ABOÛ HÂMID AL GHAZÂLÎ   

DR HASSAN AMDOUNI

 

 

 

 

 

 

ABOÛ HÂMID AL GHAZÂLÎ   

HOUJJAT AL ISLÂM  (450 – 505H / 1058 -1111JC)

 

 

SAVIE- SA PENSEE

 

Au Nom d’Allâh, Le Très Clément par essence, Le Très Miséricordieux par excellence

Louanges à Dieu, Seigneur des mondes. Bienheureux seront les pieux. Que la paix et la bénédiction soient sur Son prophète Mouhammad ainsi que sur toute sa Famille purifiée.

“L’Homme est créé d’une façon telle qu’il ne saurait vivre seul comme la bête sauvage ; il a besoin, au contraire, de se trouver dans un groupe d’êtres humains qui collaborent pour effectuer maintes besognes…  Aussi est-il indispensable, étant donné leur association, qu’il y ait entre eux une justice, un code qui régisse leurs rapports et auquel il se réfère…”

Aboû Hâmid Al Ghazâlî : “Mîzân al ‘amal”.

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SA BIOGRAPHIE

NAISSANCE ET VIE

D’emblée, nous nous heurtons au problème commun à tous les biographes d’Al Ghazâlî, à savoir la rareté des sources qui puissent donner des détails sur la vie de l’imâm, depuis sa naissance jusqu’à sa venue à Baghdâd.  C’est pourquoi la première partie de sa vie ne peut faire l’objet que d’un exposé succinct.

 

LE DEBUT DE SA VIE

(450-484 AH /1058-1091 AJ)

Al Ghazâlî ou Algazel, Aboû Hâmid Mouhammad Ibn Mouhammad a été surnommé par les Musulmans “Houjjatou al Islâm” (“la preuve de l’Islam”), “Zaynou ad-Dîn” (“l’ornement de la religion”) ou encore “Charafou al a’imma” (“l’honneur des Erudits”). En Occident, les premiers orientalistes qui étudièrent ses œuvres, dès le début du dix-huitième siècle, l’appelaient Algazel Abou Hamet ; aujourd’hui mieux connu, on l’appelle couramment Al Ghazâlî Aboû Hâmid.

Il naquit en (450AH1058AJ) à Toûs, dans la province du Khourâsân (Nord-Est de l’Iran actuel).  Bien qu’il n’y ait pas de grandes divergences sur sa date de naissance, signalons tout de même que certains situent sa naissance un an plus tard, en (451AH/1059AJ).  AsSalâh a émis par ailleurs l’idée que son nom était AL GHAZÂLÎ, sans redoublement de la lettre “Z”, cette nisba (pseudonyme) étant tirée du nom du village où il serait né, Ghazâla, ce qu’Ibn Khallikân a réfuté, disant qu’il n’a jamais entendu parler d’un village de ce nom lorsqu’il visita cette contrée. Selon lui, cette nisba est tirée du fait que le père d’Al Ghazâlî était un ghazzâl : un fileur de laine.

Sa famille était de condition modeste. Mais si pauvre fût-il, le père d’Al Ghazâlî était passionné de sciences : il aimait al ‘oulamâ’ (savants) et avait toujours hâte de se présenter à leurs cours ; de plus, il ne dédaignait pas leur rendre service, en hommage à leurs connaissances.

 

SA QUÊTE DU SAVOIR ET SON APPRENTISSAGE

Avant sa mort, le père confia, à un ami soufi, ses deux fils et le peu d’argent qu’il avait pu épargner, pour qu’il les nourrisse et les éduque. La provision d’argent épuisée, le soufi conseilla aux deux jeunes gens de rejoindre une madrasa, (école) bénévole où ils seraient logés, nourris et éduqués, ce qu’ils firent.

Dans sa ville natale de Toûs, Al Ghazâlî aurait reçu, vers l’âge de sept ans, par étudier l’arabe, le Coran et les notions préliminaires de la religion. Après avoir suivi un premier cycle, appelons-le primaire, puis un deuxième cycle dans  la medersa de Toûs. Il reçut les notions de base du Droit chafi‘ite, selon l’enseignement en honneur à l’époque, chez son premier maître, Ahmad Ibn Mouhammad Ar-Radhakânî, personnage peu connu par ailleurs.  Il est vrai que certains ouvrages lui attribuent pour premier maître An-Nassâj, mais nous pensons que ce dernier nom était celui de l’ami de son père, auquel il avait été confié.

Vers l’âge de quinze ans, il s’installa à Jourjân, ville située à cent soixante kilomètres, environ de Toûs, pour se consacrer à l’étude du Droit (al fiqh) auprès de son maître Al Ismâ‘îlî (m. 477AH/1084AJ). Avec l’imâm Aboû Al-Qâsim Al Ismâ‘îlî, il approfondit ses connaissances en ce qui concerne le Chafi‘isme et les autres écoles de fiqh (jurisprudence) de l’époque.  Il acheva là sa ta‘lîqa, ensemble de notes qu’un étudiant prend lorsqu’il suit l’enseignement de son maître, et qui lui permet de se voir octroyer un brevet.

Sur le chemin du retour, des brigands lui volèrent ses affaires, ainsi que sa ta‘lîqa.  Il dut insister pour la récupérer, auprès des brigands qui se moquaient de lui pour ne connaître la science qu’à travers des notes !  Il recouvra sa ta‘lîqa mais, édifié par l’incident et de retour à Tous, il s’empressa de l’apprendre par cœur, règle de conduite qu’il se fixa pour le reste de sa vie, au point que sa mémoire y gagna une réputation d’infaillibilité.  Cet incident met en évidence une caractéristique d’Al Ghazâlî : c’était un homme qui savait tirer les leçons des expériences de la vie, ce qui rend sa biographie d’autant plus importante à étudier pour comprendre son œuvre.

De retour à Toûs, où il demeurera trois années, pendant lesquelles il s’était consacré à réétudier et à digérer l’acquis  qu’il reçut auprès de ses maîtres.

Maintenant, il lui fallait approfondir cette formation et la diversifier…  C’est ce qu’il fit en rejoignant à Nîsâboûr l’imâm Aboû Al Ma‘âlî Al Jouwaynî, qu’il accompagna jusqu’à sa mort, en 478/1085.  Théologien dogmatique et théoricien de la religion musulmane, de doctrine à la fois chafi‘ite et ach‘arite, l’imâm Al Jouwaynî lui enseigna ces sciences : le fiqh, la théologie dogmatique, al ousoûl et Al mantiq (la logique). L’imâm Al Jouwaynî aimait bien Al Ghazâlî, et évoqua à plusieurs reprises son intelligence et sa rapidité de compréhension vis-à-vis même des théories les plus compliquées.  N’a-t-il pas dit : “AL GHAZÂLÎ est comme une mer abondante…”

Al Ghazâlî avait alors vingt trois ans. Durant cinq années, il fut l’élève  d’Al Jouwaynî, mais durant son séjour à Nîsâboûr, Al Ghazâlî s’initia en même temps à la connaissance du soufisme sous la direction d’un docteur chafi‘ite peu connu, Al Farmadî (m. 477/1084).  Remarquons au passage que les trois premiers maîtres d’Al Ghazâlî sont morts en l’espace d’un an : Al Ismâ‘îlî, Al Farmadî et Al Jouwaynî.

A la mort de l’imâm Al Jouwaynî, en (478AH/1085AJ), Al Ghazâlî qui a vint huit ans, va commencer son ascension scientifique et l’immersion politique. Il rejoignit le vizir Nizâm Al Moulk (m. 485/1092) à son camp.

De doctrine chafi‘ite lui aussi, et originaire du même village qu’Al Ghazâlî, il lui fit bon accueil, le recevant avec le respect et les honneurs dignes de ses connaissances acquises.  Al Ghazâlî demeura quelque temps chez Nizâm Al Moulk où il engagea des mounâzarât (controverses) avec des docteurs de doctrines opposées à la sienne.  Il atteignit la gloire en peu de temps, fit partie de l’élite proche du pouvoir, et se vit accorder par Nizâm Al Moulk la chaire d’enseignement à la Nizâmiyya de Baghdâd.

Ainsi, d’après Youhannâ Qoumayyar, Al Ghazâlî avait été l’hôte de Nizâm Al Moulk durant six ans !

 

AL GHAZÂLÎ A BAGHDÂD

(484-488AH/1095-1091AJ)

Fondée à Baghdâd pour l’enseignement du Droit chafi‘ite par le vizir Nizâm Al Moulk, la Nizâmiyya était le rêve de tout homme de sciences de l’époque.  Al Ghazâlî y arriva en (484AH/1091AJ) ; on nous rapporte que dès les premières séances d’enseignement, il eut beaucoup de succès, ses étudiants se comptant au nombre de trois cents…

« Et moi, dit-il, j’étais heureux de me rendre utile en enseignant et en instruisant trois cents âmes d’étudiants à Baghdâd… »

Même Al fouqahâ’ (Docteurs de la Loi), illustres assistaient à ses conférences.  Parmi eux, on comptait les hanbalistes Aboû Al Hattâb Al Kalwadânî (m. 510AH/1116AJ) et Ibn ‘Aqîl (m. 513AH/1119AJ).

On aurait pu croire qu’Al Ghazâlî allait ainsi s’installer à Baghdâd pour de nombreuses années, mais voilà que, subitement, il repartait en (488AH/1095AJ), pour se retirer du monde sans esprit de retour, quatre ans seulement après son arrivée.  Al Ghazâlî s’en allait pour une retraite qui devait durer une dizaine d’années…

Pendant son séjour à Al Nizâmiyya, Al Ghazâlî va rédiger quelques ouvrages de fiqh, de théologie Scholastique : Al Moustazhirî et Al Iqtisâd fî al i‘tiqâd (le juste mesure dans la croyance).

 

LE DOUTE OU LA CRISE SPIRITUELLE D’AL GHAZÂLÎ

Vers 488AH/1095AJ,  à l’âge de trente huit ans, Al Ghazâlî va se trouver dans une tourmente spirituelle, caractérisée par l’affrontement de sa raison et de son âme, entre le Monde d’ici-bas et le Devenir dans l’Au-delà.

Cette crise, qui va se transformer en un doute, va l’affecter physiquement au point qu’il perd l’usage de la parole et se trouve incapable d’assumer ses cours à la Nizâmiyya.

Bien que l’imâm n’ait pas donné, à ce départ soudain, d’autre explication que le doute qui l’avait assailli, nous pensons qu’à cette raison majeure se sont ajoutées d’autres raisons qui n’ont pas moins de valeur.  Pendant son séjour à Baghdâd, Al Ghazâlî avait réussi à acquérir une certaine aisance et s’était rallié au Califat (il avait d’ailleurs composé son ouvrage intitulé Al Moustazhirî pour l’appuyer) ; mais le voilà qui quitte sa chaire, délaisse sa famille et les honneurs dont il jouissait…

L’imâm en a dit : « Chaque doctrine se dit détentrice de la vérité et du salut !  J’ai interrogé les croyances de chaque secte, scruté les mystères de chaque doctrine, afin de démêler la vérité de l’erreur, de séparer le dogme de l’hérésie…»

Mais plus il s’appliquait dans cet examen, plus il perdait confiance dans ces notions cognitives et se trouvait plongé dans l’incertitude.  Même ses connaissances certifiées, il les réfutait parce qu’elles lui étaient parvenues par at-taqlîd (le conformisme).

Il s’engagea dans l’étude des notions issues du témoignage des sens et de la spéculation, comme il le raconta dans Al Mounqidh  : «… afin de savoir si elles pouvaient être révoquées en cas de doute.  Le résultat de ce long examen fut que je ne devais pas leur accorder ma confiance.  Dans mon incertitude incessante et croissante, je me disais :

Comment se fier aux choses sensibles ?  La vue qui, de tous nos sens, est le plus exercé, observe l’ombre et la juge stable, immobile, et la déclare dès lors dénuée de mouvement, alors que l’expérimentation démontre ensuite que l’ombre se meut, non pas, il est vrai, d’un mouvement subit, mais graduellement et par petites portions, de sorte qu’elle ne reste jamais immobile ! »

Après cet examen, l’imâm déclare la fausseté irréfragable des jugements des sens, qui sont démentis par l’analyse de la raison ; c’est ainsi qu’il se trouve engagé à discuter de la nature même de  al ma‘rifat acquise par la raison.

Il rapporte dans Al Mounqidh : «  Puisque je ne puis me fier aux témoignages des sens, me disais-je, il se peut que les notions intellectuelles dérivées des principes premiers méritent seules ma confiance, par exemple les axiomes suivants : « dix est plus grand que trois » ou “l’affirmation et la négation ne peuvent coexister dans le même sujet nécessaire et imposable », et ainsi de suite.  A cela, les notions perçues par les sens me firent l’objection suivante:

Qui t’assure que tu peux te fier au témoignage de la raison plus qu’à celui des sens?  Ne vois-tu pas, me disais-je, que tu prends tes rêves pour une réalité qui te paraît incontestable aussi longtemps que tu es endormi ? Une fois réveillé, tu sais que ce ne sont que des chimères sans fondement ni valeur.  Qui t’assure donc de la réalité de notions que, en état de veille, tu dois aux sens et à la raison? »

Aussi Al Ghazâlî conclut-il :

« Lorsque ces pensées eurent envahi mon esprit, j’en cherchai le remède ; mais comment le trouver ?”  Cette crise douloureuse dura environ six mois, durant lesquels j’étais, non pas par mes paroles ou mes discours, mais moralement, en conformité de vue avec les sophistes.  Dieu (Exalté) daigna enfin me guérir de cette maladie : mon âme retrouva la santé et l’équilibre, à la lumière que Dieu (Exalté) fit pénétrer dans mon cœur, lumière qui éclaire le seuil de toute science.  Lorsque Dieu (Exalté), dans Sa bonté et Sa miséricorde sans bornes, m’eut guéri de cette maladie, j’en arrivai à la conclusion que tous ceux qui se livrent à la recherche de la vérité se divisent en quatre groupes.»

