yahyâ Ibn Ma‘în a dit : « Je n’ai jamais vu quelqu’un meilleur qu’Ahmad Ibn Hanbal, il ne s’est jamais vanté devant nous de ses origines arabes, et il n’a jamais évoqué ce sujet. »

Il a dit aussi : «  Je n’ai jamais entendu Ahmad Ibn Hanbal, dire (se vanter) : « Je suis d’origine arabe ! »

Al Housayn al Karâbîsî a dit : «  L’exemple de ceux qui dénigrent Ahmad Ibn Hanbal est comme celui d’un groupe d’individu qui tente de détruire le mont d’Aboû Qoubays avec leurs pantoufles ! »

Soufyân Ibn Wakî‘ a dit : « Nous considérions perverse la personne qui dit du mal de Ahmad. »

Ahmad Ibn Ibrâhîm Ad-Dawraqî a dit : «  Mettez en cause l’Islam de celui qui dit du mal de Ahmad Ibn Hanbal. »

Hawthara Ibn Mouhammad a dit : «  On reconnaît l’attachement de la personne à la Sounna par son amour envers Ahmad et Ibn Hanbal et par son assemblage des livres de Ach-Châfi‘î. »

Aboû al Hassan At-Tarkhânâbâdî a dit : «  Ahmad Ibn Hanbal est l’épreuve par laquelle on distingue le musulman du zindîq. »

Mouhammad Ibn Al Houssayn al Anmâtî a raconté : « Nous étions réunis en compagnie de Yahyâ Ibn Ma‘în, Aboû Khaythama, Zouhayr Ibn Harb, en compagnie  et un groupe d’éminents savants. Ils ont cité Ahmad et commencèrent à faire des éloges et à citer ses vertus. Un homme présent dans l’assemblée s’exclama : « Vous en faites trop !»  Alors Yahyâ Ibn Ma‘în rétorqua : « Est ce que tu trouves que nous exagérons dans nos éloges ? Si l’on réserve cette assemblée pour ne parler que de ses mérites  et à le louer, nous ne pourrions uniquement les dénombrer tellement, elles sont parfaites.»

Al Marwadhî  a dit : « J’ai assisté au cours d’Aboû Thawr, une personne l’interrogea au sujet d’une mas’ala, alors il répondit : « Aboû ‘Abd-Allâh Ahmad Ibn Hanbal, notre cheykh et maître, a répondu sur cette question comme suit : …»

‘Abd Ar-Razzâq (l’auteur du Mousannaf) a dit : «  Je n’ai pas vu plus érudit, ni plus chaste que Ahmad Ibn Hanbal. Aucun d’entre ceux qui sont venus à notre rencontre ne lui était égal !»

Choujâ‘ Ibn Moukhallad a raconté : « J’étais chez Aboû Al Walîd AtTayâlousî, on lui apporta un message de la part de Ahmad Ibn Hanabl, je l’entendis dire : «  Il n’y a personne plus aimé à mon cœur et plus méritant auprès de moi, à Bassora et à Koufa, plus que Ahmad Ibn Hanbal.»

Nasr Ibn ‘Alî a dit : « Ahmad Ibn Hanbal était le meilleur de toute sa génération.»

Aboû Zar‘a Ar-Râzî a dit : «  Ahmad mémorisait  un million de hadîth !»  On lui dit : «  Comment en es-tu sûr ?»  Il dit : « J’ai étudié auprès de lui, et j’ai pris tous les chapitres.»

Al Marroûdhî a dit : « Aboû ‘Abd Allâh était patient et ne se mettait pas en colère quant on l’agressait. Il était très indulgent. Il disait : «  Allâh me suffit !»

Il n’était pas un envieux et ni un rancunier. »

 

SON DECES (Qu’Allâh lui accorde miséricorde)

Les sources s’accordent sur le fait qu’il soit mort le 12ème jour de Rabî‘ al-awwal, 241 AH. Ses funérailles eurent lieu un vendredi et son corps fut transporté après le départ des gens qui avaient assisté à la prière de Joumou‘a. Il n’y avait pas moins de 300.000 personnes présentes à ses funérailles à Baghdad. Il était très célèbre au moment de sa mort.

Dans une autre version : on a décompté le nombre de personnes qui ont prié sur l’Imâm, ils étaient un million d’individus, en plus de soixante milles femmes, sans compter ceux qui ont prié sur lui dans les embarcations.

Lorsque l’on annoncé la mort de l’imâm Ahmad à Al Houdhali, il dit : « Toute maison à Baghdad devrait endeuillée pour la mort de Ahmad ! »

Aboû Bakr Mouhammad Ibn ‘Abbâs Al Makkî a rapporté avoir entendu Al Warkânî, le voisin, de l’imâm Ahmad, dire : «   Le jour du décès de Ahmad Ibn Hanbal, quatre  groupes étaient en deuil : les Musulmans, les Chrétiens, les Juifs et les Mazdéens (al majoûs). »

 

BIBLIOGRAPHIE

-Ahmad Ibn Al Jawzî : Manâqib al imâm Ahmad.

-‘Abd Allâh Ibn Mouflih Al Maqdisî : Al âdâb Ach-Char‘iyya. 2 volumes

-Ibn Khallikân : Wafayât al a‘yân.

-Aboû ‘Abd-Allâh Mouhammad Ibn Ahmad Ibn

‘Abd al Hâdî Al Maqdisî al Hanbalî : Manâqib al A’imma al arba‘a.

-Al Hâfiz Adh-Dhahabî : Al I‘lâm bi-wafayât al a‘yân.

-Aboû Zahra : L’imâm Ahmad.

 

 

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Author: admin-amdouni