Dans son doute, Al Ghazâlî s’est essentiellement posé le problème de la certitude, celui de la limite de la connaissance humaine et celui des moyens à utiliser pour justifier la vérité : est-il possible d’atteindre la vérité par un raisonnement rationnel ?

Al Ghazâlî s’est d’abord vu incapable de trouver la solution à ce malaise intellectuel qui ne cessait de le perturber ; lorsqu’il eut acquis la certitude en la Vérité divine, qu’il décrivit comme une lumière injectée dans son cœur, il lui resta à démontrer que ce qu’il savait était conforme à la vérité.

Al Ghazâlî avait eu la conviction qu’il se trouvait loin de Dieu (Exalté) : il s’était senti égaré…  Il avait l’intuition que s’il atteignait cette certitude qu’il cherchait, il serait dirigé sur le chemin de la félicité, au milieu d’une société qui grouillait alors de doctrines et de tendances diverses, qui ne faisaient chacune qu’approfondir les divergences et agrandir la distance qui séparait l’Homme de son Seigneur.

Les conditions de l’agir et du connaître sont les deux moyens menant à la félicité, que tout le monde recherche et à laquelle Anciens et Modernes ont aspiré.

Quatre doctrines, selon Al Ghazâlî, se disaient à son époque, capables d’offrir cette félicité, cette certitude.

Al Ghazâlî s’adonna à fond à l’étude de ces quatre différents courants de pensée, représentés par les Théologiens scolastiques (qui se disaient disciples du raisonnement et de la spéculation), les Philosophes nihilistes, les mystiques d’Al Bâtiniyya ou At-Ta‘limiyya (Les ésotérismes, Adeptes des sciences occultes), et enfin les soufis, qui se disaient élus de Dieu (Exalté) et détenteurs de l’intuition et de la connaissance du vrai, par l’extase et le dévoilement.

Concernant la doctrine scolastique, Al Ghazâlî dit :

« Je l’ai étudiée et recueillie avec soin ; j’ai lu les écrits de ceux qui font autorité en la matière et ai composé moi-même différents traités.  Je me suis aperçu de ce que cette science, tout en répondant à ses propres exigences, ne pouvait cependant mener au but que je m’étais fixé.  Son objectif est en effet de conserver la pureté des croyances orthodoxes et de les préserver de toute altération hérétique.  (…)  Une fois établie et bien développée, cette science a voulu aller au-delà de la défense du dogme et s’est appliquée à l’étude des principes premiers, à l’étude des substances et des accidents, ainsi qu’à celle des lois qui les régissent.  Mais faute d’une base scientifique suffisante, elle n’a pas pu pénétrer fort avant dans ses recherches, et n’a pas réussi à dissiper complètement les ténèbres que la diversité des opinions fait planer au-dessus des êtres humains.»  « Je ne nie pas, continue l’imam, qu’elle ait eu un résultat plus satisfaisant pour d’autres qui, eux aussi, cherchaient la guérison mais moi, je restais assoiffé de savoir, troublé dans mon malaise…»

Au sujet des philosophes, il écrivit :

« Je suis passé de l’étude de la théologie scolastique (‘ilm al kalâm) à l’apprentissage de la philosophie.  On m’avait effectivement expliqué que, pour déceler le caractère erroné d’une science, il faut égaler et même surpasser ceux qui la maîtrisent.  Je consacrai à cette tâche tous les loisirs que me laissaient l’enseignement et la rédaction de mes livres de Droit…  Avec l’aide de Dieu (Exalté), ces lectures faites à la dérobée m’ont permis d’approfondir les systèmes philosophiques en moins de deux années.  J’ai consacré encore une année environ à méditer sur ces doctrines que j’avais déjà bien comprises ; je les tournais et retournais dans tous les sens pour en pénétrer les obscurités et les profondeurs.  J’acquis de la sorte une connaissance certaine et complète de tout ce qu’elles renfermaient de mensonges et de falsifications, de réalités et de chimères.  Après cet examen poussé aussi loin que possible, je démontrai avec rigueur la vanité de la doctrine en question.  En définitive, elle est sans fondement et sans valeur, n’eût été le secours inconsidéré que lui ont prêté quelques musulmans… »  « Avec l’aide d’un “docteur”, elle se borne à séduire les esprits faibles et à les convaincre graduellement de la nécessité d’un maître de pensée à suivre…  Quelques mots sensés suffisent pour renverser leurs systèmes et les confondre.  J’ai constaté que la philosophie était partagée en différentes catégories et que ses adhérents étaient eux-mêmes répartis en plusieurs classes.  Tous, malgré la diversité des écoles, sont marqués du sceau de l’infidélité et de l’irreligion ! »

Selon l’imâm Al Ghazâlî, les doctrines philosophiques de son époque se réduisent à trois écoles principales : les matérialistes, les naturalistes et les théistes.

Après avoir réfuté les erreurs de la philosophie dans ses divergences, il dit :

«  J’ai compris qu’elle ne répondait pas entièrement aux exigences de ma tâche parce que la raison ne peut ni embrasser toutes les questions, ni soulever le voile qui couvre tant d’énigmes… »

Concernant Al Bâtiniyya ou At-Ta‘lîmiyya, « qui doivent, disent-ils, toutes leurs connaissances à l’enseignement de l’imâm al ma‘soûm (infaillible) »,

Al Ghazâlî a dit :

« Après l’étude des rationalistes, je me suis consacré à l’étude d’une secte de novateurs, celle des ta’limites, dont on racontait partout qu’ils se disaient en possession de la vérité, grâce à un imam parfait qui la proclamait et la défendait.  Je résolus alors de prendre connaissance de cette doctrine, mais après une étude approfondie de leurs affirmations et après maintes discussions avec leurs “savants”, je n’ai rien trouvé d’autre que des mensonges et j’ai été convaincu de la corruption de leurs idées ! »

« L’examen des doctrines terminé, je me suis appliqué, rapporte-t-il, à l’étude du soufisme.  L’examen de ces doctrines m’avait amené à l’étude du soufisme, animé de l’espoir de trouver la vérité chez ceux qui la mettent en pratique… »

Il commença par l’étude des principaux ouvrages soufis, tels  que « qoût al qouloûb » (Nourriture des cœurs) d’Aboû Tâlib Al Makkî (m : 38AH/968AJ), l’œuvre d’Al Mouhâsibî (m : 296AH/877AJ) et d’autres parmi les adeptes de l’extase.  Il remarqua que l’une des caractéristiques la plus originale des soufis était qu’ils soutenaient qu’on ne pouvait atteindre le stade ultime de toute chose par la simple étude, mais plutôt, et surtout, par la transformation de soi : il fut attiré par cette notion qui permettait de pénétrer dans les conditions mêmes des choses.  Il écrivit :

« J’ai constaté que le soufisme consiste en un sentiment plutôt qu’en une définition.  J’en savais alors tout ce que l’étude pouvait m’apprendre ; ce qui me manquait relevait, non plus de l’enseignement, mais bien de l’extase et de l’initiation.  J’appris enfin qu’on ne pouvait y réussir qu’en sacrifiant les honneurs et les richesses, et en rompant avec les attaches et les liens de la vie dans le monde…  Faisant un sérieux retour sur moi-même, je me suis vu entouré et enferré de toutes parts par ces attaches.  Examinant mes actes, dont les plus honorables étaient les études et le professorat, j’ai réalisé que j’avais mené loin plusieurs types d’études de peu de valeur, et sans profit pour le salut de mon âme.  J’ai sondé le fond de mon enseignement, et j’ai vu qu’au lieu d’être sincèrement consacré à Dieu (Exalté), il n’était mû que par le vain désir des honneurs et de la renommée.  Je me suis aperçu que j’étais au bord de l’abîme et que, sans une conversion immédiate, j’étais condamné au feu éternel ! »

 

LE SALUT

Al Ghazâlî dit :

« Percevant ma faiblesse et l’accablement de mon âme, je me réfugiai en Dieu (Exalté) comme un homme au bout de son courage et sans ressources.  Lui Qui exauce le malheureux qui L’invoque, daigna m’exaucer, et rendit facile à mon cœur le sacrifice des honneurs, des richesses, de la famille…  Enfin, je quittai Baghdad avec la ferme intention de ne plus y revenir ! »

« Chez les soufis, les recherches auxquelles je m’étais livré, le chemin que j’avais parcouru en étudiant les sciences religieuses et spéculatives, m’avaient donné une foi solide en ces trois points : Dieu (Exalté), la prophétie et le jugement dernier.  Ces trois piliers fondamentaux de la croyance s’étaient affirmés en moi, non pas simplement grâce à des arguments déterminés mais par une suite de causes, de circonstances et d’épreuves qu’il m’est impossible de détailler.  Je constatai qu’on ne pouvait espérer gagner son salut que par la piété et la victoire sur les passions, ce qui présupposait de renoncer à ce monde de mensonge et de s’en détacher pour se tourner vers l’éternité et la méditation en Dieu (Exalté).  Les mouvements et les repos, qu’ils soient externes ou internes, sont éclairés de la lumière qui rayonne du foyer de la prophétie ; et quelle autre lumière pourrait briller à la surface de la terre ?  Arrivé à ce stade, on doit se borner à répéter ce vers :

« Advint ce qui devait advenir, mais je n’en ai pas souvenance…

Considère-moi bien, et ne pose pas de questions sur ce qui s’est passé ! »

Après cette étude approfondie, suivie d’un apprentissage poussé des différentes voies du savoir, après cette expérimentation personnelle et après en avoir eu la preuve, Al Ghazâlî acquit la certitude que le soufisme était le seul moyen menant à la félicité.

Pour y arriver, il avait dû sacrifier honneurs, prestige, famille…  A cause d’une crainte, qui était née dans son cœur, il avait voulu se racheter, et faire partie de ceux qui associaient à la science la vraie pratique, de ceux qui pénétraient les significations profondes des choses.  Tels étaient le nœud du doute ghazalien, ses causes et son résultat ; il reste à souligner les autres raisons qui l’ont mené sur ce chemin.

A son arrivée à Baghdad, Al Ghazâlî avait trouvé une société profondément atteinte dans sa santé religieuse et morale, une société où ceux à qui incombait la responsabilité de l’ordre (princes, docteurs de la Loi) étaient les premiers à donner l’exemple de la corruption, de l’injustice, des manquements à la Loi.

Dans son sursaut, dans son indignation, Al Ghazâlî se révoltait contre lui-même qui s’était compromis avec le pouvoir : il prenait brusquement conscience qu’il avait failli à son devoir, et n’avait qu’imparfaitement œuvré à la réforme sociale qui s’imposait, qui s’imposait surtout à des docteurs de la Loi tels que lui, qui étaient les héritiers des Prophètes (Paix sur eux).

Il rejeta les soi-disant vérités qui étaient proclamées par tant de soi-disant savants, qui n’étaient en fait que des pseudo-savants corrompus qui, de plus, ne cessaient de se disputer en arborant des attitudes sectaires, et s’éloignaient de l’unité de l’Islam.  A cause de cette situation, à cause de ses connaissances inutiles, il douta, puis il voulut acquérir une vraie certitude grâce à de nouvelles connaissances, afin d’apaiser son âme révoltée ; ainsi, après sa renaissance, il pourrait réformer, en partie du moins, sa société…

Il écrivit :

« Il s’agit essentiellement de la nécessité, douloureusement ressentie, de fonder ce credo sur un ensemble convergent de preuves, de manière à confondre tous ceux qui le contestent…  Il s’agit aussi d’une récusation de l’acceptation d’une doctrine sans preuves, qui n’est autre chose que la soumission aveugle à l’opinion d’un tiers »

 

LE RETOUR A BAGHDÂD ET A TOÛS (490AH/1097AJ)

De retour à Baghdâd, Al Ghazâlî se consacre à la dévotion et à la vie des mystiques, dans le ribât d’Aboû Sa‘îd à Nisâboûr. En 498AH/1104AJ, il  regagna An-Nizâmiyya à la demande du vizir Fakhr Al Moulk, fils de Nizâm Al Moulk.

Dans Al Mounqidh, il expliqua son retour à la vie publique :

« Alors jaillit de moi, comme une étincelle, cette certitude : cette tâche s’impose à toi aujourd’hui comme un devoir personnel impératif.  A quoi peuvent bien te servir la solitude et la retraite, alors que le mal est général, que les médecins eux-mêmes sont malades et que les Hommes sont sur le point de périr ?! »

Il reprit donc sa chaire d’enseignement à An-Nizâmiyya avec un esprit nouveau :

« En ces temps-là, j’enseignais la science qui permet d’accéder aux honneurs ; aujourd’hui, au contraire, mon enseignement incite à renoncer aux honneurs et démontre le peu d’importance qu’il faut leur accorder.  Voilà, aujourd’hui, mon intention, mon but, mon désir… »

Mais en 503AH, il quitte Nîsâboûr et rentre dans sa ville natale de Toûs. Il va se construire une sorte de lieu de retraite (khoulwa) où il va rédiger son ouvrage, Minhâj al ‘âbidîn, en renonçant complètement à la vie d’ici-bas tout en continuant à écrire et à enseigner. Il passa les dernières années de sa vie à écrire et à enseigner ses connaissances à travers sa nouvelle conception à sa zâwiya (petite mosquée pouvant servir de lieu de retraite).  Ces dernières années furent fécondes : ces trois œuvres datent de cette époque : Al Mounqidh, An-Nasîha et Al Moustasfâ.  Ainsi se termina sa vie, qui fut une longue expérience religieuse. L’imâm Al Ghazâliî décéda le 14 Joumâdâ II 505AH/18 décembre 1111JA .

Al Ghazâlî est mort à l’âge de cinquante cinq ans, après une vie que l’on peut qualifier de courte, mais grande de et remplie par l’ampleur, la richesse de ses écrits et de sa pensée qui n’a pas cessé d’influencer la pensée arabo-musulmane à travers l’histoire.

 

LES VOYAGES  D’AL GHAZÂLÎ

Les biographes sont partagés concernant son périple.  Voici les trois itinéraires proposés :

– soit de Baghdad vers Jérusalem, La Mecque, Médine, Alexandrie puis retour à Baghdad ;

– soit de Baghdad vers La Mecque, Médine, Damas, Jérusalem, retour à Damas, puis Alexandrie et enfin retour à Baghdad ;

– soit de Baghdad vers La Mecque, Médine, Damas, Jérusalem puis retour à Baghdad.

 

LA PENSEE GHAZALIENNE

Au moment de quitter Baghdad, l’imâm avait déjà retrouvé la certitude : il avait surmonté sa crise de doute.  Durant sa retraite, il fit plusieurs voyages, il médita beaucoup, et composa les principaux ouvrages qui retraçaient le fil de sa pensée et la doctrine pour laquelle il avait opté.

De doctrine ach‘arite, il faisait partie de l’école de droit chafi‘ite ; il était pourtant un penseur indépendant, qui n’hésitait pas à prendre position en se basant sur sa propre compréhension.  Al Ghazâlî a su réaliser le difficile équilibre entre l’aspect individuel et l’aspect communautaire de la religion ; on dit qu’il a été le premier penseur musulman à avoir souligné l’incapacité de la raison comme unique outil du savoir et à mettre en valeur l’importance du cœur, centre de toutes les connaissances, de toutes les expériences.

Pour mieux comprendre la pensée d’Al Ghazâlî, il faut bien mettre en évidence le fait qu’elle soit passée par deux étapes distinctes l’une de l’autre.  Chacune d’elle a ses propres caractéristiques : la première commence avec son voyage à Nîsâboûr pour se terminer à An-Nizâmiyya ; la seconde, c’est l’après-retraite : c’est cette dernière qui est rapportée par l’auteur dans les principaux ouvrages que nous avons de lui.

Une notion a une importance particulière chez lui : celle de la félicité.  Selon lui, il distingue entre sciences louables et sciences blâmables ; parmi les sciences louables, il distingue entre les sciences qui traitent des choses de ce bas-monde et celles qui permettent d’atteindre au but fondamental de la Loi, qui est de changer l’Homme, de transformer son caractère, ce qui ne peut se faire que grâce à un effort et à un entraînement constants.  Ces sciences sont des sciences des réalités de l’âme ; il les définit comme des moyens du savoir qui permettent d’accéder à la connaissance vécue de Dieu (Exalté) dans Son essence.

La diversité des sujets qu’il a traités, puisque dans chaque doctrine il voulait d’abord être un maître, est également une caractéristique de l’œuvre de l’imâm.  Certains ont vu des contradictions dans la pensée d’Al Ghazâlî ; il reste à discuter s’il s’agit bien de contradictions dans la pensée ou s’il s’agit plutôt de contradictions dans les sujets qu’il a traités, partant tantôt du point de vue de tel ou tel théologien, tantôt du point de vue soufi, dans le cadre de sa recherche de la vérité, de la certitude religieuse.  Par sa maîtrise du kalâm (Théologie scolastique ou dialectique de controverses) et par sa maîtrise de la philosophie, y compris la logique aristotélicienne, par sa faculté de renouvellement et de recherche incessante, Al Ghazâlî a su développer les virtualités dans presque tous les domaines allant du droit à la mystique en passant par la théologie et la philosophie, et approfondissant ses recherches, aussi loin que le permettait le Dogme orthodoxe.

Al Ghazâlî, loin d’être un mystique retiré du monde, fut un membre important de cette famille de penseurs qui savent que la Vérité ne peut s’atteindre par le seul effort de l’intelligence, mais qu’il lui faut allier l’âme toute entière.  Il atteignit cette Vérité, dont il dit :

« Je reconnus que la certitude est la connaissance nette et claire des choses, qui ne laisse place à aucun doute, à aucune possibilité d’erreur et de conjecture, de sorte qu’il ne reste dans l’esprit rien qui puisse donner accès à l’erreur. »

Il sut ainsi que l’être humain était composé de deux éléments, l’âme et le corps, et que c’était l’âme et non le corps qui était atteint et qu’il fallait soigner.  Dans son Mizân al ‘amal (“Critère de l’action”), il décrivit la doctrine à laquelle il avait adhéré, et démontra que savoir et connaissances n’étaient que des moyens pour mener, soit à la félicité, soit à la perdition.  Le but de sa doctrine est d’atteindre progressivement au plus profond de soi-même, au cœur qui, par une absorption de l’être en soi, atteint la connaissance réelle des choses.  Le cœur  a de l’importance car c’est lui qui, ému par les connaissances acquises, pousse l’être humain à l’action.  Comme on le voit, l’imam accorde une certaine importance à l’individu en lui-même :

« Evite d’attacher trop d’importance aux doctrines ; cherche la vérité dans la voie de la réflexion afin de te former une théorie personnelle, car il n’y a point de salut en dehors de l’indépendance de la pensée.  Admets ce que tu as vu et rejette ce que tu n’as fait qu’entendre : à l’ascendant du soleil, que t’importe l’influence de Saturne?!… »

La vraie connaissance dépend donc de la réflexion et du cœur : seul le chemin des mourîd (les disciples de maîtres soufis) y mène.  Si nous lisons La pensée de Ghazâlî de A.J. WENSINCK, nous apprenons que l’imâm aurait été influencé d’une part par le mysticisme chrétien, d’autre part par la conception platonicienne de l’amour : ainsi, al ma‘rifa de Dieu (Exalté) ne serait qu’une conception néoplatonicienne vidée de son contenu original !

Nous ne pouvons admettre cette thèse.  Bien sûr, toute idée reçoit des influences et influence à son tour, mais il ne faut pas pour autant la réduire dans une démarche suspecte d’ethnocentrisme…  Car, il ne faut pas oublier le caractère spécifiquement islamique de la certitude acquise par l’imam, et il ne faut pas oublier que le soufisme qu’il a adopté est une expression de la piété musulmane.

La pensée d’Al Ghazâlî tend à inciter le fidèle musulman à fournir un effort qui commence par une analyse, et se poursuit dans une surveillance continuelle de soi, avec des moments de réflexion et de contemplation intérieure, dans la perspective globale d’une action ordonnée par la Loi de Dieu (Exalté), de façon à se façonner et à façonner une communauté de fidèles bien unie.

Nous voyons donc que le but, ainsi que la méthode, promulgués par Al Ghazâlî, sont typiquement islamiques, et assez loin du mysticisme chrétien ou des conceptions de Platon ou autres philosophes.

Cela dit, l’amour de Dieu (Exalté) n’est pas étranger à la conception islamique :

« L’amour de Dieu (Exalté), nous dit Al Ghazâlî, est la plus haute des stations à laquelle l’être humain puisse accéder.  Tous les autres sentiments, comme le désir de Dieu (Exalté), la familiarité avec Dieu (Exalté), l’acceptation de Ses décisions, sont le fruit de l’amour pour Dieu (Exalté)! »

Et l’imâm réfute la position des chrétiens :

« C’est tomber  (parlant de l’amour  qui aboutit à l’incarnation) alors dans l’erreur  de ceux qui proclament ” Je suis la Vérité !”,  ou dans celle des chrétiens  qui voient en Jésus une incarnation de Dieu (Exalté) ! »

Il semble donc, qu’il y ait eu une erreur à suivre ces quelques chercheurs qui ne lisent un ouvrage qu’en le comparant ou en l’interprétant à la lumière de ses prédécesseurs.

La pensée d’Al Ghazâlî a plusieurs facettes, l’une d’entre elle et la plus marquante est sa vision de l’éducation.

Al Ghazâlî a attaché beaucoup d’importance à l’éducation et au processus éducatif. Il insiste sur la responsabilité commune des parents, des savants (éducateurs et de la société.

La période de l’enfance est cruciale dans la formation de la personnalité des individus responsables dans le futur.

L’éducation est une combinaison entre l’éducation morale, et une transmission du savoir qui s’étale sur différents cycles, et avec des pédagogies adaptées.

L’éducation selon Al Ghazâlî est globale, elle concerne le pôle intellectuel, religieux, moral et physique. Elle vise l’épanouissement de l’enfant et l’accompagner pour atteindre la maturité intellectuelle et une progression morale de qualité à travers une relation de proximité en permanence avec Dieu (Exalté).

La pensée ghazalienne est influencée d’une manière évidente tous ceux qui ont écrit dans ce sujet tout le long du moyen âge musulman. Certains disent, que les théories d’Al Ghazâlî en matière d’éducation, représente l’apogée de la pensée éducative de la pensée musulmane du 6ème siècle, jusqu’au 13ème siècle Hégire (12ème –19ème siècle AJ).

Az-Zarnoûjî (m : 571AH), AtToûsî (m : 672AH), Ibn Jamâ‘a (m : 733AH), Ibn Hâjî Al ‘Abdarî (m : 737A1H), Ibn Hajar Al Haytamî (10ème siècle AH), tous citent abondamment les œuvres d’Al Ghazâlî ou ont été influencés par sa pensée.

 

L’EPOQUE D’AL GHAZÂLÎ

Nous allons ici relater les événements marquants de l’époque d’Al Ghazâlî, c’est-à-dire du cinquième siècle de l’Hégire.  Ainsi nous pourrons mieux comprendre dans quelle société a vécu l’imam, et de quelle société il s’est retiré.  Le cinquième siècle de l’Hégire eut deux caractéristiques : la première, ce fut l’affaiblissement du pouvoir du calife, dans un califat abasside vieux déjà de trois siècles.  Ce califat avait été marqué, à ses débuts, par de brillantes réussites ; mais sa faculté de renouvellement s’était épuisée, et l’affaiblissement du pouvoir du calife laissait la société dans un désordre généralisé.  La seconde caractéristique a trait aux oppositions doctrinales : la philosophie grecque, ainsi que les cultures persane et turque, avaient favorisé l’apparition de diverses doctrines aux idées étrangères à la Charî‘a (la Loi) – c’était le cas de Al Bâtiniyya (l’ésotérisme) – ; leurs adeptes se constituaient en groupes de pression formant une opposition politique qui gagnait du terrain.  De plus, un solide califat chi‘îte fatimide s’était installé en Egypte.  Quant aux écoles juridiques sunnites, elles faisaient montre d’un fanatisme exagéré dans leurs confrontations, et s’affrontaient même en bagarres où le sang coulait !

 

LA SITUATION POLITIQUE

Elle se caractérisait par le fait que la puissance politique des Abbassides déclinait.  Les Turcs seljouqides s’étaient déjà rendus maîtres de la Perse ; Baghdad elle-même était tombée entre leurs mains en 447/1058.  Le califat se trouvait morcelé en royautés et sultanats indépendants.

Après la mort de Malik Châh, en 485/1092, ces sultans entrèrent dans une longue période de compétition politique, sous le règne de Bârî Kiyaroûq, de Mouhammad et de Sanjar, ces deux derniers étant les fils de Malik Châh, nés d’une même femme.

A son instauration, le califat s’était allié aux Seljouqides, contre les sectarismes arabe et persan ; mais ensuite, ils s’étaient emparés du pouvoir, ne laissant aux Abbassides qu’un pouvoir très limité…   Dans le califat abbasside, Al Ghazâlî, connut le règne de trois califes, qui tous trois ont disparu dans des circonstances suspectes : Al Qâ’im (422-467H/1031-1074JC), Al Mouqtadî (467-478H/1074 -1094JC) et Al Moustazhir  à la demande duquel il rédigea son Kitab Al Moustazhirî en 487-88H/1094-95JC.  Il vit les conflits de succession à la mort d’Al Mouqtadî, l’assassinat du vizir Nizâm Al Moulk qu’il connaissait bien, en 485H/1092JC puis, peu après, la mort du vizir Malik Châh au cours d’une partie de chasse…  En 488/1095, c’est un bâtinî qui commettait un attentat contre le vizir Bârî Kiyaroûq, à la porte de son palais…

Quant aux Seljouqides, alliés du califat, ils avaient entre les mains le sultanat de plusieurs contrées ou provinces : le Khourâsân (d’où était originaire Al Ghazâlî), Kirmân, Irâq, Arabie, Yémen…  Et leur ambition ne s’arrêtait pas là : leur soldatesque, mal islamisée, se rendait impopulaire par ses pillages. Al Ghazâlî a signalé, dans son Moustazhirî, que la population de plusieurs provinces du califat avait eu à s’en plaindre.

 

LA SITUATION RELIGIEUSE ET SOCIOCULTURELLE

Personne ne se souciait du bien-être du peuple, soumis à des impôts de plus en plus lourds, et soumis à de plus en plus d’injustice : aussi le peuple était-il devenu lui aussi hypocrite !

Il était divisé en deux catégories : ceux qui étaient devenus si gourmands que tous les moyens leur étaient devenus bons pour accumuler plus de richesses, et ceux qui, dans un fatalisme mal compris, se retiraient du monde pour ne plus placer leurs espoirs que dans l’Au-delà.

Les uns, donc, s’adonnaient au mensonge, aux turpitudes, à la grossièreté, à l’hypocrisie et, parce qu’opprimés, opprimaient leurs semblables.  Les autres acceptaient la situation, et croyaient que la félicité ne pouvait qu’être le résultat de l’ascétisme et du retrait dans une zâwiya (petite mosquée servant de lieu de retraite et de méditation).

Naturellement, cette situation sociale et économique corrompue favorisait une dégradation de la moralité, dans la société et dans la famille.

Sur le plan culturel, il est paradoxal de constater que cette époque fut caractérisée par un nombre impressionnant de madâris (sing. madrasa : école) et de halaqât (séances d’enseignement) dans les sciences religieuses et spéculatives. An-Nizâmiyya, par exemple, avait un budget de plusieurs millions de dinars !  Mais Al Ghazâlî écrivit dans l’Ihyâ’ (chapitre Al hisba) :

« Aujourd’hui, les savants ont dégénéré, l’ambition leur coud la langue !  Ils n’osent plus adresser leurs critiques aux princes ; leur corruption entraîne celle des princes, et la corruption des princes entraîne celle de leurs sujets… »

« Ainsi, écrivit-il par ailleurs dans son Mounqidh, en ce qui concerne les ‘oulamâ’ (savants), l’un des plus célèbres ne fait même pas la prière !  Et un autre boit du vin !  Tel autre dilapide ou s’approprie les biens des fondations pieuses dont il a la responsabilité ou puise dans les biens des orphelins dont il est le tuteur légal !  Un autre gaspille les fonds publics ou accepte des cadeaux et se laisse influencer dans ses jugements et témoignages ! »

Avec tristesse, Al Ghazâlî, constate :

« On voit de nombreux fouqahâ’ (spécialistes du Droit) qui, loin de craindre Dieu (Exalté), ne mettent en pratique leur science que pour des raisons mondaines… », ce qui l’amène à conseiller d’éviter les princes et leurs cadeaux, pour éviter d’être amené à les flatter…

Car c’est bien ainsi que les choses se passaient à l’époque : une atmosphère de corruption régnait partout, et avait pour cause le manque de foi et de confiance en Dieu (Exalté), l’éloignement des prescriptions divines, telles qu’elles avaient été transmises et appliquées par les premières générations de fidèles…  Des bida‘ (innovations hérétiques) voyaient le jour qui corrompaient la religion, désormais limitée aux pratiques superficielles et non plus force motrice de la société.

Ces innovations n’étaient pas toujours étrangères aux cultures indienne et persane ou au sophisme grec, fort répandus, qui donnaient lieu à d’étranges discussions, loin de l’esprit de l’Islam et des théories reconnues par la Oumma (la Communauté des savants de l’Islam).

Cette époque vécut trente-quatre ans d’agitation due à des conflits doctrinaux : il y eut des troubles à Baghdad de 450-484H/1058-1090JC ; des incidents se produisirent entre hanbalites et ach‘arites en 470AH/1077-78AJ et, en 483AH/1090AJ, un homme qui se disait “Mahdî” fit son apparition à Al Basra, point d’orgue à des agitations Chi‘îtes…  Les sectes soufies se multipliaient pendant ce temps.  Il restait bien des docteurs de la Loi conscients de leurs responsabilités, mais ils étaient une minorité perdue dans une foule déconcertée.

Rares furent ceux qui demeurèrent sur la voie juste de l’Islam, à ordonner le Bien et à le prêcher, en dévoilant les maux qui sévissaient dans la société  Certains docteurs n’acceptaient pas de voir se commettre tant de méfaits : ils s’isolèrent, fuyant le monde, et manquant ainsi à leur devoir de réformer la société.

Al Ghazâlî fut le témoin de cette démarche, qui écrivit dans l’Ihyâ’ : « Le savant, de nos jours, doit rechercher une vie retirée, s’il a à cœur le salut de sa religion ! »

Une société en désordre est une société faible.  Y a-t-il proie plus facile ?…  Car les ennemis ne manquaient pas, et ne tardèrent pas à se manifester : les Francs étaient aux portes des principales provinces du califat, et envahirent la Syrie et la Palestine en 491AH/1098AJ.  Jérusalem fut prise, sa mosquée Al Aqsâ pillée, des milliers de Musulmans massacrés.  Nombre d’habitants cherchèrent refuge en Iraq…  Peu de ‘Oulamâ’ (savants de l’Islam) prêchèrent la guerre sainte ou firent appel aux émirs pour secourir ces Musulmans tombés sous le joug de l’ennemi.

Ibn ‘Aqîl (hanbalite) faisait partie de cette minorité consciente mais… les princes vivaient repliés, chacun dans son petit royaume, et les Croisés remportèrent de nouveaux succès : en 493AH/1100AJ, ils lançaient leurs premiers assauts contre Damas ; en 495AH/1105AJ, ils étaient bien installés en Syrie et en Palestine.

Rien n’illustre mieux l’indifférence générale, que le silence d’Al Ghazâlî à ce sujet qui, à l’époque, vivait dans sa retraite !

Ce n’est qu’en 505AH/1111AJ, année de la mort de l’imâm, que le sultan Mouhammad Ibn Malik Châh se décida à intervenir militairement en Syrie : il y était poussé par un mouvement initié par les ‘Oulamâ’, qui prenaient soudain conscience du danger et faisaient pression sur lui.

Ces savants qui prenaient conscience de leur responsabilité étaient dirigés par le hanbalite Aboû Al Hassan Ibn Az-Zayqoûnî (m. 527AH/1132AJ), un des maîtres d’Ibn Al Jawzî ; mais leur action resta limitée à une manifestation à Baghdad…

Une faiblesse flagrante du pouvoir exécutif, un califat morcelé, une injustice sociale révoltante, une ignorance répandue, une fausse science enseignée, fausse car ne participant pas à un changement radical des torts de la société, telle était la situation socio-culturelle.  En ces temps-là, ce n’étaient pas les connaissances qui manquaient, mais c’était la pratique religieuse juste et sincère qui faisait défaut !

Il fallut dix ans de retraite et de méditation pour qu’Al Ghazâlî prenne l’initiative d’une réforme sociale générale, en partant d’une réforme de l’individu.  Dans notre essai, nous avons pour but de tracer les grandes lignes de son projet de société.

LA THEORIE EDUCATIVE D’AL GHAZÂLÎ

La philosophie de l’éducation d’Al Ghazâlî représente l’apogée de la pensée éducative islamique, et s’y manifeste le penchant évident d’Al Ghazâlî pour la conciliation et la synthèse des diverses doctrines, en l’occurrence la synthèse des pensées éducative, juridique, philosophique et mystique.

Al Ghazâlî n’était pas, au premier chef, un « philosophe de l’éducation » (bien qu’il ait enseigné au début de sa vie) ; mais c’était un philosophe de la religion et de la morale. Après avoir achevé d’édifier son système philosophique et avoir commencé à le mettre en pratique,

Al Ghazâlî s’est trouvé amené à s’intéresser à l’éducation et à l’enseignement, tout comme cela avait été le cas pour les grands philosophes qui l’avaient précédé.

La philosophie d’Al Ghazâlî exprime l’esprit de son époque plus qu’elle ne répond à ses défis, et sa pensée en matière d’éducation, à l’instar de sa philosophie, donne la préférence à la continuité et à la stabilité plutôt qu’au changement et à l’innovation.

Al Ghazâlî attache une grande importance au processus éducatif ; il considère que ce processus relève de la responsabilité de la société, laquelle assigne cette tâche aux pères et aux maîtres. Car l’enfant est confié aux parents, auxquels il incombe de l’élever et de l’éduquer.

L’éducation de l’enfant est basée sur les principes fondamentaux de l’Islam ; elle ne peut avoir d’autres sources. C’est ainsi que, dès le jeune âge, l’enfant sera initié aux pratiques cultuelles, et on lui enseignera les principes de la foi et du dogme.

Pour Al Ghazâlî la société a pour fonction d’appliquer la loi divine, la charia, et le but de l’être humain est d’atteindre le bonheur auprès de Dieu (Exalté). En conséquence, l’objectif de l’éducation est de réformer l’être humain de telle sorte qu’il se conforme aux enseignements de la religion et gagne ainsi son salut et son bonheur dans l’au-delà éternel. Les autres objectifs terrestres – richesse, position sociale, pouvoir, voire amour du savoir – sont des leurres car ils se rapportent au monde d’ici-bas

Avec l’âge de la puberté et de la responsabilité (at-taklîfou), il est conseillé aux parents de faire connaître à leur enfant le secret de tous ces préceptes, leur but, et le sens de leur application, qui est d’acquérir davantage de connaissances afin de mieux obéir à Dieu (Exalté).

L’être humain qui vient au monde est une page vierge ; sa personnalité, ses caractéristiques et son comportement sont ensuite façonnés par sa vie en société et ses rapports avec son environnement. La famille où il naît lui apprend la langue, les coutumes, les traditions et la religion, sans qu’il puisse en combattre l’influence, d’où la grande responsabilité éducative qui incombe aux parents. A eux revient le mérite de sa droiture, ou la honte de ses erreurs. Ils sont coresponsables de tous ses actes, avant que les enseignants ne viennent aussi assumer leur  part de responsabilité.

Al Ghazâlî insiste sur l’importance de l’enfance dans la formation de l’individu. C’est au cours de cette phase que l’éducation peut, si elle est bien menée, façonner une bonne personnalité et préparer à une vie droite ou, si elle est mal conduite, vicier la personnalité de l’enfant et rendre difficile son retour sur le droit chemin. Il faut donc bien comprendre les caractéristiques de cette phase, afin que les échanges avec l’enfant soient efficaces et   salutaires.

En maître pédagogue, l’Imâm nous fait remarquer que les mauvais penchants, tout comme les bons, s’acquièrent par l’habitude et par l’éducation, aussi recommande-t-il aux parents de fournir un effort continu d’éducation, ce qui ne doit pas les empêcher de donner une certaine indépendance aux enfants, tout en les surveillant de loin, pour qu’ils s’habituent aux responsabilités et qu’ils s’habituent à les assumer.

Sur le plan du savoir-vivre, l’enfant doit être initié aux règles de bienséance qui régissent la vie sociale : bien se tenir à table, ne pas prendre l’habitude de cracher n’importe où, se moucher ou bailler convenablement, ne tourner le dos à personne, s’asseoir correctement, ne pas parler avec volubilité, s’habiller simplement, modérer ses désirs et se conduire avec courage.

Il importe donc que les garçons aillent au maktab (école primaire) à un âge précoce, lorsque l’apprentissage ressemble à la gravure dans la pierre. Ceux qui sont chargés, à l’école, de l’éducation du garçon doivent également connaître l’évolution de ses motivations et de ses pôles d’intérêt d’une phase à l’autre : goût du mouvement, des jeux et du divertissement, puis goût de la parure et des apparences (dans l’enfance et l’adolescence), puis intérêt pour les femmes et la sexualité (au moment de la puberté), puis goût de l’autorité et du pouvoir (après 20 ans) et, enfin, joie de la connaissance de Dieu (Exalté) (à l’approche de la quarantaine). Il est bon que les éducateurs tirent parti de ces changements pour susciter chez l’élève le désir d’aller à l’école : ils se serviront par exemple du jeu de ballon, puis de la parure et des vêtements, puis du pouvoir, puis de l’intérêt pour l’au-delà.

Dans le cycle primaire, le garçon apprend le noble Coran et les dits des compagnons du Prophète : il doit être préservé des poésies érotiques et de la fréquentation des hommes de  lettres, qui introduit les germes de la corruption dans l’âme des garçons. L’école doit habituer le jeune garçon à obéir à ses parents, à son maître et à ses aînés et à bien se conduire avec ses camarades de classe. Elle doit lui apprendre à ne jamais se vanter devant ses condisciples de la fortune de ses parents ou de ce qu’il peut lui-même posséder (nourriture, vêtements, fournitures), et l’habituer au contraire à la modestie, à la générosité et au tact. Il doit être mis en garde contre les dangers inhérents à l’influence du groupe sur sa personnalité, comme il faut lui conseiller de veiller à ce que ses amis possèdent toujours les cinq qualités suivantes :

-l’intelligence, la bonne moralité, la droiture, le désintéressement et la franchise.

L’éducation ne consiste pas simplement à former l’esprit et à le remplir d’informations :

Elle doit englober tous les aspects – intellectuel, religieux, moral et physique – de la personnalité de l’apprenant. Elle ne s’arrête pas à l’enseignement théorique mais s’étend à la pratique effective. Le véritable apprentissage est celui qui agit sur le comportement, celui qui fait que l’apprenant met ce qu’il apprend en pratique.

Les responsables de l’éducation du garçon doivent concentrer leur attention sur l’éducation religieuse en lui inculquant d’abord les principes et les fondements de la religion.

Quand il atteint l’âge de sept ans, il doit être tenu de faire ses ablutions rituelles et ses prières, ainsi que quelques jours de jeûne durant le mois de Ramadan jusqu’à ce qu’il soit suffisamment fort pour accomplir le jeûne complet. Il faut lui interdire de porter des vêtements de soie et des bijoux, que la religion réprouve, et lui enseigner tous les interdits de la loi divine qu’il est tenu de connaître. Il faut le mettre en garde contre le vol, l’absorption de nourritures interdites, la perfidie, le mensonge, les paroles obscènes et tous les défauts propres aux garçons. Le garçon n’est naturellement pas encore en mesure, à cet âge, de comprendre parfaitement ce qu’on lui apprend et ce qu’on l’oblige à pratiquer, et il n’y a rien d’anormal à cela. La compréhension viendra plus tard.

Al Ghazâlî est parfois plus soufi qu’éducateur, par exemple lorsqu’il conseille de couper l’enfant du monde et de ses tentations, afin qu’il y renonce, et de l’habituer à l’ascétisme, au dénuement et à la modestie.

Mais l’éducateur reprend vite le dessus, lorsqu’Al Ghazâlî estime que l’on doit autoriser le garçon, une fois sorti de l’école, à pratiquer des jeux agréables qui le délassent des fatigues de l’étude et l’affranchissent des contraintes qui lui sont imposées, sans pour autant qu’il se fatigue en jouant ou se surmène. Lui interdire le jeu et lui imposer d’apprendre sans répit ne peut qu’éteindre son cœur et étouffer son intelligence, le remplir d’amertume et le dégoûter de l’étude au point qu’il recourt à des subterfuges pour y échapper.

Le garçon qui obéit à son éducateur fait montre d’excellence morale et intellectuelle et progresse dans ses études, doit être honoré et loué en public, à titre d’encouragement et afin que les autres soient incités à l’imiter. Si le garçon commet une faute et en a manifestement conscience, l’éducateur doit passer sous silence cette erreur que l’enfant a reconnue et qu’il est résolu à ne plus commettre. En cas de récidive, l’éducateur doit le réprimander en tête-à-tête, sans excès. S’il arrive que le maître punisse l’élève en lui infligeant un châtiment corporel, celui-ci doit être léger et inspiré par le souci d’éduquer et non de faire mal.

L’enseignant doit tenir compte des différences de personnalité et de capacités des élèves et adapter son comportement en conséquence. Il ne doit pas pousser l’élève au-delà de ses capacités ni tenter de lui inculquer plus de savoir qu’il n’est à même d’assimiler, faute de quoi il risque d’aboutir au contraire du résultat recherché. A l’inverse, il ne doit pas empêcher l’élève intelligent de dépasser le niveau de ses condisciples.

S’il agissait autrement, il serait comme celui qui nourrit un nouveau-né d’une viande qu’il ne peut ni absorber ni digérer et dont il ne peut tirer profit, ou celui qui veut que l’adulte dans la force de l’âge se nourrisse du lait maternel de son enfance. Donner une alimentation appropriée, c’est faire vivre et gaver quelqu’un  d’aliments non appropriés, ne peut mener qu’à un désastre.

En vérité, Al Ghazâlî insiste, dans sa théorie, sur l’acquisition des connaissances et les différentes phases de l’apprentissage, et en fixe les conditions de réussite : la réussite dans l’acquisition des connaissances tient à quatre conditions : que l’apprenant ait été bien préparé à l’assimilation des connaissances nouvelles, que l’on mette en oeuvre les moyens pédagogiques adéquats, que les enseignants soient de bonne qualité, et surtout que l’âme de l’apprenant soit bien entraînée à apprécier et à acquérir les connaissances

 

LA SPIRITUALITE DE L’IMÂM AL GHAZÂLÎ

Al Ghazâlî distingue deux mondes, celui-ci, qui est éphémère, et l’autre qui est éternel. Le premier, celui de l’existence matérielle, est une existence provisoire, soumise à la Volonté de Dieu (Exalté) ; il n’est pas régi par un ensemble de lois scientifiques, qui sont en réalité une partie de ce monde, mais dominé, régi et dirigé par l’intervention directe et constante de Dieu (Exalté) (refus de la causalité). Dieu (Exalté) n’est pas seulement le créateur de l’univers, de ses caractéristiques et de ses lois (ou cause de l’existence), il est aussi la cause de tout événement qui y survient, insignifiant ou important, passé, présent ou à venir.

C’est dans cet univers que vit l’être humain, créature faite d’une âme immortelle et d’un corps éphémère. L’être humain n’est ni bon ni mauvais par nature, encore que sa disposition naturelle soit plus proche du bien que du mal. Il se meut, en outre, dans un espace restreint, où les contraintes l’emportent sur les possibilités de choix. Il est moins fait pour le monde d’ici bas, où il souffre, que pour l’autre, auquel il doit aspirer et vers lequel il doit faire tendre ses efforts.

Ces sens que nous avons évoqués furent résumés dans ces propos de l’imâm Al Ghazâlî : « Le chemin qui mène à cela réside dans l’effort assidu, l’effacement des vils caractères, la rupture de tout attachement à ce qui est autre que Lui, en accourant vers Dieu avec l’essence même de l’énergie spirituelle et physique. Lorsqu’il en est ainsi, Dieu – Exalté Soit-Il – se charge du cœur de son serviteur et se porte Garant de l’éclairer par les lumières du savoir.

Lorsque Dieu (Exalté) se charge d’un cœur, la Miséricorde s’y déverse généreusement, les lumières s’y manifestent, la poitrine s’apaise, le secret du Royaume lui est dévoilé, le voile de l’aveuglement disparaît du cœur par les effluves de la Miséricorde et les vérités divines y brillent.

Le serviteur n’a qu’à établir en lui-même la bonne disposition par la purification absolue, la présence de l’énergie active doublée de la volonté sincère, la totale langueur, et en guettant en permanence l’ouverture de la Porte de la Miséricorde par les Soins divins.

La vérité s’est dévoilée aux Prophètes et aux intimes (awliyâ’) de Dieu (Exalté), la lumière s’est déversée sur leur poitrine non pas par l’apprentissage et l’étude, ni par la composition des ouvrages, mais plutôt par le renoncement aux artifices de l’ici-bas, par la fuite de ses attaches, en vidant le coeur des préoccupations du bas-monde, et en accourant vers Dieu (Exalté) par l’essence de l’énergie spirituelle : « Celui qui est pour Dieu (Exalté), Dieu (Exalté) est pour lui”. En faisant cela, le serviteur s’expose aux exhalations de la Miséricorde de Dieu, sans que l’arrivée de ses exhalations ne soit son choix. Tout ce qu’il lui appartient de faire, c’est l’attente de la Miséricorde que Dieu (Exalté) accorde. C’est de cette manière qu’Il l’a déversée sur ses Prophètes et Ses alliés. Si la volonté du serviteur de Dieu est véridique, si son énergie spirituelle est pure, si ses efforts sont assidus, les éclairs de la Vérité brilleront dans son coeur et le voile sera levé par une secrète Bonté provenant de Dieu (Exalté). C’est alors que le monde Inaccessible se dévoile dans son coeur et il atteint la certitude. »

Ainsi, au travers du maître, le disciple ouvre son cœur à Dieu et construit sa relation « personnelle » à Dieu (Exalté).

Le premier signe de l’ascète : il ne doit pas se réjouir de ce qui existe, ni s’attrister pour ce qui est perdu…Bien plus, il faut que ce soit le contraire, il faut s’attrister sur l’existence des biens et se réjouir de leur perte.

Le deuxième : celui qui le loue et celui qui l’offense doivent être égaux à ses yeux.

Le troisième : il ne doit se rassurer que dans l’intimité de Dieu (Exalté) et la douceur de l’obéissance doit primer en son cœur ; le cœur n’est jamais vide d’amour et il n’y a d’amour que celui du monde ou celui de  Dieu (Exalté). Ces deux amours sont dans le cœur comme l’eau et l’air dans la coupe. Lorsque l’eau y entre, l’air en sort : ils ne peuvent s’associer. Quiconque est dans l’intimité de Dieu, ne se préoccupe que de Lui, et de nul autre que de Lui ».  (Al-Ghazâlî : l’apaisement du cœur p : 247)

« Sache que la crainte est l’expression de la douleur du cœur lorsqu’il s’attend à l’avènement de quelque chose de détestable à l’avenir. Mais celui qui fréquente habituellement le Seigneur, dont le cœur est entre Ses mains et qui contemple continuellement la beauté de la vérité ne s’occupe plus de ce qui va se produire à l’avenir. »

Al-Wâsiti dit : « La crainte est un voile entre Dieu (Exalté) et l’homme et «lorsque la vérité apparaît dans l’âme, il n’y a plus de place pour l’espérance ou la crainte »

« La crainte est le fouet avec lequel Dieu conduit Ses serviteurs vers l’assiduité au savoir et à l’œuvre par lesquelles ils obtiennent un degré proche de Dieu (Exalté) ».

« Les hommes de Dieu (Exalté) ne sauraient désespérer de Sa miséricorde et de Sa grâce. Ils cherchent donc à s’attirer les grâces de Dieu (Exalté) par Ses attributs de générosité. Lorsque chez les croyants ordinaires, Dieu (Exalté) suscite la crainte, ceux-ci l’éprouvent ; de même, lorsqu’Il fait naître l’espérance en eux, ils espèrent. Inversement, s’Il suscite la crainte chez les élus, ils espèrent, et s’Il fait naître l’espérance en eux, ils ressentent de la crainte. »

Yahya Ibn Mou‘âdh disait : « Quiconque adore Dieu (Exalté) simplement par crainte se noie dans l’océan des pensées. Quiconque L’adore simplement par espérance se perd dans les illusions. Mais celui qui L’adore par crainte et par espérance est dans la justesse ».

« Elle a deux aspects : la satisfaction d’une douleur en raison de ce qu’on peut en attendre comme rétribution. Ainsi est la satisfaction pour la saignée, la tonsure ou le remède qui doivent guérir.

La satisfaction sans l’attente d’un bénéfice quelconque mais simplement parce que c’est le désir de l’être aimé. L’amour est tel que le désir de l’amoureux et celui de l’être aimé sont confondus. La chose la plus délicieuse est alors pour l’amoureux : la joie dans le cœur de l’être aimé et la satisfaction de ses désirs, soit-il au prix de sa propre mort ». (Al-Ghazâlî : l’apaisement du cœur p 362.)

L’imâm Al-Ghazâlî a dit : « J’ai su avec certitude que les Soufis sont ceux qui cheminent sur la Voie d’Allah (Exalté) , que leur conduite est la plus parfaite, que leur voie est la plus sûre et la plus droite, et que leur caractère est le plus pur. Je dirais plus, même si l’on additionne l’intelligence des hommes, la sagesse de sages et la science des savants avertis des secrets de la loi religieuse pour pouvoir réformer la conduite des Soufis, ou même l’améliorer, on n’y arriverait pas. Car tout dans leur mouvement ou leur immobilité, extérieurement et intérieurement, est puisé dans la lumière de la Niche (Michkât) de la Prophétie »

 

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PRINCIPAUX OUVRAGES D’AL GHAZÂLÎ

Les principaux ouvrages de l’imâm Al Ghazâlî furent rédigés entre 478 et 487 AH

Parmi ses premiers écrits, on cite :

Kitâb Al Mankhoûl min ta‘lîq al ousoûl;

-Tahdhîbou al ousoûl ;

Al Moustazhirî composé à Baghdâd au courant de l’an 487 AH.

Tahâfout al falâsifah achevé en mouharram, en l’an 488 AH

Maqâsid al falâsifah. Composé vers 487 ou 488 AH

Mi‘yâr al ‘ilm (traité de logique) vers 488 AH

Al Iqtisâd fî al i‘tiqâd, fut composé à la fin de sa première période baghdadienne, après la composition de Tahâfout et Al Moustazhirî

Mifsal al ikhtilâf entre 490 et 493 AH, réfutation de la doctrine d’un chi‘îte ismâ‘îlite

Il écrivit trois manuels destinés à l’enseignement de la doctrine chafi‘ite :

Al Basît ;

Al Wasît ;

Al Wâjiz.

Ce sont donc des ouvrages de jurisprudence, la date de leur composition pose problème aux historiens

Mais certains fixent la date d’Al Wajîz en 495 AH.

At-Ta‘lîqah fî fouroû‘ al Madh-hab

-On situe la rédaction d’Al Ihyâ’ entre les années 489 AH et 495 AH.

Houjjat al ‘aql à Baghdâd en 490 AH

Après son retour à la vie publique, on cite surtout ces trois principaux ouvrages :

Kitâb Ad-dourj al marqoûm en l’an 493AH. C’est une réfutation de la pensée ismâ‘ilienne batinite.

Al Moustasfâ min ‘ilm al Ousoûl,

Nasîhat al mouloûk : recueils de conseils à l’usage des princes en 498 ou 499 AH ou entre 500 et 505 AH ou entre 499 et 505 AH les dernières années de la vie de l’imâm.

Al Mounqidh mina addalâl. Composé en 500 AH

Il écrivit également, au cours de sa vie, des ouvrages moins souvent cités :

Al Jawâhir al ghawâlî

Al Qistâsou al moustaqîm, composé en 499 AH

Al Adabou fi Ad-Dîn 

Faysal at-tafriqa bayna al islâmi wa az-zandaqa en 497 ou 498 AH. Etude des différentes sectes et courants.

Autres ouvrages

Houjjat al Haqq

Ar-Risâlah al Qoudsiyyah fil ‘Aqâ’id

-Al Ma‘ârif al ‘aqliyya wal asrâr al ilâhiyyah

-Fi mas’alat koulli Moujtahid mousîb

-Jawâhir Al Qour’ân

-Al Madnoûn ‘alâ ghayri ahlih

-Al Madnoûn Assaghîr

-Fi ‘Ajâ’ib Al Khawâss

-Sirrou al ‘Âlamîn wa kachfi mâ fî ad-Dârayn

-Al Imlâ’ ‘alâ Al Ihyâ’

-Ad-Dourrah al fâkhirah fî kachi ‘ouloûmi al Âkhirah

-Khoulâsat al Moukhtasar ou Al Khoulâsah fil fiqh

-Al Mountahal fî ‘ilm al jadal

-Ma’âkhidh al khilâf

-Tahqîq al Ma’âkhidh

-Al Mabâdi’ wal Ghâyât

-Fatwâ pour Ibn Tâchafîn

-Al Fatwâ al At-Tayzadiyya

-Ghâyat al Ghawr fî dirâyat Ad-Dawr

-Al Maqsad al Asnâ fî Charhi Asmâ’i-llâhi Al Housnâ

-Al Qânoûn Al koullî fi at-ta’wîl

-Jawâb al Masâ’il al al arba‘

-Al Kachf wa attabyîn fî ghouroûr al khalqi ajma‘în

-Risâlah à Aboû Al Fath Ahmad Ibn Salâma à al Mawsil

 

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SELECTION DE PASSAGES DES DIFFERENTS OUVRAGES DE L’IMÂM Al GHAZÂLÎ

 

Al Mounqidh mina addalâl : Délivrance de l’erreur

« Le premier sens dont fut doté l’homme est celui du toucher, avec lequel il perçoit, par exemple, le chaud et le froid, l’humide et le sec, le lisse et le rugueux. Mais les couleurs et les sons lui échappent : ils n’existent pas pour le toucher. Et puis c’est l’ouïe, qui lui fait entendre les sons et les mélodies. Enfin vient le goût. Alors l’homme franchit les limites du monde des sens, grâce au discernement. A cette nouvelle étape, il perçoit des nouvelles choses étrangères au monde des sens. De là, il atteint un autre stade, celui de l’intellect, qui lui permet de saisir des notions comme : le nécessaire, le possible et l’impossible… »

*** *** ***

Ayyouhâ Al Walad : Lettre au disciple

« J’ai observé les créatures et j’ai vu que chacune d’elle avait un être qu’elle aimait et chérissait. Il est de ces êtres aimés qui accompagnent la personne qui les aime jusqu’à, la maladie grave ; d’autres l’accompagnent jusqu’au bord de la tombe puis se retirent la laissant toute seule ; mais aucun n’entre avec elle dans la tombe. Cela m’a donné à réfléchir et je me suis dit : « Le meilleur ami de l’homme serait celui qui le suivrait jusque dans la tombe puis lui tenir compagnie.» Un tel ami, seules les bonnes œuvres m’en ont tenu lieu. Je les ai alors aimées afin qu’elles me soient un flambeau dans ma tombe, qu’elles m’y tiennent compagnie et ne m’y laissent pas seul. »

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Ar-radd al jamîl li-ilâhiyyat ‘Isâ bi-sarîhi al Injîl : Réfutation excellente de la divinité de Jésus Christ.

«Or, pour Dieu (Exalté), si l’on considère Sa Bonté envers tout être, Sa Miséricorde et Sa Compassion à son égard, les biens qu’Il lui promet et les maux qu’Il écarte de lui, la révélation qu’Il lui fait enfin de ce qui convient à Sa Majesté, les moyens qu’Il lui donne de s’en acquitter, alors, en regard de cela, ce que fait un père de la terre apparaît bien insignifiant et méprisable.

D’un autre côté, la respectueuse attitude des Prophètes envers Dieu (Exalté), leur retenu avec Lui, leur obéissance à ce qu’Il commande, leur soumission à ce qu’Il défend, leur révérence à Son égard est chose plus admirable que la conduite des enfants envers un père. Dieu (Exalté) est ainsi pour eux Le Plus Miséricordieux (Exalté) des pères et ils sont pour Lui les plus pieux des fils.

C’est là le sens profond de la métaphore lorsqu’on emploie ce terme (Notre Père !). Donc, lorsque Jésus use de la métaphore en appliquant le nom « Père» à Dieu (Exalté), le sens en est que Dieu (Exalté) est Miséricordieux et Bienveillant à son égard ; Et quand il s’applique à lui-même le mot « fils », le sens en est qu’il est plein de profond respect et de révérence pour Dieu (Exalté).

C’est ainsi également qu’il faut entendre ses paroles, quand il exhorte à ne pas ôter l’espérance. Il veut dire : «  Si vous Lui obéissez en tous Ses Préceptes, Il vous traitera comme le père traite son enfant. »

C’est aussi le sens des paroles de son disciple : « Celui-là est né de Dieu (Exalté)… »

Voilà donc le mystère de ces expressions que les Prophètes avaient pénétrées. Aussi leur fut-il permis de le faire passer dans leur langage, se fiant à l’intelligence de celui que son discernement saurait préserver des imaginations trompeuses.

Et voici maintenant que les Chrétiens eux-mêmes en viennent à employer ce terme couramment. En effet, s’ils voient un religieux ou un prêtre, ils lui disent : « notre père ! », alors qu’il n’est pas réellement leur père. Mais ils ont dans l’esprit, en recourant à cet emploi, ce que nous avons indiqué, c’est-à-dire, qu’ils assimilent, pour ses sentiments de compassion, le prêtre à un père, et qu’ils s’assimilent eux-mêmes, par le respect qu’ils lui portent à des fils. »

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Mîzân Al ‘Amal : Critère de l’action

« La vertu de Sagesse comprend le savoir-faire, la finesse de l’intelligence, la pénétration de l’esprit et la justesse de la prévision.»

« Celui qui acquiert une science, la met à profit et en fait profiter autrui est comme le soleil qui s’éclaire et éclaire autrui en tant qu’i est clair, et comme le musc qui parfume et est parfum. Mais qui fait profiter autrui (de sa science) sans en profiter soi-même est comme le cahier de notes qui profite à autrui alors qu’il est, en lui-même exempt de profit, comme l’aiguisoir qui rend tranchant sans pouvoir trancher ou comme la mèche de la lampe qui éclaire en se consumant. »

« Se montrer orgueilleux vis-à-vis de la science, c’est se refuser à la prendre chez qui la possède. C’est la déraison même ! Au contraire, ‘la sagesse est le plus grand souci de tout sage’ : partout où il la trouve, il doit s’en emparer avantageusement, en tirer profit et se sentir chargé d’obligation (envers quiconque la lui offrirait).’

La science est combat pour l’homme altier ;

Comme le torrent est combat pour le lieu élevé. »

« … S’affliger à cause des affaires de ce bas-monde, constitue un signe de démence et de déraison. En fait, le chagrin est infailliblement dû, soit à un regret du passé, soit à une crainte de l’avenir, soit enfin à une affliction au sujet d’une chose présente dans l’immédiat, or si le chagrin est dû à une chose passé », l’Homme sensé est assez clairvoyant pour savoir que rien ne sert de se tourmenter pour une chose déjà manquée. Et s’attrister devant ce contre quoi on en peut plus rien est pure sottise. Voilà pourquoi Le Très Haut dit : « Afin que vous ne regrettiez point ce que vous avez manqué… » (Ste 57/V23)

S’affoler est-il profitable pour moi, en sorte que je m’affolerais ? »

Si le chagrin est au sujet d’une chose présente, il est motivé soit par la jalousie d’une faveur qui arrive à une personne qu’on connaît, soit par l’affliction à cause de l’indigence ou la perte de richesse, du crédit et de tous autres moyens de ce bas-monde. Et cela procède du fait que l’on ignore les énormes dangers et les « mortels poisons » de la vie. Car, si on les connaissait à fond, on ne  remercierait pas assez Dieu (Le Très Haut) d’avoir allégé notre fardeau en refusant de nous les accorder…. »

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Ihyâ’ ‘Ouloûm Ad-Dîn

« Si la politique est indispensable à l’être humain, c’est d’abord parce que l’être humain  lui-même est un animal politique destiné à vivre dans une société hiérarchisée et ordonnée. »

Réf : Ihyâ’ ‘Ouloûm Ad-Dîn. Livre de la Science.

« Aimer un autre être que Dieu (Exalté), sans tenir compte de sa relation avec Dieu (Exalté), ne peut être que le fait de l’ignorance et de l’incapacité où l’on est de connaître Dieu (Exalté). »

Al Ghazâlî a dit : «  Sahl  (mort en l’an 77H) a dit : « Le critère de notre amour pour Dieu (Exalté), c’est l’amour du Coran. Le critère de notre amour du Coran, c’est notre amour pour le Prophète. Le critère de notre amour du Prophète, c’est notre amour pour la Sounna. Le critère de notre amour pour la Sounna, c’est notre amour pour l’Au-delà. Le critère de notre amour pour l’Au-delà, c’est notre détachement de ce bas-monde. Le critère de notre détachement de ce bas-monde, c’est qu’on se contente de peu pour la route, et du strict nécessaire dans la marche vers l’Au-delà. »

« Aimer les Prophètes est digne d’éloges, car cela revient à aimer Dieu (Exalté). Il faut en dire autant des docteurs de la Loi et des hommes de piété. Le bien-aimé du bien-aimé est bien-aimé. L’envoyé du Bien-aimé est bien-aimé. Cela retourne toujours à l’amour essentiel. On ne va pas à d’autre qu’à Lui. »

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Al Moustasfâ :

Al Ghazâlî n’avait jamais cessé d’être juriste, son mysticisme ne contredit pas le Droit. A la fin de sa vie, il enseigna le Droit (al fiqh) tout en vivant comme un mystique.

Deux ans avant sa mort, survenue le 6 mouharram 503H/ 5 août 1109JC, il acheva son Moustasfâ fî ‘ilmi al ousoûl, chef d’œuvre de Ousoûl al fiqh et référence incontournable, jusqu’à nos jours pour tout étudiant des Fondements du Droit musulman.

« Tout ce qui implique la préservation des cinq universaux (al koulliyyât al khams : la religion, la vie, la raison, la propriété privée et la filiation ou l’honneur) est maslaha (intérêt), et tout ce qui porte atteinte à ces fondements est mafsada en soi (nuisance, préjudice), et le fait de l’éviter est une maslaha en soi (…) La préservation des cinq universaux est une nécessité (daroûra), on peut même dire c’est une nécessité vitale. » Tome 1, page 288.

 

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CE QUI A ETE DIT D’AL GHAZÂLÎ ET DE SES ŒUVRE

Salâh Ad-Dîn AsSafadi (mort en 764 A.H.), le disciple  d’Aboû Hayyân Al-Andalousî, rapporte dans son célèbre dictionnaire biographique  intitulé Al-Wâfî (i.e. Le Complet)- qui contient  plus de 14000 biographies : « Mouhammad Ibn Mouhammad Ibn Mouhammad Ibn Ahmad, la Preuve de l’Islam, l’Ornement  de la Foi, Aboû Hâmid atToûsî (Al-Ghazâlî), le juriste  Chaficite, était sans rival au cours de ses dernières années. »

« Al Ghazâlî a réconcilié la mystique avec l’orthodoxie sounnite.

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« Al Ghazâlî était le représentant typique de l’orthodoxie musulmane.  Il a défendu les dogmes, en utilisant l’argumentation rationnelle dans le cadre de l’orthodoxie sounnite. »

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« La haute intelligence de cet homme aurait été incapable d’adopter les doctrines erronées des alchimistes, et encore moins de les professer. »

*** *** ***

« Le premier penseur musulman à avoir étudié sérieusement la capacité de la raison humaine dans la recherche de la certitude… »

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« Dans ses études, il devançait David HUMES (m : 1176) et Emmanuel Kant (m : 1723), dans la découverte de quelques principes essentiels sur la notion des fondements de la ma‘rifa.  Il est le premier penseur musulman à avoir eu une certitude anti-conformiste vis-à-vis des règles établies, devançant DESCARTES  dans son doute. »

*** *** *** 

« La Revivification (Al Ihyâ’) présente plusieurs intérêts, mais il s’y trouve également des matières blâmables. Il s’y trouve, en effet des matières corrompues : des propos des philosophes qui se rattachent à l’Unité divine, à la prophétie et au Devenir.

Quand Aboû Hâmid évoque la connaissance des soufis, il équivaut à quelqu’un    qui prendrait un ennemi des Musulmans et l’habillerait des vêtements des Musulmans. Les Imâms de la religion ont désapprouvé cela dans ses livres. « Sa maladie est la Guérison », ont-ils dit, visant par là, le livre de la Guérison composé par Ibn Sînâ (Avicenne) en philosophie.

Il y a dans la Revivification (Al Ihyâ’), des hadîth et des récits faibles ; plusieurs, même, sont inventés. Il s’y trouve aussi quelques-unes des questions spécieuses des soufis et de leurs sornettes.

Ceci étant, il y a dans La Revivification, comme propos des cheykhs soufis qui, concernant les œuvres des cœurs, s’y connaissent et sont sur la voie droite, des choses qui sont en accord avec le Livre et la Sounna. On y trouve également, concernant les actes d’adoration et les usages, des choses nombreuses que celles qui sont à rejeter, et c’est pourquoi les savants divergent d’avis à propos de ce livre et controversent à son sujet. » (Ibn Taymiyya : Al Fatâwâ al koubrâ. Tome 10. PP : 551-552. Traduction. J. R. Michot))

 

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L’INFLUENCE DE LA PENSEE D’AL GHAZÂLÎ

Aboû Hâmid Al Ghazâlî est mort à l’âge de cinquante-cinq ans, après une vie qu’on peut estimer courte si l’on considère l’ampleur, la richesse et l’influence de son oeuvre. Il est permis de dire qu’il a été un des plus grands penseurs musulmans, un de ceux qui ont laissé l’empreinte la plus profonde, méritant ainsi le surnom de « rénovateur du Vème siècle de l’Hégire ».

La grande influence qu’a eue Al Ghazâlî peut-être attribuée à plusieurs éléments, à savoir :

La profondeur, la force et l’étendue de sa pensée, consignée dans plus de cinquante ouvrages, dont les plus importants sont Ihya’ ‘Ouloum ad-Dîn [Revivification des sciences religieuses], Tahâfout al-Falâsifa [L’incohérence des philosophes] et Al-Mounqidh mina adDalâl [Erreur et délivrance], ouvrages que l’on continue aujourd’hui à étudier ;

Ses vues étaient en accord avec son époque et son milieu, reflétant cette époque sans doute plus qu’elles ne répondaient à ses besoins et à ses exigences, et constituant un élément de continuité et d’ordre plus qu’un facteur de renouveau et de changement ;

Après lui, la société et la pensée islamiques sont ensuite entrées dans une longue ère de sclérose et de décadence, où les grands penseurs se sont faits rares, ce qui explique que la pensée d’Al Ghazâlî soit restée vivante et influente.

L’influence d’Al Ghazâlî sur la pensée islamique peut être ramenée aux éléments ci-après :

Retour du « principe de crainte » dans la pensée religieuse, et insistance sur l’existence du Créateur siégeant au centre de l’existence humaine et régissant directement et constamment le cours des choses (après que les soufis eurent défait le « principe d’amour ») ;

Introduction de certains principes de logique et de philosophie (nonobstant les attaques d’Al Ghazâlî contre ces disciplines) dans la jurisprudence et la théologie dogmatique ;

Réconciliation entre la « Charî‘a » et le soufisme (entre les jurisconsultes et des soufis) et multiplication des confréries soufies ;

Défense de l’islam sounnite contre la philosophie et le chi‘isme et les sectes ésotériques;

Affaiblissement de la philosophie et des sciences de la nature.

L’influence d’Al Ghazâlî s’est étendue au-delà du monde islamique pour s’exercer jusque sur les pensées européennes juive et chrétienne.

Ainsi, cette influence, va s’étendre  au-delà du monde musulman, pour s’exercer jusque sur la pensée européenne chrétienne. A la fin du XIème siècle et surtout au XIIème siècle de l’ère chrétienne, de nombreuses oeuvres arabes, de mathématiques, d’astronomie, de sciences naturelles, de chimie, de médecine, de philosophie et de théologie ont été traduites en latin, dont certaines oeuvres d’Al Ghazâlî, notamment, Ihya’ ‘Ouloum ad-Dîn, Maqâsid al-Falâsifa [Les intentions des philosophes ] (que d’aucuns ont prise par erreur pour un exposé de la pensée d’Al Ghazâlî alors qu’il s’agissait d’une récapitulation des principes philosophiques en cours à l’époque), Tahâfout al-Falâsifa [ L’incohérence des philosophes] et Mîzan al ‘Amal [Critère de l’action].

En outre, un certain nombre de savants européens connaissaient l’arabe et ont pu prendre directement connaissance des vues d’Al Ghazâlî, l’influence est très nettement perceptible chez de nombreux philosophes et savants du Moyen Âge et du début de l’ère moderne, particulièrement chez Thomas d’Aquin, Dante et David Hume.

Thomas d’Aquin (1225-1274), dans sa Summa Theologiae [Somme théologique] doit beaucoup à Al Ghazâlî (notamment – à l’Ihya’ ‘Ouloum ad-Dîn [Revivification des sciences religieuses], à Kimiyâ’ as-Sa‘âdah [L’alchimie du bonheur] Ar-Risâla al-Ladouniyya [La sagesse chez les créatures de Dieu » et au « Message divin ».

Les écrits de Dante (1265-1321) révèlent clairement le pouvoir islamique d’Al Ghazâlî et de Risâlat al-Ghoufrân [Épître du pardon] d’Aboû al ‘Alâ’  al Ma‘arrî.

Et Al Ghazâlî a également exercé une influence sur Pascal (1623-1662), surtout en donnant la primauté à l’intuition sur la raison et les sens, et cette influence se fait sentir chez Hume (1711-1772), dans sa réfutation de la causalité.

Il semble qu’Al Ghazâlî ait exercé une influence plus profonde sur la pensée juive que sur la théologie et la pensée chrétiennes. Nombreux en effet étaient les savants juifs du Moyen Age qui connaissaient parfaitement la langue arabe, et certaines oeuvres d’Al Ghazâlî ont été traduites en hébreu.

Son livre Mîzân al ‘Amal [Critère de l’action], en particulier, a trouvé un public chez les juifs du Moyen Âge : il a été plusieurs fois traduit en hébreu, et même adapté, les versets du Coran étant remplacés par les mots de la Torah. Un des grands penseurs juifs qui ont subi l’influence d’Al Ghazâlî a été Maïmonide (en arabe : Moûsâ Ibn Maymoûn ; en hébreu : Moshe ben Maïmom [1135-1204], cette influence étant manifeste dans son Dalâlât al Hâ’irîn [Guide des égarés], rédigé en arabe, l’une des oeuvres les plus importantes de la théologie juive médiévale63.

Les écrits d’Al Ghazâlî sur l’éducation représentent l’apogée de la pensée éducative dans la civilisation islamique. La conception de l’éducation qu’il a élaborée peut être considérée comme la construction la plus achevée dans ce domaine, définissant clairement les buts de l’éducation, traçant la route à suivre et exposant les moyens de parvenir au but recherché.

Al Ghazâlî a exercé une influence évidente sur la pensée éducative islamique du VIe au XIIIe siècle de l’Hégire (du XIIème au XIXème siècle de l’ère chrétienne). On peut presque dire qu’à de rares exceptions près, les praticiens et les théoriciens de l’éducation n’ont rien fait d’autre que copier Al Ghazâlî et résumer ses vues et ses écrits. Il suffit pour le vérifier d’examiner quelques grands ouvrages consacrés à l’éducation qui sont parvenus jusqu’à nous :

L’ouvrage d’Az-Zarnoûjî (mort en 571 H), intitulé Ta‘lim al Mouta‘allim Tarîqa at-Ta‘alloum [Apprendre à l’élève la voie de l’apprentissage], est essentiellement une compilation d’extraits d’Ihya’ ‘Ouloûm ad-Dîn [Revivification des sciences religieuses] et de Mîzân al- ‘Amal [Critère de l’action] pratiquement recopiés tels quels, avec de rares ajouts, du reste mineurs. Cet ouvrage, qui se distingue par sa concision et son style simple et assez vivant, est considéré comme l’un des ouvrages pédagogiques qui ont connu la plus grande diffusion.

L’influence indirecte d’Al Ghazâlî peut être décelée dans les écrits d’AtToûsî (mort en 672 H). Ce savant, qui fut l’un des plus importants du Moyen Âge, a composé une œuvre immense et diverse comptant plus de cent titres, consacrés à la philosophie, à la logique, à la morale, aux mathématiques et à l’astronomie. Parmi ses ouvrages les plus importants consacrés à l’éducation, il convient de citer Akhlâq An-Nâsirî [Éthique naziréenne] (en persan) et Adab al-Mouta‘allimîn [Les règles de conduite des élèves]. Le premier de ces ouvrages révèle l’influence de Tahdhîb al Akhlâq wa tathîr al a‘râq [La réforme des moeurs et la purification des races] d’Ibn Miskawayh et de la philosophie grecque, et le second n’est qu’un résumé de l’ouvrage (Ta‘lîm) d’Az-Zarnoûjî, qui lui-même reprenait Al Ghazâlî.

De même, Ibn Jamâ‘a (mort en 733 H), dans son ouvrage [Guide de l’auditeur et de l’orateur sur les règles de conduite du savant et de l’élève], montre qu’il est directement influencé par Al Ghazâlî, ainsi que par al-Zarnoûjî et AtToûsî (qui reprenaient Al Ghazâlî).

L’ouvrage susmentionné de cet enseignant, prédicateur et juge, qui vécut en Égypte, en Palestine et au Levant, se caractérise par sa simplicité et sa construction, ainsi que par le recours à un grand nombre de hadîth et autres citations et contes. Il aborde de manière traditionnelle les thèmes désormais courants de l’éducation islamique (vertus du savoir, règles de conduite du savant, du maître et de l’élève) et consacre un chapitre aux règles de conduite des hôtes des medersas (qui s’étaient multipliées à l’époque), et un autre à l’art d’utiliser les livres.

Quant à l’ouvrage d’Ibn Al Hajî Al ‘Abdarî (mort en 737H), intitulé : Madkahal ach-Char‘ ach-charîf [Introduction à la Loi sacrée], il est pratiquement coulé dans le même moule que Ihyâ’ ‘Ouloûm ad-Dîn [Revivification des sciences religieuses], mais reflète la grande différence qu’il y a entre la civilisation islamique du Ve siècle de l’Hégire et celle du VIIIe siècle. L’auteur y cite souvent Al Ghazâlî et semble bien au fait de sa pensée et de ses écrits, généraux ou consacrés à l’éducation.

Au Xème siècle de l’Hégire (XVIème siècle de l’ère chrétienne), il y a Ibn Hajar al Haytamî, auteur de Tahrîr al Maqâl fâ âdâb wa ahkâm wa fawâ’id yahtâjou ilayhâ mou’addibou al atfâl [Libération du discours sur les règles de conduite et les qualités morales requises des éducateurs des enfants], égyptien qui a étudié et enseigné à Al Azhar avant de s’installer près de La Mecque. Ses écrits, représentatifs de la pensée et de la littérature de l’époque ottomane, mettent l’accent sur l’enseignement dans les écoles primaires, la situation des maîtres et les règles qui doivent régir leur action. Il cite abondamment Al Ghazâlî et s’y réfère souvent.

La quasi-totalité de la pensée éducative islamique (et en particulier sounnite) a suivi le chemin tracé par Al Ghazâlî, dont l’influence ininterrompue a survécu au déferlement de la modernité occidentale et à l’apparition de la civilisation arabe moderne contemporaine.

Selon Frank Griffel, docteur en histoire de la philosophie et spécialisé en théologie et philosophie arabes, « Descartes a été fortement influencé par le philosophe arabe du XIIe siècle al-Ghazali». Plus précisément, les premières «Méditations» seraient largement inspirées de l’autobiographie du penseur arabe, intitulée « La Délivrance de l’erreur ». «Le problème de cette supposition, dont je ne suis pas l’initiateur, est qu’elle se heurte à un vieux principe. En substance, celui-ci affirme que, s’il n’y pas de preuve évidente d’influence, à savoir de traduction, la recherche est invalide», apprend Frank Griffel. «Pourtant, il suffit de lire et de comparer les deux textes pour se rendre à l’évidence». À quelque 5 siècles de distance, les «acharites», disciples de’Al-Ghazali, et les cartésiens ont le rejet du système aristotélicien en commun : « La notion de scepticisme, ajoute le professeur, très présente dans la pensée arabe, a influencé la philosophie de Descartes». Le conférencier essaie, en fait, de prouver que, «bien que Descartes n’a jamais eu un exemplaire de l’autobiographie de al-Ghazali entre les mains, elle l’a sûrement beaucoup aidé dans sa recherche sur le “cogito” humain».

Voici quelques extraits de la conférence de Frank Griffel :

« Descartes est considéré comme le père de la philosophie moderne, dans le sens où il a essayé de se détacher du système aristotélicien et de reprendre la philosophie à sa base. La pensée aristotélicienne est fondée sur le principe déductif qui atteint la connaissance en plaçant le phénomène en question sous un ordre supérieurement connu. Ce système implique que toute connaissance donnée est représentée par un nombre limité de propositions, qui peuvent toutes être déduites des principes connus. En sciences naturelles, la méthode aristotélicienne ne recommande pas les expériences empiriques. Le nouveau système, le cartésien, encourage totalement les sciences empiriques, sans lequel les immenses réussites des sciences naturelles accomplies ces derniers siècles auraient été impensables».

« Pour Descartes, les idées innées et les perceptions claires et distinctes sont les éléments les plus importants de sa reconstruction du système de la connaissance humaine (…). La source de l’intuition humaine et des perceptions claires et distinctes n’est autre, selon Descartes, que Dieu lui-même, qui, étant parfait et infiniment sincère, ne peut se moquer de nous et nous laisser avoir des intuitions qui nous mèneraient à de faux jugements (…) Alors que la philosophie médiévale prenait ses notions de vérité et de connaissance de “là-haut”, la nouvelle méthode de Descartes place la source de ces deux principes dans l’homme lui-même».

Le scepticisme «Le lien entre Descartes et al-Ghazali se situe dans l’usage méthodologique du scepticisme (…). Al-Ghazali tire la plupart de ses idées sur le scepticisme de ce qu’il savait de la propagande menée par le mouvement des Ismaéliens (…).

Comme Descartes, ils n’étaient pas des sceptiques, mais ils utilisaient le scepticisme à seule fin de prouver que l’unique source de vérité était en Dieu (…). Il ne peut y avoir aucune connaissance, et cela est la seule chose dont nous soyons sûrs. Mais nous savons que Descartes trouve la solution dans l’argument : «Je pense donc je suis». Descartes dit : «Il y a au moins une seule vérité, c’est que je pense, donc je suis. Quelle solution offre al-Ghazali ? (…) Ses doutes concernant l’authenticité de la connaissance humaine sont dépassés par la foi dans la sincérité de Dieu et que ce dernier ne décevrait jamais l’individu jusqu’à ce point». Sur la question des textes authentifiant une influence quelconque de la philosophie arabe sur la pensée européenne, voici la réponse de Frank Griffel : «Les historiens de la philosophie, qu’ils soient Européens ou Arabes, partent du même principe, selon lequel l’histoire de la philosophie est déterminée par les textes (…) Ce que je suggère, c’est de regarder les choses non pas comme un historien qui a besoin de preuves écrites pour approuver une influence, mais plutôt avec une attitude qui considère le développement des idées comme un procédé d’interaction où plusieurs individus sont impliqués. Je crois simplement qu’une idée, une fois développée par une ou plusieurs personnes, a une vie en soi, qui ne peut plus être contrôlée par son ou ses inventeurs».

(…) «En conclusion, j’encourage à une plus grande flexibilité lorsqu’on débat de l’influence de la philosophie arabe sur la pensée européenne. Cela doit être dit des deux côtés (…). Je pense que les questions de plagiat sont plutôt ennuyeuses, comparées à d’autres, comme celle-ci par exemple : « Pourquoi l’emploi de la notion de scepticisme chez Descartes a connu un tel impact dans la pensée européenne, alors que la biographie d’al-Ghazali n’a pas apporté un renouveau à la théologie et à la philosophie islamique ?»

(Réf : Orient le jour, Beyrouth.2000)

 

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OUVRAGES ET TRAVAUX UTILES POUR L’ETUDE DE LA VIE, PENSEE ET ŒUVRES D’AL GHAZÂLÎ

*AL ASNAWI : Tabaqât ach-châfi‘iyya, éclairé par Abd-Allâh Al Jouboûrî ;  in série Ihyâ’ at-tourâth al islâmî. Baghdâd, éd. du Ministère des Awqâf,  1390-91H/1970-71. 2 volumes.

*Al GHAZÂLÎ, Aboû Hâmid :

-Kitâbou al adabou fî ad-dîn,  éclairé et corrigé par Mouhammad M. Jâbir (d’Al Azhar). Ed Beyrouth, Al maktaba ath-thaqâfiyya, pp. 107-135, non daté.

-Risâlat ayyouhâ al walad (Epître sur l’éducation des enfants), traduite par L. RENON, in Revue de l’Institut des Belles Lettres Arabes ; n° 8, Tunis, 1945, pp. 59-74.

-Ayyouhâ a1 walad,  traduit par Tawfîq SABBAGH, éd. UNESCO, 1959.

-Kitâb faysal at-tafriqa bayna al islâm wa az-zandaqa ; in AL CHAZÂLÎ,  Al jawâhir  al ghawâlî. Le Caire, 1934-1953, pp. 75-104.

-Kitâb Ihyâ’ ‘Ouloûm ad-Dîn. Beyrouth, Dâr al ma‘rifa, non daté. 5 tomes. (édition arabe)

-Livre des bons usages en matière de mariage (extrait du Kitâb Ihyâ’ ‘Ouloûm ad-Dîn), traduit et annoté par L. BERCHER et G.H. BOUSQUET, Paris, Maisonneuve, XXXX, 1953.

-Kitâb Ihyâ’ ‘Ouloûm ad-Dîn : Revivification des sciences religieuses. Traduction, analyse et index par G.H. BOUSQUET, Paris, librairie Max Besson, 1955.

-Kitâb Ihyâ’ ‘Ouloûm Ad-Dîn, préface de Badawî Tabâna sur  le soufisme en Islam. Le Caire, Dar al kitâb al ‘arabî. Bâbî al halabî. 1377H/1957. 4 tomes.

-Kitâb  Ihyâ’ ‘Ouloûm Ad-Dîn (Le traité de la rénovation des sciences religieuses). Traduit par Carra de VAUX, in Compte-rendu du congrès scientifique international des Catholiques Paris, 1 au 6 avril 1891, Paris, éditions Picard, 1961, pp. 24 et suivantes.

-Livre de l’obligation d’ordonner le Bien et d’interdire le Mal (extrait du Kitâb Ihyâ’  ‘Ouloûm Ad-Dîn) ; traduit par L. BERCHER, in I.B.L.A. vol. II, livre XIX, Tunis, 1961.

-Kitâb al iqtisâd fî al i‘tiqâd. Le Caire, Imprimerie Moustaphâ Bâbî al halabî et fils, 1385/1966. 127 pages.

-Kitâb al Jawâhir al ghawâli (Dix épîtres d’AL CHAZÂLÎ) Le Caire, Librairie arabe éd., 1323/1924.

-Kitâb mîzânou al ‘amal. Le Caire, 1342/1919. 175 pages. (éd. arabe).

-Kitâb mîzânou al ‘amal (Critère de l’action : traité d’éthique psychologique et mystique d’Aboû Hâmid Al GHAZÂLÎ), traduit par Hikmat Hâchim. Paris, Maisonneuve, 1945. 175 pages.

-Al Mounqidh (Le préservatif de l’erreur), traduit par BARBIER DE MEYNARD, in Journal Asiatique, série III, tome IX, 1877, pp. 1-93.

-Al Mounqidhou mina ad-dalâl, avec une introduction sur le soufisme par ‘Abd Al Halîm MAHMOÛD, Le Caire, Maison des Livres modernes, non daté. 392 pages. (édition arabe).

-Kitâb Al Mourchidou al amînou ilâ maw‘zati al mou’minîn. Ouvrage de soufisme édité et préfacé par Mahmoûd Nasr Al Halabî. Le Caire, 2ème édition 1956. 299 pages.

-Al Moustasfâ min ‘ilmi al ousoûl. 1ère édition, Egypte, Imprimerie Al Amîriyya. Boûlâq, 1324/1925. 2 tomes.

-Kitâb Al Qoustâs Al moustaqîm. Hims et Beyrouth, Mou’assasat az-zoubbî, 1973. 72 pages.

-Kitâb Chifâ’ou al ghalîl, Baghdad, 1390H/1971JC .844 pages.

*An-NAWAWÎ : Les quarante hadîth. Traduits de l’arabe et annotés par Mouhammad Tâhâ, Paris, édition Les Deux Océans, 1980. 107 pages.

OUVRAGES ET ARTICLES CONTEMPORAINS

*Abd Al Karîm ‘Outhman : Sîrat Al Ghazâlî. Dâr Al Fikr. Damas.

*Aḥmad Farīd al-Rifaʿī’s book : al-Ghazālī. Vol. 1. Intro

*Alphousseyni Cissé : QUELQUES ASPECTS DE LA PENSÉE D’AL GAZALI. L’Haramattan. 2013

*AMÎN, Ahmad : Zouhr al islam ; tomes I et II, Beyrouth, Maison du Livre arabe, 1969. 343 et 286 pages.

*Antoine Moussali, Al-Ghazâlî. Le livre de la crainte

et de l’espoir, Alger, Centre des glycines, 1994

*Antoine Moussali, Al-Ghazâlî. Les fondements de la foi, Alger, Centre des glycines, 1981

*Antoine Moussali, Al-Ghazâlî. Le livre de l’amour de Dieu, Alger, Enal (éditions nationales algériennes), 1986

*Azzouz Mouhyi Addin : Allama‘qoûl wa falsafat Al Ghazâlî : L’irrationnel et la philosophie d’Al Ghazâlî. Ad-Dâr al ‘arabiyya lil-kitâb. Liban.

*BINDER, L: Al Ghazâlî: theory of islamic government in Muslim World n° 45, 1955, pp. 229-241.

*Arnaldez, Roger : “Ghazâlî”, in Dictionnaire des philosophes, Encyclopaedia Universalis/ Albin Michel, 1998, p. 605-611.

*BRUNSCHVIG, Robert : Valeur et fondement du raisonnement juridique par analogie d’après Al Ghazâlî, in Studia Islamica, n° 36, 1971, pp. 57-88.

*CHARNAY, Jean-Paul : Psychologie religieuse et réformisme social chez Ghazâlî, in L’ambivalence dans la culture arabe Paris, éd. Anthropos, 1967, pp. 153-164.

*DEMEERSEMAN, A :

-Le Maghreb a-t-il une marque ghazalienne? in I.B.L.A. n° 82, Tunis, 1958, pp. 109-116.

-Ce qu’Ibn Khaldoûn pense d’Al Ghazâlî in I.B.L.A. n° 82, Tunis, 1958, pp. 161-194.

*GARDET, Louis :

-L’Islam : religion et communauté chapitre VIII : Un réformateur Al Ghazâlî Paris, Desclée De Brouwer, 1967, pp. 257-270.

-La cité musulmane : vie sociale et politique Paris, Vrin, 4ème édition 1976. 437 pages.

*HOUYAM, Nouylati : Al Ghazâlî : hayâtouhou, ‘aqîdatouhou (Al Ghazâlî : sa vie, sa doctrine). Damas, Al Matba‘a al jadîda, 1378/1958. 139 pages.

*‘ÎSÂ ‘Alî ‘Outhmân : Al insân ‘inda Al Ghazâlî (L’Homme chez Al Ghazâlî), traduit de l’anglais à l’arabe par Khayrî HAMMÂD, Dâr  Al Jîl, 1964.

*KABLY, Muhammad : Satan dans l’Ihyâ’ d’Al Ghazâlî ; mémoire présenté à l’Université de Paris Sorbonne, Département des Etudes Arabes et Islamiques, 1961. 68 pages.

*LAOUST, Henri :

-La politique de Ghazâlî. Paris, P. Geuthner, 1970. 414 pages.

-Al. Ghazâlî : politique et juriste, in M.U.S.3. n° 46, 1970-71, pp. 427-449.

*MONTGOMERY WATT, W: The faith and practice of Al Ghazâlî. Londres, George Allen and Unwin Ltd., 1953. 156 pages.

*MORABIA, Alfred : Des rapports entre religion et Etat selon un théologien égyptien d’Al Azhar traduit de l’arabe, Paris, Orient, non daté.

*MOUBÂRAK, Zakî : Al akhlâqou ‘inda Al Ghazâlî (La morale chez Al. Ghazâlî), Le Caire, Imprimerie Ar-Rahmâniyya. Non daté.

*Mohamed Nabil Nofal,  Al-Ghazali (1058-1111) [archive] », Perspectives: revue trimestrielle d’éducation comparée (Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIII, n° 3-4, 1993, p. 531-555.

*(Cheykh al-azhar) Muṣṭafa al-Marāghī’s statement on Ghazālī.

*AN-NADWÎ, Aboû Al Hasan : Houjjatou al islâm Al Ghazâlî (La preuve de l’Islam : Al Ghazâlî). Le Caire, Librairie Al Moukhtâr al islâmî. 1973.

*Qaradâwî (al) Youssef : L’imâm Al Ghazâlî bayna mâdihîhi wa nâqidîhi. Mou’assasat ar-Risâla.

*QOUMAYYAR, Youhannâ : Al Ghazâlî – dirâsâtoun moukhtâra (Al Ghazâlî : études choisies), Beyrouth, série Falâsifatou al  ‘arab, 2ème édition, 1953.

*Pisani Emannuel : Hétérodoxes et non musulmans dans la pensée d’Abû Hâmid Al Ghazalî. Thèse. Université Lyon III. 2014

*Richard M. Frank, Al-Ghazali and the ash’arite school. Duke University Press, 1994.

(al) Shatti Mohammad : L’argumentation dans la pensée d’Al Ghazali et d’Ibn Rushd. Thèse. Université Lyon III. 2004

*Smith, MargretAl-Ghazali the Mystic. (London: Luzac, 1944) Hijra international Publishers of Lahore, Pakistan

*F.A. Schmölders, Essai sur les écoles philosophiques chez les Arabes et notamment sur la doctrine d’Algazzali, Paris, Didot, 1842, en arabe et fr.

*M.-L. Siauve, L’amour de dieu chez Ghazâlî. Une philosophie de l’amour à Bagdad au début du xiie siècle, Librairie J. Vrin, 1986.

*WENSINCK, A.J : La pensée de Ghazâlî. Paris, Adrien et Maisonneuve, 1940. 203 pages.

COLLECTIF

 

Encyclopédie de l’Islâm.  Leiden, 1909 à 1938.

 

 

 

 

 

 

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Author: admin-amdouni